Bilan 2023 : la rentabilité des entreprises belges est affaiblie, mais les digues tiennent

Illustration
Pascal Flisch RESEARCH & DEVELOPMENT MANAGER - Trends Business Information

On clôture aujourd’hui une année difficile pour le monde des entreprises.

Il a fallu encaisser et digérer une hausse des coûts du personnel historique, les taux d’intérêts sont brutalement repartis à la hausse, l’inflation est enfin calmée, mais toujours pas domptée et le comportement du consommateur a changé, définitivement.

On craignait donc le pire à l’entame de l’année.

Le pire, ce serait une vague de faillite. Heureusement, elle n’est pas venue. On n’aura les chiffres définitifs qu’en début de semaine prochaine, puisque des jugements sont encore rendus aujourd’hui. On peut cependant estimer le nombre de défaillances à 10.300 pour toute l’’année.

Faillites en Belgique
20192020202120222023
11.2287.5376.5849.42610.300

Si c’est bien plus que les 3 années précédentes, on voit qu’on n’est toujours pas au niveau de 2019. Rien d’alarmant en soi, puisque le nombre d’entreprises actives ne fait qu’augmenter en Belgique.

Les créations d’entreprises et les cessations d’activité

Les chiffres des créations d’entreprises ne sont pas encore stables. Mais il faut se rendre à l’évidence. On n’atteindra pas les chiffres de l’année passée. Le pays a créé 128.962 nouvelles entreprises en 2022, et il y en a 121.400 aujourd’hui. Le chiffre se stabilisera probablement autour de 123.000, soit une baisse de 4,6%. Avec 73.500 nouvelles entreprises, la Région Flamande se taille la part du lion. Mais là aussi, il y a une baisse de 4.15% par rapport à l’année passée. La Région Bruxelloise atteindra tout juste les 13.000 unités, soit son niveau de 2020, année de pandémie. Il y aura, à côté de ça, aussi plus de 11.000 cessations d’activités. La croissance du tissu économique bruxellois s’amenuise. Ni la mobilité, ni le contexte politique ne semblent y être favorable. Cela ne devrait pas s’améliorer en 2024.

On notera aussi qu’en 2023, la forme juridique indépendante retrouve sa préférence historique, qu’elle semblait lentement perdre depuis des années au profit des personnes morales.

Les créations d’entreprises par type
Type de forme juridique20192020202120222023
Personnes morales46,26%47,45%49,06%50,26%48,82%
Personnes physiques53,74%52,55%50,94%49,74%51,18%

Les chiffres des arrêts d’activités ne sont pas encore définitifs non plus. On en compte aujourd’hui 90.000. Notre évaluation est qu’on arrivera à +/- 99.000. C’est moins que l’année passée aussi donc.

Belgique
 20192020202120222023
Créations121.410120.817133.920128.962123.000
Arrêts91.29182.95686.416101.27799.000
Evolution30.11937.86147.50427.68524.000

De ce côté de l’analyse, on voit que les cessations d’indépendants progressent rapidement. Ce n’est pas illogique. Il est impossible de transmettre son numéro d’entreprise pour un indépendant et il y a surtout un vieillissement de la population. De nombreux baby-boomers atteignent l’âge de la pension et créent aujourd’hui un papy-boom qu’on retrouve aussi dans les statistiques des entreprises.

Les cessations par type d’entreprise
Type de forme juridique20192020202120222023
Personnes morales37,45%33,99%33,17%30,98%29,04%
Personnes physiques62,55%66,01%66,83%69,02%70,96%

Pour l’anecdote, 17.600 indépendants sont aujourd’hui encore actifs et ont plus de 45 ans de carrière. 13.200 autres ont entre 40 et 44 ans de carrière. Ces quasi 31.000 entreprises sont candidats à la retraite à court terme. 54.650 ont entre 30 et 39 ans de carrière. Ils sont par contre entièrement compensés par les 55.750 nouveaux indépendants déjà enregistrés en 2023.

Le tissu économique continue donc à s’étoffer, ce qui montre bien que l’esprit d’entreprendre reste dynamique. Mais ce n’est qu’un indice quantitatif. Les grandes questions restent celles de la qualité et de la création de valeur ajoutée, pour garantir la pérennité.

Les chiffres sont là un peu moins optimistes.

Pourcentage d’entreprises actives fin 2023 par rapport à leur année de création
taux de survie20192020202120222023
Actifs fin 202380.24785.506102.247108.379111.435
Pourcentage66,10%70,77%76,35%84,04%90,60%

La première constatation est que le taux de survie se dégrade très vite. On perd ainsi quasi 10% des entreprises dans la première année d’existence. 97% de ces cessations (très) anticipées sont le fait d’indépendants.

La deuxième constatation est que, à la lecture des comptes annuels 2022, 147.438 entreprises ont un apport de maximum 10.000 euro. C’est 28,70% de l’ensemble des bilans disponibles. 13.407 (2,61%) entreprises en ont un de maximum 1.000 euro. Ce sont des SRL pour 11.982 d’entre elles, , soit 4,78% des 250.454 comptes disponibles pour cette forme juridique. Cette surreprésentation annonce une sous-capitalisation inquiétante de notre tissu économique.

Alors qu’il semble acquis (compris ?) qu’il devient impossible d’acquérir un logement, pour lequel on va rembourser pendant 25 ans, avec moins de 50.000 euro d’apport, il ne semble pas vraiment acquis qu’il faille investir plus de 10.000 euro pour se construire une carrière de plus de 40 ans.

Cela mène à quelques autres constatations qui ne présagent rien de bon :

  • 66.653 entreprises ont, en 2022 clôturé leur exercice avec des capitaux propres négatifs. Ce chiffre est relativement stable et représente 12,97% de l’ensemble des bilans disponibles, soit une entreprise sur 8. Cela devient 14,11% (1 sur 7) des entreprises sans emploi, qui représentent les deux tiers des entreprises qui publient des comptes annuels.
  • 83.989 entreprises se sont appauvries en 2022 (16,34%) puisqu’elles ont fini l’année avec un cashflow négatif. C’est une entreprise sur 6 ! La proportion monte à presque 19% des entreprises sans emploi.

La sous-capitalisation et le manque de valeur ajoutée sont des sujets de préoccupation lorsqu’on analyse la qualité de notre tissu économique.

Cela se confirme lorsqu’on regarde la rentabilité des entreprise par classe d’emploi.

Ratio de rentabilité (médiane)
Classe d’emploi20182019202020212022
0 ou inconnu4,14%6,64%10,89%25,91%48,68%
De 1 à 4 personne(s)12,35%14,30%19,92%24,37%29,65%
De 5 à 9 personnes10,29%11,77%14,89%17,91%21,37%
De 10 à 19 personnes8,52%10,27%12,83%15,10%17,24%
De 20 à 49 personnes8,44%9,57%10,83%12,15%14,35%
De 50 à 99 personnes8,15%8,67%8,85%10,00%9,24%
De 100 à 199 personnes8,82%8,62%9,45%9,83%7,90%
De 200 à 499 personnes8,77%8,92%8,09%9,74%8,94%
De 500 à 999 personnes10,36%9,37%9,73%11,50%9,51%
plus de 999 personnes8,77%8,29%7,56%8,83%5,21%

Pour calculer ce ratio, nous prenons le cashflow net (après impôts), dont nous retirons les remboursements annuels des crédits à long terme, pour obtenir la création de richesse nette. On compare ensuite ce résultat avec la valeur ajouté pour obtenir un pourcentage de rentabilité.

La première constatation est que, plus une entreprise a d’emploi, plus il est difficile de maintenir la rentabilité.

Ensuite, on voit que la situation s’est fortement améliorée pour les entreprises jusqu’à 49 personnes. Elle se maintient pour les PME entre 50 et 99 personnes et a tendance à se dégrader pour les employeurs de plus de 100 personnes.

Les plus gros employeurs sont carrément sous pression en 2022.

Les petites entreprises sont les plus nombreuses. Ils est donc intéressant de voir leur situation s’améliorer. Mais ce sont, par définition, celles qui emploient le moins.

Elles sont aussi celles qui investissent le moins, ce qui pose problème (voir tableau ci-dessous).

Leur impact sur notre économie n’est pas comparable aux grandes entreprises, qui sont massivement entrées dans la course aux investissements, aujourd’hui plus que jamais obligatoires pour respecter les engagements environnementaux et pour rester compétitif sur le théâtre international. Cela entame largement leur rentabilité actuelle, mais doit leur assurer la compétitivité minimum nécessaire pour continuer à exister dans le futur. Elles n’ont pas le choix. Soit elles y arrivent, soit elles disparaîtront … ou délocaliseront.

Investissements nets (médiane)
Classe d’emploi20182019202020212022
0 ou inconnu198135252536494
De 1 à 4 personne(s)6.0006.3775.5126.4166.984
De 5 à 9 personnes22.76523.54019.20221.12522.913
De 10 à 19 personnes42.29144.67537.41339.61143.732
De 20 à 49 personnes97.055101.79782.35991.518103.894
De 50 à 99 personnes189.347197.690166.827189.187226.585
De 100 à 199 personnes500.123500.936439.229487.454524.642
De 200 à 499 personnes1.244.5681.207.2231.097.7611.175.2161.343.132
De 500 à 999 personnes2.777.1123.159.6092.214.1602.743.5803.826.184
plus de 999 personnes7.975.4065.846.1955.567.7744.635.1346.788.633

Nous sommes donc à un moment charnière. Les petites entreprises sont généralement fragiles. Elles n’investissent généralement pas plus qu’en 2019, alors que l’inflation sur la période dépasse largement les 10%. Cela leur permet d’engranger une belle rentabilité à court terme, mais va poser problème dans les années à venir. Ce manque d’investissements peut les empêcher de grandir et de garder une compétitivité suffisante pour faire face aux défis technologiques et environnementaux de demain.

Les plus grandes entreprises sont par contre entrées dans la course à l’investissement. Leurs marges sont sous forte pression aujourd’hui, mais elles n’ont pas le choix. Si leur compétitivité ne se rétablit pas dans les 2 ans qui viennent, elles devront faire un choix douloureux pour l’économie nationale. Si elles réussissent par contre, elles pourront pleinement contribuer à la croissance de notre bien-être commun.

A suivre de près donc.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content