La marque de mode Marie Méro s’appuie sur la start-up Contour Labs et son logiciel intelligent afin de réduire le nombre d’achats erronés et les retours. Cet outil peut contribuer à rendre le secteur de la mode plus durable et plus inclusif.
Etes-vous pomme ou plutôt poire ? Vous le saurez en remplissant le questionnaire de la marque de mode Marie Méro. Les silhouettes pomme (ou O) ont des jambes fines et un ventre marqué, les silhouettes poire (ou A) ont des hanches larges et des épaules étroites. Dans le magasin, un employé peut conseiller les clients et leur suggérer des pièces adaptées. En ligne, c’est beaucoup plus difficile, ce qui entraîne souvent des erreurs d’achat et des retours. “Porter un mauvais achat met une femme mal à l’aise”, explique Marline Michiels, directrice opérationnelle de Marie Méro. C’est pourquoi la boutique en ligne offre des conseils de style en ligne en interrogeant ses clientes. Quelle est votre taille ? Combien pesez-vous ? Quelle est votre bonnet ? Votre taille est-elle plus large ou plus étroite que vos hanches ? En fonction des réponses, les clients découvrent les vêtements qui conviennent le mieux à leur silhouette.
Une marque chaleureuse
Marie Méro, sise à Aalter, a lancé sa boutique en ligne il y a 10 ans. Depuis, le commerce à distance n’a fait que gagner en importance. “Nous devons suivre les derniers développements numériques, explique Marline Michiels. Mais la question reste de savoir comment offrir le même service aux consommateurs qui passent par la boutique en ligne. Nous considérons Marie Méro comme une marque chaleureuse, attentive et engagée.”
Lorsque Christina Hadinoto a frappé à la porte de Marie Méro, les pièces du puzzle se sont mises en place. L’entrepreneuse dirigeait le service marketing de la marque de mode CKS jusqu’à la faillite de sa société mère, le groupe FNG. Elle a ensuite fondé la start-up Contour Lab, qui propose un logiciel utilisant l’intelligence artificielle pour déterminer si une coupe convient au physique d’une personne. Un styliste de Marie Méro l’aide dans sa tâche. Christina Hadinoto n’est pas la seule à avoir imaginé un tel outil. Ces dernières années, des multinationales telles que Zalando et Uniqlo ont également proposé des cabines d’essayage virtuelles, basées en partie sur le balayage d’une caméra. Au niveau national, Unrun 4254, la marque de sport des ex-athlètes Elodie Ouédraogo et Olivia Borlée, s’est également associée à une start-up belge, Shavatar, qui crée une silhouette en 3D en fonction du sexe et des mensurations.
Poire ou sablier
A la différence près que Contour Lab n’utilise ni mètre, ni scanner. Les clients doivent se contenter des questions. C’est précisément un avantage, estime Christina Hadinoto. “Le commerce électronique est une question de commodité, dit-elle. Vous ne voulez pas qu’une consommatrice abandonne parce qu’elle doit prendre et envoyer des selfies. Et se mesurer est moins facile qu’il n’y paraît. Le stylisme est au cœur de notre technologie. Ce n’est pas ce sur quoi les autres acteurs se concentrent.” Cette approche semble porter ses fruits : les visiteurs des sites web qui utilisent le logiciel ont trois fois plus de chances d’effectuer un achat. Les retours sont en baisse de 16 %.
“Nous suivons de près les raisons pour lesquelles les vêtements sont retournés. Par exemple, il peut arriver que la couleur soit différente de celle de la photo”, explique Marline Michiels. Grâce à Contour Lab, Marie Méro en apprend beaucoup plus sur ses clients en ligne. Par exemple, la grande majorité semble avoir une silhouette en A ou en X — en langage humain : une silhouette en poire ou en sablier. “C’est une information pertinente, estime Christina Hadinoto. Peut-être que la marque pourrait concevoir plus de silhouettes basées sur ces types et ainsi avoir moins de surplus à la fin de la saison.” Marline Michiels pense que c’est une bonne idée de commencer à travailler avec les données récoltées, même si elle ne perd pas de vue ses clients hors ligne.
“Se mesurer à soi-même n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît.” – Christina Hadinoto (Contour Labs)
Données sensibles
Lors d’une journée portes ouvertes, la marque a proposé à ses clientes de tester l’outil en magasin également. “Là aussi, il peut s’agir d’une valeur ajoutée”, explique Marline Michiels. “Plus nous avons de données, mieux l’algorithme peut faire son travail”, ajoute Christina Hadinoto. Cette dernière est en pourparlers avec d’autres marques pour étendre la portée de Contour Lab. Récemment, la boutique de mode SKM s’est jointe à elle. “Les données collectées aident non seulement Contour Lab à progresser, mais aussi les entreprises elles-mêmes. Moins de retours et moins d’excédents contribuent à la durabilité du secteur.”
Les experts en protection de la vie privée s’interrogent sur la collecte de ce type de données. “Si vous connaissez la forme physique de quelqu’un, vous pouvez en déduire, par exemple, si cette personne est en surpoids et quel est son état de santé, argumente l’avocate Karen Cruyt, qui prépare un doctorat sur les données de santé à la VUB. Il s’agit de données sensibles que l’on ne peut pas traiter n’importe comment.” Christina Hadinoto comprend cette préoccupation. “C’est pourquoi Contour Lab, et non Marie Méro, est propriétaire des données récoltées. Nous en avons discuté avec plusieurs avocats. Les données sont conformes au RGPD : les clients doivent donner leur consentement explicite et nous ne lions pas l’identifiant de l’acheteur à une personne physique. En d’autres termes, nous ne savons pas exactement de quel client il s’agit.”
S’ouvrir à la diversité
Bientôt, Marie Méro demandera encore davantage d’informations. A l’avenir, elle souhaite fournir des conseils de couleur en fonction du teint de la peau, de la couleur des cheveux et des yeux de ses clients. De cette manière, Contour Lab semble également rendre l’entreprise plus attentive à la diversité. D’ailleurs, les commentaires des clients montrent qu’ils trouvent étrange d’informer sur leur morphologie et de voir ensuite des photos de mannequins en taille 36.
“L’industrie de la mode travaille avec des échantillons sur des petites tailles, explique Marline Michiels. Pourquoi ne pas nous éloigner de cela, afin que nos clients se sentent écoutés et pris en compte ?” Des séances de photos avec des mannequins de morphologies et d’âges différents sont ainsi prévues pour la collection d’été.
Sarah Vandoorne
Aussi pour les vêtements professionnels
Les marques de mode ne sont pas les seules à utiliser l’intelligence artificielle pour déterminer la taille exacte des vêtements de leurs clients. Les fabricants de vêtements de travail en voient également les avantages.
L’entreprise Texet, basée à Aarschot, par exemple, coopère avec Shavatar, la start-up belge qui a également travaillé avec la marque de sport Unrun 4254. L’allemand CWS, qui fabrique et entretient des vêtements de travail et dispose d’un site à Lokeren dans notre pays, fait appel depuis 2019 à l’allemand Humanetics, qui revendique la plus grande base de données de numérisation au monde.