“Avec la voiture électrique, le coût de la main-d’œuvre n’est plus une excuse pour délocaliser”

Luca de Meo © REUTERS/Albert Gea
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Pour le CEO de Renault, Luca de Meo, c’est le coût de l’énergie, et non celui de la main-d’œuvre, qui détermine aujourd’hui la compétitivité de la production d’une voiture électrique. Ce facteur permet de justifier une production en France, où l’électricité est relativement abordable, moins chère notamment qu’en Belgique.

« Si vous pouvez produire dans un pays comme la France, où le coût de l’énergie décarbonée est raisonnable, le coût de la main-d’œuvre n’est plus un problème », avance Luca de Meo, CEO de Renault. Il a tenu ces propos à Douai, dans le nord de la France, le 30 octobre, lors du premier anniversaire d’Ampère, la filiale du groupe dédiée à l’électrification, où est produite la nouvelle Renault 5 électrique. À contre-courant de l’habitude du secteur, il remet ainsi en cause la logique de délocalisation de la production automobile, qui privilégie des pays comme la Hongrie, la Roumanie ou la Turquie au détriment de la France ou de la Belgique.

Une voiture produite en 10 heures, avec moins de pièces

Ce raisonnement s’applique à la voiture électrique, dont le processus de production, bien que plus énergivore, est plus rapide, car elle comporte moins de pièces qu’une voiture à carburant. « La R5 compte environ 1 000 pièces. Quand je suis arrivé chez Renault, une voiture en comptait 2 600. » Le groupe a donc réduit le nombre de composants, tandis que les voitures électriques sont intrinsèquement moins complexes à assembler que les véhicules thermiques. La future Twingo électrique, prévue pour 2026, comportera ainsi 750 pièces. « C’est un bon indicateur du temps nécessaire pour assembler le véhicule », poursuit Luca de Meo. La R5 est assemblée en 10 heures, contre 15 à 17 heures pour des modèles classiques. « Si vous comptez environ 1 000 euros d’énergie pour produire une R5 et 10 heures de main-d’œuvre à 50 euros de l’heure, cela revient à 500 euros pour la main-d’œuvre. En Roumanie, cela coûterait, disons, 15 euros de l’heure. »

Le coût de l’énergie plus important que celui de la main-d’œuvre

« Avec le passage à l’électrique, le coût de la main-d’œuvre n’est plus une raison valable pour délocaliser. L’énergie devient un facteur clé. En France, le coût de l’énergie est deux fois plus élevé qu’en Chine, et trois fois plus qu’aux États-Unis, mais reste bien positionné en Europe, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables. C’est ce que nous avons pris en compte en décidant de produire en France, pas seulement par fierté nationale. Beaucoup m’ont dit, il y a trois ou quatre ans, que j’étais “fou” de vouloir fabriquer la R5 à Douai. »
Ampère possède plusieurs usines en France, notamment à Douai et Maubeuge, et produira également des véhicules électriques en Europe pour Nissan et Mitsubishi. Renault lance actuellement la R5, suivie de la R4 l’an prochain, et de la nouvelle Twingo en 2026.

Production nationale, développement international

Le CEO de Renault souligne toutefois que si la production des voitures électriques peut être relocalisée, leur conception reste internationale. La R5 a notamment été développée en Inde, et la future Twingo repose en grande partie sur l’expertise de Renault en Chine, en partenariat avec des acteurs locaux. Luca de Meo a fixé l’objectif de développer la Twingo en moins de deux ans, une cadence jugée impossible par les ingénieurs français. Il a ainsi mis en place une équipe en Chine pour s’inspirer des méthodes locales, permettant d’accélérer le développement.

Une position désavantageuse pour la Belgique

La Belgique, en revanche, est pénalisée par un coût de l’électricité élevé, dépassant même celui des Pays-Bas, où la production automobile est quasiment inexistante, ou encore de l’Irlande et de l’Allemagne. Bien que les marques premium allemandes (BMW, Mercedes, Audi) puissent imposer des prix plus élevés, le premier groupe, Volkswagen, traverse une crise et cherche à réduire ses coûts. La fermeture de l’usine Audi de Forest est l’une des réponses à cette situation.

L’électrique, un choix à long terme

Enfin, Luca de Meo réaffirme son engagement en faveur de l’électrique, qu’il considère comme « l’avenir, du moins pour une bonne part ». Il reconnaît toutefois que « beaucoup de gens expriment aujourd’hui des inquiétudes », en raison de la stagnation actuelle des ventes de véhicules électriques. « Il faut penser à long terme : d’ici 2030, une voiture électrique représentera 70 % d’émissions en moins par rapport à une voiture thermique sur l’ensemble de son cycle de vie. »

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