Arnaud Lagardère démissionne, scellant la fin de l’empire de son père
Il aura fallu vingt ans pour détricoter l’un des plus grands empires industriels français.
En 2003, Jean-Luc Lagardère décédait inopinément à l’âge de 75 ans. Il avait créé son groupe en 1992 au départ de l’équipementier Matra. Au fil des ans, le groupe grandit, en fusionnant Matra Haute Technologie avec Aerospatiale, puis en fusionnant Matra Aerospatiale avec DaimlerChrysler Aerospace et Aeronauticas pour donner naissance au géant de l’aviation EADS, maison mère d’Airbus, dont il est actionnaire à 15%. Lagardère est aussi actionnaire de Renault. Et le groupe Lagardère se développe par ailleurs dans les médias et l’édition (il possède Hachette, Europe 1, …). Il vise le contrôle de TF1, mais il lui échappe au profit du groupe de construction Bouygues.
Afin d’assurer le contrôle familial sur cet empire, Jean-Luc Lagardère opte pour la structure d’une société en commandite, dans laquelle le commanditaire apporte les fonds, et le commandité, Jean-Luc Lagardère, puis son fils Arnaud à son décès, assure la gestion. En ayant davantage de pouvoir qu’un administrateur délégué d’une société anonyme, le commandité prend en revanche davantage de risque puisqu’il est responsable de manière illimitée sur son patrimoine propre.
Endettement fatal
Au décès de Jean-Luc Lagardère c’est donc son fils, Arnaud, qui hérite de l’empire. Il veut poursuivre la politique de développement entreprise par son père et s’endette lourdement pour monter au capital du groupe familial. Sa société personnelle, Lagardère Capital & Management, affiche une dette de plus d’un demi-milliard d’euros en 2008.
Certains y voient une opportunité. Fin 2011, le fonds qatari Qatar Holding LLC, intéressé par EADS, monte au capital de Lagardère. Le Qatar possède encore aujourd’hui 13% du groupe.
Par ailleurs, pour se désendetter, Lagardère va vendre en deux étapes ses 15% dans EADS, une première moitié en 2006, l’autre en 2013. Puis, Lagardère va détricoter petit à petit son empire de médias, en cédant certains titres (Elle, Télé7Jours,…) au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Mais les affaires ne s’arrangent pas, surtout lorsque le covid s’abat sur la planète en 2020 et force l’arrêt d’une des activités importantes du groupe, Lagardère Travel, qui détient notamment la chaîne de boutiques Relay. Lagardère est obligé de faire appel à deux parrains du capitalisme français, Vincent Bolloré et Bernard Arnault, pour entrer au capital. Mais cette aide a un prix. La société en commandite est dissoute en 2021, et Arnaud Lagardère devient Président directeur général d’un groupe qui peut alors devenir une proie que Vincent Bolloré avalera finalement en 2023.
Arroseur arrosé
Mais entretemps, une information judiciaire est ouverte par le Parquet de Paris qui soupçonne Arnaud Lagardère d’avoir exercé des pressions de manière illégale sur son actionnaire qatari pour aller dans son sens et puis d’avoir puisé dans la caisse de ses sociétés pour assurer son plantureux train de vie.
Pour la petite histoire, cette plainte est la conséquence d’une plainte que Lagardère avait introduite contre un fonds activiste anglo-saxon, Amber Capital, actionnaire du groupe. Le fonds soupçonnait Lagardère de mauvaise gestions et Lagardère avait contre-attaqué en lançant une plainte contre Amber pour délit d’initié. Celle-ci avait été classée sans suite, mais avait titillé la curiosité des juges sur la manière dont Arnaud Lagardère gérait ses affaires. L’éternelle histoire de l’arroseur arrosé. Résultats : voici quelques jours, le 29 avril, Arnaud Lagardère était mis en examen. Et le lendemain, il quittait ses fonctions de Pdg, scellant la fin d’un empire familial.
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