Anthony Afflelou: “Les aides auditives sont des concentrés de technologie”

Anthony Afflelou, CEO - "D’une aide auditive, on passe à une assistance santé."

Le groupe français Alain Afflelou spécialisé dans les magasins d’optique diversifie ses activités avec le développement de centres auditifs. L’entreprise intègre progressivement ce service à ses points de vente et compte également ouvrir un centre exclusivement dédié à l’audition en Belgique. Le CEO Anthony Afflelou voit dans cette activité un moteur de croissance.

“Nous avons gagné des parts de marché partout où nous étions présents”, se réjouit Anthony Afflelou, CEO du groupe français spécialisé dans les magasins d’optique. Cela fait un an que le plus jeune fils (32 ans) a pris la tête de l’entreprise créée par son père Alain Afflelou il y a plus de 50 ans. Anthony Afflelou est le dernier de la fratrie : deux de ses trois frères, Laurent et Lionel, sont également actifs dans l’entreprise.

L’entreprise qui jusque-là se concentrait sur les ventes de lunettes a décidé de diversifier ses activités en lançant des centres auditifs. “Désormais, nous allons signer l’ensem­ble de nos communications Afflelou opticien et acousticien”, explique le CEO qui vient de partager l’information à l’ensemble des franchisés belges. A noter que le choix des mots n’est pas anodin. “Le terme acousticien est moins violent et médicalisé qu’audioprothésiste”, suggère Anthony Afflelou qui parle d’aides auditives plutôt que de prothèses. “Pour une certaine tranche de la population, le sujet est encore tabou, nous som­mes là pour dédramatiser.”

Le groupe français a développé sa marque propre d’aides auditives dotée d’intelligence artificielle : Incognito.

Les premiers centres auditifs ont vu le jour il y a environ un an en Belgique. Onze points sont pour le moment installés chez nous et le groupe souhaite en ouvrir quatre de plus d’ici la fin du mois d’avril. Particularité: l’un d’eux, à Berchem-­Sainte-Agathe, sera exclusivement dédié à l’audition. “Cela permet de nous identifier comme expert de l’audition et pas comme un opticien qui fait de l’audition”, poursuit Anthony Afflelou.

En Belgique, les centres audios sont pour le moment intégrés aux magasins d’optique. Ceux-ci sont principalement situés en Wallonie et à Bruxelles, soit 49 points de vente pour les deux Régions, là où la Flandre n’en compte que cinq. “On capitalise sur la Wallonie car il y a de vraies synergies à faire, notamment en termes d’investissements de communication”, note le CEO. Aucun centre auditif ne sera donc pour le moment installé chez nos voisins flamands. “Evidemment la Flandre, ça reste la Belgique, donc s’y implanter est une évidence, mais il faut trouver la bonne manière de faire.”

L’international comme moteur de croissance

​Si la France demeure le marché historique pour le Groupe Afflelou, le développement à l’international est un levier de croissance majeur. Présent désormais dans 19 pays à travers 1.500 magasins, l’entreprise poursuit son expansion à hauteur de 100 nouvelles ouvertures par an dans le monde (45 magasins d’optique et 55 d’audio). “La croissance du nombre de points de vente s’est accompagnée d’une croissance organique du chiffre d’affaires de nos magasins”, précise Anthony Afflelou. En Belgique, celui-ci s’élevait à un peu plus de 30 millions d’euros en 2022 et était en hausse de 3,5% en 2023, pour un chiffre d’affaires global en progression de 6% à plus d’un milliard d’euros.

En France, la formule “opticien acousticien” est déjà rentable. Le groupe y a installé 120 cen­tres dédiés exclusivement à l’audition. Et sur un total de 800 points de ventes, 380 intè­grent un espace Afflelou acousticien. A l’échelle mondiale, près d’un tiers des boutiques en sont équipées. “Notre réseau optique nous a permis un développement rapide”, ajoute le CEO qui note une véritable synergie entre les deux activités. “100% des malentendants sont atteints d’une presby­acousie (une perte progressive de l’audition liée à l’âge) qui s’accompagne de problèmes de vue.” Cependant, l’entreprise ne vise pas que cette tranche de la population. “Notre devoir est aussi de prévenir, et cela touche tous les âges.”

Les lunettes représentent 92% des ventes. Les aides auditives, marché d’avenir, tournent autour des 8%. “Cela reste un moteur de croissance pour l’entreprise”, souligne le CEO persuadé que les innovations technologiques vont lever les barrières psychologiques. L’intérêt d’acteurs comme Apple ou Bose pour ce marché a permis, en l’espace de trois ans, de normaliser le fait de porter un objet connecté dans l’oreille. “Toute la population, quel que soit son âge, est désormais habituée à avoir un objet connecté aux oreil­les”, ajoute Anthony Afflelou. Les fournisseurs d’aides auditi­ves s’inspirent d’ailleurs de ces acteurs internationaux. Ces aides peuvent pratiquement être comparées à des AirPods : à la fois esthétiques, discrètes et facilement rechargeables.

Concentrés de technologie

“Les aides auditives sont devenues des concentrés de technologie”, assure Anthony Afflelou. Aujourd’hui, elles permettent d’écouter de la musique, de se connecter à sa télévision et peuvent carrément faire office de kit mains libres en étant reliées au téléphone. “Les progrès et innovations sont très rapides dans le domaine”, confirme l’entrepreneur.

Le groupe français a d’ailleurs développé sa mar­que propre dotée d’intelligence artificielle : Incognito. Cette dernière analyse l’environnement sonore en temps réel et permet de bénéficier d’une écoute plus confortable. “Les aides auditives différencient les différents types de bruits et vont aider le porteur à mieux comprendre les sons qui l’entourent”, complète le CEO. Ces objets de santé connectés permettent entre autres le suivi de l’activité phy­sique du porteur, de détecter et d’alerter les proches en cas de chute ou d’envoyer des rappels vocaux pour la prise de médicaments. “D’une aide auditive, on passe à une assistance santé”, précise Anthony Afflelou. Le CEO pourrait-il envisager d’intégrer la technologie à l’optique et développer par exemple des lunettes connectées ? “Il y a déjà pas mal de produits sur le marché, précise-t-il. Pour le moment, on n’a pas trouvé la véritable plus-value de cet objet, ce qui ne nous empêche pas de rester attentif.”

Côté optique, la stratégie évolue également. Le groupe dit pouvoir fournir toutes les mar­ques de lunettes mais se concentre désormais davantage sur le développement de ses marques propres qui représentent 60% de l’assortiment. L’entreprise française a notamment lancé une nouvelle gamme, Magic, qui permet, selon un procédé inédit développé en interne, d’aimanter des clips sur des montures optiques. Grâce à ce clip (vendu à 29 euros), le client peut équiper sa monture de verres polarisés, adaptés aux écrans, ou simplement de verres à visée esthétique qui transforment les lunettes. “C’est un produit complètement révolutionnaire sur le marché”, assure Anthony Afflelou qui en vend deux millions par an. “Trois montures écoulées par minute sont des Magic”, affirme-t-il. Fort de son succès, le concept a été étendu à des masques de ski afin d’adapter ceux-ci aussi bien à la luminosité en montagne que par temps nuageux.

“Trois montures vendues par minute sont des Magic.”

Un réseau de franchisés solide

La stratégie de développement du groupe s’appuie en outre sur un réseau composé majoritairement de franchisés. En clair, un opticien ou un acousticien partenaire est propriétaire de son magasin. Il doit néanmoins suivre certaines règles en termes d’assortiment de produits et de politique commerciale pour assurer un réseau homogène. “Nos franchisés sont libres de proposer les marques qu’ils souhaitent, mais ils ont aussi l’obligation de distribuer la nôtre”, précise Anthony Afflelou.

Grâce à ces franchisés, l’entreprise saisit les différentes habitudes de consommation et peut ainsi adapter les prix, les assortiments ou les offres en fonction de la zone d’activité. “Cela nous permet d’être plus pertinents encore que si nous avions une vision uniquement succursaliste sur tout un territoire”, ajoute le CEO. Afin d’étendre le nombre de ses points de vente, le groupe s’appuie en priorité sur des franchisés déjà existants qui souhaitent étendre leurs zones d’activités. En moyenne, les franchisés Afflelou possè­dent déjà trois magasins. “Mais il existe encore des endroits où nous ne sommes pas présents et où notre part de marché est inférieure à la part de marché nationale”, reconnaît le jeune entrepreneur. Une réalité qui permet au CEO d’espérer ouvrir bien des nouvelles succursales. En Belgique, le groupe va d’ailleurs accueillir trois nouveaux franchisés sous la bannière Afflelou, “signe d’un dynamisme de l’enseigne”.

On notera que contrairement à d’autres, l’entreprise s’appuie davantage sur ses boutiques que sur le commerce en ligne. “On le développe mais je n’en fait pas une priorité”, assure Anthony Afflelou. Pour l’enseigne, ces ventes en ligne représentent aujourd’hui 2%. Mais en France, le groupe a également développé les téléconsultations afin de répon­dre aux besoins de la population installée dans des “déserts médicaux”, où l’accès à un ophtalmologue est compliqué. Les cabines de consultation à distance sont installées dans 180 magasins et l’initiative – lancée il y a deux ans – rencontre un certain succès puisque 15.000 téléconsultations ont été effectuées l’année dernière. Les mesures orthoptiques sont prises par des machines, envoyées à un ophtalmologue qui renvoie une ordonnance. “L’opération est réalisée par un partenaire indépendant pour éviter tout conflit d’intérêts”, souligne le CEO.

Dans les faits, ces cabines de téléconsultation poussent les ventes en magasin et constituent un avantage concurrentiel de taille pour le groupe. Le service est pour le moment uniquement proposé en France où seul l’ophtal­mologue peut prescrire des lunettes. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays, où l’opticien peut également intervenir.

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