Airbus prend le large face à Boeing

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L’un rit, l’autre pleure: tandis qu’Airbus repart de l’avant après le Covid, Boeing reste encalminé dans des crises à répétition, donnant un avantage durable à l’européen dont la gamme d’avions correspond mieux aux besoins des compagnies, s’accordent les analystes.

Sur les dix premiers mois de l’année, Airbus a livré 460 appareils contre 268 pour Boeing. Les deux constructeurs ont vu leur activité amputée par la pandémie mais le premier est à nouveau bénéficiaire, tandis que le second reste dans le rouge.

Si le 737 MAX vole à nouveau depuis un an après les deux accidents mortels qui l’ont cloué au sol, Boeing doit encore écouler près de 370 appareils stockés sur ses parkings, ce qui prendra encore deux ans, selon son directeur général David Calhoun.

Et l’avionneur attend toujours sa re-certification en Chine, qui tarde à venir. L’accès à ce marché clé conditionnera les plans de l’avionneur pour monter ses cadences de production, convient le patron de Boeing.

Autre déconvenue, la suspension depuis juin des livraisons du 787 Dreamliner après la découverte de nouveaux problèmes de fabrication chez un fournisseur. Cela devrait coûter à Boeing environ un milliard de dollars, selon ses estimations. Qui vont s’ajouter aux 6,5 milliards de dollars de coûts supplémentaires prévus pour faire face à la certification retardée de son futur gros-porteur 777X, dorénavant attendue pour la fin 2023.

“Il y a eu tant de problèmes que c’est très difficile de dire que c’est terminé”, affirme à l’AFP Richard Aboulafia, analyste chez Teal Group.

Pour ne rien arranger, “la crise du Covid a particulièrement affecté les avions long-courrier, où historiquement Boeing est plus fort”, explique Rémy Bonnery, du cabinet Archery consulting. Avec un trafic aérien longue distance gêné par les restrictions de déplacements et qui ne devrait retrouver son niveau qu’entre 2023 et 2025, les ventes de gros-porteurs risquent donc d’être durablement atrophiées.

Airbus, lui, profite à plein du marché plus porteur des moyen-courrier avec les déclinaisons de son A320.

Le constructeur européen a surtout décoché sa carte maîtresse: l’A321neo et notamment sa future version XLR à très long rayon d’action, attendue pour 2023. Cet appareil monocouloir pourra effectuer des vols de dix heures qui jusqu’ici ne pouvaient l’être que par des gros-porteurs plus difficiles à remplir.

“Arrêter l’hémorragie”

Avec un trafic aérien anémié du fait de la pandémie, il permet aux compagnies aériennes d’envisager de développer de manière rentable des lignes long-courriers à faible flux de trafic et de “tester” de nouvelles destinations, tout en effectuant les liaisons plus traditionnelles d’un moyen-courrier.

“Sur ce marché des monocouloirs long-courrier, Airbus est seul”, selon Rémy Bonnery, pour qui “pour les 10 ans à venir, la balle est tirée: on aura des livraisons d’avions supérieures chez Airbus par rapport à Boeing”.

Face à cela, l’avionneur américain est pour l’instant démuni après avoir renoncé début 2020 à lancer son projet de NMA (New Midsize Aircraft).

Boeing est en train de perdre 10 points de parts de marché, en grande partie à cause de l’A321neo, et perdre 10 points de parts de marché c’est prendre le risque de devenir un acteur marginal”, n’hésite pas à dire Richard Aboulafia.

Il lui “faut véritablement arrêter l’hémorragie par rapport à Airbus” car reconquérir des parts de marché perdues est “très compliqué et très cher”, juge Michel Merluzeau, analyste au cabinet américain AIR.

Cela passe donc par un nouvel avion. Cela coûte cher, une quinzaine de milliards de dollars au bas mot, selon lui. Or la dette de Boeing a quintuplé en moins de trois ans, celle-ci atteint dorénavant plus de 62 milliards de dollars.

Même s’il lance un nouveau programme rapidement, Boeing aura du mal à avoir un nouvel avion avant 2028-2029, juge Michel Merluzeau. Et celui-ci risque de ne pas bénéficier des ruptures technologiques, synonymes d’une efficacité et donc d’une rentabilité accrue et d’une empreinte environnementale réduite, qui sont plutôt attendues pour 2035.

Mais Boeing peut-il se permettre d’attendre? “Bien sûr, si une part de marché de 30% leur convient”, ironise Richard Aboulafia.

Le patron de Boeing a envoyé fin octobre un signal, indiquant avoir mis sur pied une équipe pour engager la conception en parallèle d’un nouvel avion et d’un nouveau système de production.

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