Absentéisme : les longues durées explosent, les courtes durées paralysent

Muriel Lefevre

Le secteur privé fait face à une hémorragie d’absences de longue durée, révèle une étude de Securex, tandis que l’industrie, l’agroalimentaire et la logistique sont surtout étranglés par les arrêts de courte durée, révèle une autre étude de SD Worx. L’absentéisme est justement au cœur des discussions budgétaires du fédéral.

Une enquête de Securex révèle que l’absentéisme de longue durée bat des records au sein des entreprises du secteur privé qui comptent moins de 1 000 collaborateurs.

Selon Securex, qui analyse les données de 161 489 travailleurs du secteur privé, 3,51 % des employés sont absents depuis plus d’un an au premier semestre 2025 – soit 105 086 personnes.

L’hémorragie invisible des absences longues

Une hausse de 4 % en un an qui établit un nouveau pic historique. Il s’agit ici uniquement des travailleurs d’entreprises du secteur privé comptant moins de 1 000 collaborateurs. Les secteurs publics, les employés des grandes entreprises, les indépendants et les chômeurs ne sont pas représentés ici. Ils sont, par contre, bien tous inclus dans les 500 000 malades de longue durée, selon chiffres de l’INAMI.

Pour Securex, la hausse de 4 % de l’absentéisme de longue durée est à la fois structurelle et conjoncturelle. “En Belgique, l’absentéisme de longue durée augmente de manière quasi ininterrompue depuis 2003. Si nous constatons cette augmentation dans d’autres pays européens, elle est particulièrement importante en Belgique.”

Elle est surtout structurelle, “car l’augmentation de l’absentéisme de longue durée est davantage liée à des évolutions démographiques telles que le vieillissement de la population et la féminisation du marché du travail, ce qui entraîne de plus en plus de femmes actives. Sans oublier l’évolution du stress et du burn-out dans notre société. Mais elle est aussi conjoncturelle, vu l’évolution récente quant à la reprise progressive suite à une maladie et les troubles financiers – surtout pour ceux qui travaillent à mi-temps. »

Le piège du temps partiel

Car le second point à retenir de l’étude Securex est que le temps partiel est un facteur aggravant : les travailleurs à temps partiel sont devenus deux fois plus vulnérables aux absences de longue durée que leurs homologues à temps plein. En onze ans, la proportion de malades de longue durée parmi les temps partiels a plus que doublé, passant de 2,13 % à 5,41 %. Chez les temps pleins, la hausse reste contenue : de 2,15 % à 2,99 %.

“Le problème ne réside pas tant dans le travail à temps partiel en soi, mais plutôt dans une combinaison de facteurs”, explique Christine Nauwelaers, consultante RH chez Securex. “Le choix d’un temps partiel est souvent une décision nécessaire pour pouvoir concilier travail et responsabilités familiales plus lourdes à la maison ou dans le cadre d’une reprise du travail suite à une maladie”.

Les femmes sont particulièrement concernées : 6,37 % des femmes à temps partiel sont absentes de longue durée, contre 3,62 % de celles à temps plein. « Les travailleurs à temps partiel sont plus souvent confrontés à une charge privée plus élevée, liée à la garde des enfants et/ou aux soins aux parents. », précise Christine Nauwelaers. « 30% des mères travaillent à temps partiel, contre seulement 6 % des pères », rappelle encore Christine Nauwelaers. « Il est erroné de penser que moins d’heures de travail entraînent automatiquement moins de stress. La charge totale reste souvent au moins aussi élevée. » De plus, les travailleurs à temps partiel occupent souvent des emplois dans des secteurs soumis à des conditions de travail spécifiques, comme le secteur des titres-services ou celui des soins de santé, qui peuvent également jouer un rôle.

Une fragile lueur d’espoir

Securex identifie néanmoins un signal positif : pour la première fois depuis 2021, l’absentéisme de moyenne durée se stabilise (de 2,53 % à 2,46 %). L’absentéisme de courte durée reste également stable à 2,73 %. Cette stabilisation suggère que les efforts des pouvoirs publics et des employeurs pour intervenir plus rapidement commencent peut-être à porter leurs fruits. Sauf peut-être dans les secteurs de la logistique, de l’industrie et de l’agroalimentaire, comme le fait remarquer une autre étude de SD Worx.

Le casse-tête des absences de courte durée dans certains secteurs

Celle-ci relève que ce sont surtout les absences de courte et moyenne durée qui commencent à véritablement poser problème. Au point que 51 % des organisations citent ces arrêts de courte durée comme leur défi numéro un.

« Chaque absence se fait ressentir immédiatement », souligne Patsy Farrazijn, porte-parole de SD Worx Jobs. Les chiffres le confirment : dans la logistique, 72 % des travailleurs ont connu au moins une absence courte en 2024. Seuls 24 % ont traversé l’année sans arrêt maladie. Dans l’agroalimentaire et l’industrie, deux travailleurs sur trois (66 %) ont enregistré au moins un arrêt de courte durée.

Des solutions d’urgence qui montrent leurs limites

Face à ces trous dans les plannings, sept entreprises sur dix répartissent la charge entre collègues présents, 39 % font appel à l’intérim, 35 % autorisent les heures supplémentaires. Mais ces palliatifs ne suffisent plus : 63 % des patrons peinent à trouver rapidement un remplaçant et 6 % n’ont tout simplement aucune approche structurée. Pression accrue sur les collègues, difficultés à respecter la planification et sous-effectif se paient en productivité perdue. Une organisation sur cinq dans l’industrie (20 %) et l’agroalimentaire (18 %) doit désormais réduire temporairement sa production.

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