A 40 ans, les poêles Stûv ont toujours la flamme
Branle-bas de combat ce jeudi chez Stûv à Bois-de-Villers. Le spécialiste wallon des poêles à bois et à pellets a convié plus de 400 invités pour célébrer ses 40 ans d’existence. Quarante années d’innovations et d’ancrage local pour faire fleurir l’activité bien au-delà de nos frontières.
Stûv, c’est avant tout l’histoire d’un homme, celle de Gérard Pitance. Frappé par le choc pétrolier et les grandes marées à la fin des années 1970, ce designer industriel refuse de chauffer sa future maison au mazout ou au gaz. Mais sur le marché, aucune solution au bois ne répond à ses attentes. Qu’à cela ne tienne, il décide de la créer de toutes pièces.
En 1982, le premier poêle à bois signé Gérard Pitance est né, plébiscité par ses amis, puis par le public au Salon de Courtrai. L’aventure peut commencer ! Avec Benoît Lafontaine, un commercial avec lequel il s’associe à 50/50, l’ingénieur crée le bureau d’études Concept et Forme, puis la marque Stûv, qui signifie « poêle » en wallon.
Un ancrage 100% local
Le nom de la marque n’a pas été choisi au hasard. Depuis sa création, Stûv met un point d’honneur à produire localement sur ses sites de Bois-de-Villers, Floreffe et Thuin. Un argument environnemental mais aussi marketing de poids qui permet à la société de rapidement bien se positionner sur le segment premium, les effectifs passant de 5 à 50 salariés dans les années 1990. « Aujourd’hui, nous employons 140 personnes et 90% de nos achats sont effectués dans un rayon de 300 kilomètres », indique fièrement Jean-François Sidler, CEO de la société depuis le départ à la retraite de Benoît Lafontaine.
Stûv profite ainsi d’une grande flexibilité d’approvisionnement. Au point que pendant la crise du covid et depuis le début de la guerre en Ukraine, l’activité a pu continuer à tourner normalement. Aucune rupture de stock. « Les délais de livraison sont longtemps restés identiques, ce qui nous a permis de gagner des parts de marché. Aujourd’hui, ils sont un petit peu plus longs mais c’est uniquement parce que la demande a explosé. Nous allons même devoir augmenter nos capacités de production. »
Croissance multipliée par deux en deux ans
A l’aube de ses 40 ans, les dirigeants de Stûv tirent donc un bilan très positif en termes de croissance. Après un ralentissement au milieu des années 2010, l’entreprise, soutenue depuis plus de 10 ans par Namur Invest, a profité à plein des crises récentes et de la flambée des prix énergétiques. Au point de quasiment doubler son chiffre d’affaires ces deux dernières années, celui-ci devant atteindre les 40 millions d’euros en 2023, auxquels il faut ajouter les 5 millions générés par Ulis 4.0, la tôlerie wallonne rachetée par le groupe en 2016, ainsi que les 15 millions de dollars canadiens de sa filiale nord-américaine.
“Produire en Belgique revient très cher. C’est en grande partie grâce à l’innovation que nous pouvons compenser ce handicap.”
Car comme beaucoup de sociétés wallonnes, c’est à l’étranger que Stûv réalise 80% de ses ventes. En Europe bien sûr, mais aussi en Amérique du Nord où le groupe a implanté un nouveau siège et une usine il y a sept ans. « L’idée est toujours de produire au plus près de nos consommateurs. Nos installations au Canada desservent toute l’Amérique du Nord. Pour l’instant, seule une partie de la gamme y est produite mais, à terme, l’objectif est bien d’y produire l’ensemble des produits que nous y vendons, surtout que les normes et les attentes des consommateurs y sont différentes d’ici », explique le CEO. Avant de poursuivre : « Il n’est d’ailleurs pas exclu que nous soyons amenés à ouvrir d’autres filiales dans le futur. Nos produits sont de plus en plus populaires, en Australie par exemple. »
L’innovation dans les veines
Ce succès, Stûv le doit surtout à sa grande capacité d’innovation. « Chaque fois que nous développons un produit, le cahier des charges mentionne l’obligation de pouvoir breveter l’une ou l’autre technologie », précise Gérard Pitance. Son credo : rien ne sert de sortir un produit si celui-ci n’offre aucune nouveauté. Une histoire de principe mais aussi de rentabilité économique, selon lui. « J’ai dessiné le tout premier poêle sans gros investissement. Il a donc fallu innover pour limiter les coûts sans pour autant rogner sur la qualité. Aujourd’hui, même si nous sommes sur un segment plutôt premium, la situation n’a pas changé. Produire en Belgique revient très cher. C’est en grande partie grâce à l’innovation que nous pouvons compenser ce handicap. »
Mais la logique n’a pas que des avantages. Innover prend du temps. Alors, quand les poêles à pellets débarquent en force au milieu des années 2010, Stûv accuse un certain retard sur la concurrence italienne, déjà bien installée.
Lire aussi | Le pellet ne connaît pas la crise
« Nous avons pris le temps, en collaboration avec les universités et les centres de recherche, de développer un produit unique sur le marché, tant par son design, très minimaliste, que par son système de combustion », raconte Gérard Pitance. Le chiffre d’affaires s’en ressent pendant quelques années mais au final, le pari est gagnant. En 2017, brevet en poche, Stûv lance son premier poêle à pellets, salué par Testachats pour ses émissions bien inférieures aux seuils imposés par la réglementation. Et depuis, les innovations se poursuivent puisque la marque vient de sortir le tout premier poêle à pellets affichant des émissions de CO2 et de particules fines proches de zéro.
Une réputation en jeu
Seule ombre à ce joli tableau aujourd’hui : la polémique suscitée en Europe par le bois de chauffage, et en particulier les pellets. Alors que la directive européenne Energies renouvelables est en pleine révision, certaines organisations environnementales tirent la sonnette d’alarme. Selon elles, le bois-énergie ne devrait pas être systématiquement considéré comme une source d’énergie renouvelable. Dans leur ligne de mire : le risque de déforestation engendré par une exploitation parfois peu scrupuleuse et les nombreux kilomètres parcourus par les pellets importés d’Europe de l’Est.
La filière sylvicole est immédiatement montée au créneau. « Nous pâtissons de cette mauvaise réputation alors qu’elle ne se justifie pas, regrette Jean-François Sidler. La Belgique, où les forêts sont gérées de manière très durable, produit assez de pellets pour couvrir la consommation résidentielle. Quant aux mesures d’émissions, elles sont réalisées sur de vieux appareils. Une chaudière à pellets moderne émet beaucoup moins de CO2 et de particules fines qu’un chauffage au mazout, au gaz ou électrique.
Lire aussi | Se chauffer oui, mais à quel prix ?
Aujourd’hui, la biomasse représente presque 60% de l’énergie renouvelable en Europe. Sans elle, nous n’atteindrons jamais l’objectif européen de 42,5% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Elle est aussi essentielle pour assurer notre indépendance énergétique », conclut-il. L’argumentaire, repris par de nombreux Etats membres, a su convaincre les législateurs européens, qui ont finalement décidé d’abonder dans le sens de la filière. Tout en précisant que les récoltes de bois devront être menées en évitant de nuire à la qualité des sols et à la biodiversité.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici