2025 sera l’année de tous les défis pour le secteur du luxe
Un marché chinois qui tarde à se relancer, un risque de nouvelles taxes américaines, des clients “fatigués”: l’industrie du luxe fait face à d’importants défis en 2025, après déjà une année 2024 chahutée par le ralentissement de la consommation.
Elles semblent loin, les années fastes de l’après-Covid où les groupes de luxe enregistraient d’insolentes croissances à deux chiffres.
Les grands groupes Hermès, Kering, Moncler, Burberry… doivent annoncer leur résultats de l’année 2024 dans les semaines à venir, à commencer mardi par le numéro un mondial LVMH. Selon les analystes, les ventes du secteur au quatrième trimestre 2024 pourraient s’être améliorées par rapport au trimestre précédent, à l’instar de Richemont, propriétaire de Cartier, qui a annoncé 6,15 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisé d’octobre à décembre, soit +10% sur un an et mieux que prévu.
Et “en 2025, on peut s’attendre à une légère embellie, mais avec de grandes différences géographiques”, estime David Dubois, professeur associé à l’école de commerce INSEAD. Car “le moteur qui était la Chine ne va pas se remettre en marche totalement”, explique-t-il à l’AFP, et “le marché des Etats-Unis, poumon économique”, est suspendu aux décisions sur les droits de douane.
Le risque américain
Dans une étude intitulée “State of luxury”, le cabinet McKinsey estime que les droits de douane sur les importations pourraient réduire les dépenses américaines de 46 à 78 milliards de dollars par an.
Le PDG de LVMH, Bernard Arnault, aperçu avec deux de ses enfants, Delphine, PDG de Dior et Alexandre, directeur général délégué de Moët-Hennessy, parmi les dizaines d’invités les plus proches de Donald Trump lors de la cérémonie d’investiture du président américain, parviendra peut-être à plaider la cause du secteur.
Chanel, qui a supprimé 70 postes aux Etats-Unis, “suite à diverses mesures antérieures”, estime dans une déclaration transmise jeudi à l’AFP que ces ajustements sont “une étape essentielle vers le renforcement de (sa) capacité à prospérer sur un marché concurrentiel et en évolution”. “Les États-Unis restent un marché clé et une partie importante de la stratégie à long terme de l’entreprise”, ajoute Chanel, qui s’attend “à des fluctuations de la demande sur n’importe quel marché”.
Selon McKinsey, la croissance du luxe sera plus lente ces prochaines années, entre 1% et 3% annuels jusqu’en 2027. La banque UBS souligne aussi une “fatigue” des consommateurs qui remettent “de plus en plus en question le rapport qualité-prix offert par certaines marques”. Le secteur a perdu 50 millions de clients en deux ans, estime une étude de Bain and Company.
“Dans certains cas, il y a eu une hyperinflation [des prix des sacs à main] qui n’était pas liée à la valeur du rêve” offert aux consommateurs”, déclare le PDG de Prada, Andrea Guerra, dans l’étude McKinsey. Et “le consommateur s’est peut-être dit: +J’ai trop de sacs dans mon placard”, et plutôt que d’en acheter un de plus, “peut-être que je vais faire une croisière ou passer des vacances dans un hôtel de luxe”. “Mais je pense toujours que c’est cyclique et que le secteur, par définition, continuera à croître”, ajoute-t-il.
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“Crise existentielle”
Pour McKinsey, les leaders du luxe doivent “profiter de ce ralentissement pour réfléchir et se réajuster”, afin d'”adopter une stratégie à long terme, plutôt que de se contenter de solutions rapides pour résoudre leurs problèmes les plus urgents.”
“Cette crise est un réveil pour les marques de luxe”, commente auprès de l’AFP Laurence Lim, dirigeante de l’agence Cherry Blossoms Intercultural Branding. “Le luxe vit sa crise existentielle et doit se transformer”. “Les jeunes seront les principaux clients et leurs valeurs ont complètement changé, ils sont beaucoup moins matérialistes” que leurs ainés. En Chine par exemple, selon l’experte, la clientèle redécouvre son patrimoine, en demande de bouffée d’air.
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Les marques de luxe européennes vont devoir “hybrider leurs codes culturels et créer des passerelles entre culture chinoise et culture européenne”, alors qu’aux Etats-Unis elles devront mettre en avant “des valeurs” dans un contexte “où les valeurs sont polarisées”.