“Voici des solutions possibles pour les métiers en pénurie”
La Wallonie a un besoin urgent de 10000 travailleurs dans la construction: un obstacle à la relance économique. Bruno Van der Linden (UCLouvain) lance plusieurs pistes qui peuvent être réalisées à court terme.
La Wallonie a un besoin urgent de 10000 travailleurs dans la construction. La relance économique est là, mais la question des métiers en pénurie devient pressante.
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Dans le même temps, un enquête menée par le cabinet de recrutement Robert Half en juillet 2021 auprès de 1800 entreprises, reprise ce matin par L’Echo, témoigne d’une absence de marge de manoeuvre pour augmenter les salaires.
Est-ce la quadrature du cercle? Bruno Van der Linden, professeur à l’Institut de recherche en sciences économiques et sociales de l’UCLouvain, répond aux questions de Trends Tendances et formule des solutions.
Le marché de l’emploi est-il sous pression et cela peut-il compromettre la relance?
Les indicateurs actuels d’emploi et de chômage suggèrent que nous sommes grosso modo revenus à une situation similaire aux mêmes mois de 2019. Les chiffres les plus récents du nombre de travailleurs occupés par l’ONSS, qui comparent juin 2021 à juin 2019, montrent même une augmentation de 1,5%. La seule donnée qui reste négative est celle qui concerne le nombre d’heures prestées, en raison du chômage temporaire, même s’il n’est plus au même pic qu’en 2020.
Quand on regarde le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés, au regard des chiffres de septembre 2019, on constate une baisse de 11% en Flandre, de 3% en Wallonie et de 1% à Bruxelles. Le seul groupe pour lequel il y a une augmentation, ce sont les jeunes hommes de moins de 25 ans à Bruxelles.
On peut donc déduire de cela, en effet, que la reprise économique actuelle peut être handicapée par deux grands types de problème. Ce n’est pas un souci de capacité de production, mais bien un problème lié aux biens intermédiaires nécessaires à la production et, d’autre part, à cette question de la pénurie de la main d’oeuvre.
Une enquête de la Banque nationale, réalisée uniquement pour l’industrie, soulignait cet été qu’il y a bel et bien un “problème de main d’oeuvre qualifiée”. En juillet, cela concernait pas moins de 20% des entreprises interrogées.
Que peut-on faire?
Cette question de la rencontre entre les postes vacants et les demandes d’emploi est un problème récurrent. Chaque fois qu’il y a une reprise économique, on assiste à ce paradoxe: à 65 ans, j’ai assisté à de nombreux moments comme ceux-là. Au-delà de ce problème de la main d’oeuvre qualifiée relevé par la BNB, il y a aussi des problèmes relatifs à des fonctions moins qualifiées.
Que peut-on faire? Il y a une série de réponses qui peuvent être apportées à court terme.
Tout d’abord, on entend régulièrement des interrogations – le MR s’en est fait l’écho, tout comme la FEB – sur le fait de savoir s’il ne faut pas être plus sévère avec les demandeurs d’emploi inoccupés. Avant d’inventer de nouvelles formules, je rappelle que la législation du chômage contient la notion d’emploi convenable, qui est codifiée, et permet déjà d’agir. Selon son âge, un demandeur d’emploi est tenu d’accepter un emploi dans une autre profession après trois ou cinq mois. C’est également lié à d’autres critères: la personne ne doit pas perdre de revenu, le nombre d’heures passées hors de chez soi (avec les trajets) est régementée.
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L’autre chose, évidemment, est de savoir ce que font les organismes – comme le Forem, Actiris et le VDAB – qui sont chargés de contrôler cette règle. J’ai cru entrendre que la FEB souhaitait que l’on soit plus sévère.
En tout état de cause, car le sujet est potentiellement sensible, les données que j’ai pu consulter dans un rapport de l’ONEM montrent que la proportion de sanctions appliquées était relativement similaire, en 2019, entre le Forem et le VDAB.
Un autre problème ne concerne-t-il pas la formation?
Oui, c’est un autre ajustement à la marge, qui peut être réalisé à court terme. Les organismes d’emploi ne peuvent évidemment pas changer du jour au lendemain de façon massive leur offre de formation, mais je sais que le Forem a déjà ajusté certaines choses dans le domaine de la construction.
Un autre élément qui est en route, ce sont les incitants financiers pour encourager à suivre des formations pour les métiers en pénurie. Le gouvernement wallon a déjà décidé de les relever pour les métiers de la construction. J’attire simplement l’attention sur le fait que cette incitation ne soit pas finalement grignotée par les pertes subies dans les autres allocations reçues.
Je pense aussi qu’il pourrait y avoir, en outre, un effort de la part des employeurs au niveau des contrats à l’embauche.
Une enquête évoque cette absence de marge de manoeuvre salariale. pourtant, selon vous, ce pourrait être un levier?
C’est évidemment un levier assez fondamental. Si l’information d’une augmentation salariale circule, cela peut donner un incitant pour aller vers ces emplois en pénurie.
La loi de 1996, revue en 2017, induit évidemment un corsetage au niveau de ce qui est possible. On entend parfois le tout et son contraire à ce sujet. Si cela laisse peu de marge pour des mesures à prendre au niveau local, c’est préoccupant. Mais par ailleurs, il reste aussi la possibilité d’octroyer des incintants financiers liés à des bénéfices spécifiques dans une entreprise à travers les conditions de travail, des chèques, des avantages…
Enfin, il reste une dernière possibilité à court terme, c’est la possibilité de travailler sur des formules de détachement pour des travailleurs étrangers ou la possibilité de donner du travail à des personnes qualifiées en Belgique, également des sans-papiers. Cela est possible sans changer le cadre légal, ce qui susciterait peut-être un débat sensible au nord du pays.
Tout cela peut se faire en dehors de la grande réforme sur le marché du travail en gestation au sein de la Vivaldi?
Absolument, je le pense. Par contre, au sujet de ce grand chantier, je ne dispose pas d’assez d’informations.
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