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Un leader est-il toujours le produit de son organisation ?

“Un pays a les dirigeants qu’il mérite.” Ce proverbe vaut-il également pour les entreprises ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles les travaux de Marc Van der Erve permettent d’apporter des réponses nuancées.

“Un pays a les dirigeants qu’il mérite.” Ce proverbe vaut-il également pour les entreprises ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles les travaux de Marc Van der Erve permettent d’apporter des réponses nuancées. Depuis de nombreuses années, ce physicien et sociologue étudie les phénomènes d’émergence, tant dans la nature que dans les organisations humaines. S’appuyant sur de nombreuses études, il montre de façon convaincante que des processus similaires sont à l’oeuvre dans la formation de toute structure, que ce soit celle de cristaux, de vols d’oiseaux en groupe ou d’organisations humaines, pour ne prendre que ces trois exemples.

Selon lui, l’émergence de ces structures est toujours le résultat dynamique de déséquilibres extérieurs qui induisent une chaîne d’adaptations physiques ou comportementales, celles-ci se traduisant à leur tour dans des structures particulières. Pour le comprendre, reprenons nos trois exemples : les variations de la température provoquent la formation de structures particulières de cristaux dans les flocons de neige ; les variations de la lumière du jour induisent la migration des oiseaux dont les vols groupés adoptent naturellement une structure en forme de V ; les variations sur les marchés induisent des adaptations comportementales des agents qui se traduisent, le cas échéant, dans des structures organisationnelles particulières.

Un cycle en quatre phases

Selon Marc Van der Erve, la logique qui “guide” ces adaptations est commune pour ces exemples: ce sont les adaptations requérant le moins d’énergie pour s’adapter aux déséquilibres extérieurs qui émergent comme dominantes à un moment donné. Selon lui, la séquence même des adaptations de comportements est commune à tous les phénomènes et suit un cycle de croissance qui se répète continuellement et au sein duquel il distingue quatre phases : une phase de croissance incertaine, suivie d’une croissance rapide qui se stabilise ensuite pour enfin décliner, jusqu’à ce que, après une nouvelle phase d’incertitude, la croissance explose à nouveau et ainsi de suite.

Cette façon de voir la réalité et l’émergence des structures organisationnelles n’est pas sans conséquences pratiques pour la gestion des organisations humaines. Tout d’abord, elle permet de retourner comme un gant l’idée selon laquelle les structures organisationnelles induisent des comportements spécifiques. Si cela n’est pas totalement faux bien sûr, la relation inverse semble bien plus prépondérante : nos comportements collectifs induisent des structures organisationnelles spécifiques.

Si l’on combine à cela l’idée d’un cycle prédictible de quatre phases, on comprendra que l’art de gérer est avant tout de bien percevoir dans quelle phase du cycle de croissance se trouve une organisation et de faciliter l’émergence de la structure organisationnelle qui facilitera, avec la moindre dépense d’énergie possible, la gestion coordonnées des comportements. Ainsi, la phase de croissance stable requerra une structure plus formelle que dans la phase de croissance rapide. Mais il faudra probablement remettre en cause radicalement cette structure dans la phase de déclin pour survivre et gérer l’amorce d’un nouveau cycle de croissance.

Notons encore que, dans la mesure où la succession des phases et la logique qui guide les adaptations et l’émergence des structures est commune à tous les phénomènes, la gestion humaine ne permet d’altérer la succession de ces phases (les oiseaux, et encore moins les flocons de neige, n’ont besoin de “leaders” pour s’adapter et “se structurer”). Une bonne gestion peut tout au plus allonger les périodes de croissance rapide et stable et raccourcir les phases de déclin ou d’incertitude. Mais cela est déjà beaucoup.

Marc Van der Erve observe par ailleurs que chaque manager a un profil qui est plus ou moins adapté aux différentes phases du cycle de croissance. Que ce soit parmi les grands leaders politiques, spirituels ou business, il distingue ainsi des transformers dont le profil est particulièrement adapté à une phase de croissance incertaine, où il faut inventer de nouveaux business models (tel Mikhaïl Gorbatchev), des builders, adéquats pour les phases de croissance rapide (Steve Jobs), des growers pour les phases de croissances stables (Jack Welsch) et enfin des confronters, où il faut secouer la structure dans les phases de croissances déclinantes (Rick Wagoner chez GM).

Malheureusement, des organisations (via leur CA) ou des sociétés (via les élections) poussent souvent des leaders à continuer à opérer dans des phases du cycle qui ne correspondent pas à leur profil. Cela étant dit, il y a fort à parier que, dans notre société et dans de nombreuses entreprises, les confronters et les transformers aient de plus en plus la cote. Cela correspond-il à votre profil ?

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