Herman Nijns, CEO de Randstad Group BeLux: “Je n’aime pas trop pas le terme ‘activation’. Il place le problème plutôt que le potentiel au centre de la question.”

Yasine s’assure que j’ai bien refermé les couvercles des bouteilles de soupe. En tant que responsable qualité, il surveille mon travail. Et le fait visiblement bien. Une scène parmi d’autres dans la journée que mon équipe et moi-même avons passée en tant que bénévoles chez enVie, un atelier de confection de soupes situé à Bruxelles. Des chômeurs de longue durée y préparent de délicieuses soupes à partir des surplus de légumes belges frais.

Le travail, c’est la santé, et c’est valorisant. Souvent, une petite impulsion suffit pour réinsérer les gens sur le marché du travail. Aussi éloignés en soient-ils, et aussi faible soit l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, une opportunité reste une opportunité. Le tout, c’est de la leur offrir. Un collègue de Yasine fait quatre heures de trajet par jour entre Balen et Anderlecht parce que chez enVie, il se sent valorisé dans ses aptitudes, son savoir et sa motivation. Il y redécouvre son potentiel, apprend de nouvelles compétences et y développe le goût d’aller de l’avant. enVie est son tremplin vers le marché du travail régulier.

Alors, qu’attendons-nous pour offrir un tremplin à ces centaines de milliers d’autres Yasine? À ces gens qui, après une maladie de longue durée, veulent remettre progressivement le pied à l’étrier, ces jeunes non scolarisés, à ces jeunes sans expérience qui ne trouvent pas leur voie professionnelle, à ces personnes vivant du revenu d’intégration sociale, à ces plus de 50 ans qui ont perdu leur emploi ou sont écartés du marché du travail par un RCC (prépension), à ces pensionnés qui souhaitent continuer à se rendre utiles…? Nous sous-estimons trop souvent le potentiel de ces nombreux “sans emploi” qui figurent à peine dans les statistiques. Qui perdent leur confiance en eux. Ou veulent réellement (continuer à) travailler, mais sont freinés par l’une ou l’autre barrière arbitraire. Pourquoi devrais-je par exemple prendre obligatoirement ma retraite à telle date? Ne serai-je soudain plus utile à partir de ce jour-là? Le succès des flexi-jobs chez les pensionnés prouve le contraire. Un bénéficiaire d’allocations risque de les perdre intégralement s’il les combine avec un travail. Pourquoi donc?

L’année dernière, Randstad a accompagné 10.000 chômeurs de longue durée. Pour 7.000 d’entre eux, nous avons trouvé un emploi. Le travail temporaire dans un contexte protégé constitue généralement un excellent tremplin vers une position plus stable sur le marché du travail ou même vers un emploi fixe. Peut-on dès lors encore taxer ce travail de précaire s’il mène finalement à un mieux? À un sentiment de dignité? Je ne le pense pas.

Valorisation vs activation

C’est pourquoi je n’aime pas trop pas le terme “activation”. Il possède une connotation trop contraignante et place le problème plutôt que le potentiel au centre de la question. Je continue à croire à la volonté positive de l’être humain. L’activation doit devenir la valorisation, et le bâton la carotte. Tout l’art consiste à convaincre les personnes éloignées du marché du travail qu’elles peuvent elles aussi apporter une contribution sensée à la société. Tout d’abord pour rétablir leur amour-propre et leur confiance en elles. Dès qu’elles reprennent confiance, elles veulent prouver ce dont elles sont capables. Je l’ai vu de mes propres yeux.

C’est d’ailleurs le message fondamental de notre campagne “De retour au travail”: à travers des témoignages authentiques, encourager les candidats à ne jamais baisser les bras. Chacun possède une force utile à une entreprise ou organisation. En même temps, nous incitons les employeurs à se montrer beaucoup plus ouverts lorsqu’ils recrutent. Il est important d’organiser une offre adaptée de manière à ce qu’elle s’adresse à toutes les formes de talents, cachés ou non.

J’appelle les autorités à mener une politique de valorisation plutôt que d’activation. Limiter les allocations de chômage dans le temps comme dans les autres pays européens? Certainement. Mais en investissant le budget ainsi dégagé dans le retour au travail. Que l’Inami verse plus de 6 milliards d’euros d’allocations alors que notre pays ne consacre même pas 100 millions d’euros à la réintégration, est une réalité qui n’est plus de notre temps. Elle démontre à quel point nous restons cramponnés à des modèles devenus caducs, laissant ainsi inexploitée une mine de potentiel. Potentiel pour les employeurs, pour les inactifs, pour la société.

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