Trends Tendances

J’en ai marre d’être journaliste. D’ailleurs, je ne suis pas journaliste

Est-ce vraiment ce que je répondrais à la presse si quelqu’un venait à mettre en doute l’intégrité des propos tenus dans Trends-Tendances ? Non. Même si c’était le fond de ma pensée — nombre de journalistes ne le sont pas de formation, mais est-ce seulement un argument ? — il me semble que ce serait faire preuve de bien peu d’amour-propre. De bien peu de professionnalisme. De lâcheté, tout simplement.

Pourtant, ce genre de courbe rentrante commence à être monnaie courante. En novembre dernier, Maurice Lippens, l’ex-président de Fortis, affirmait dans un entretien à De Tijd et L’Echo, sans une once de gêne : “Je n’ai jamais été banquier et ma compréhension de ces matières est relativement superficielle.” Fin de semaine dernière, c’était au tour de Franco Dragone, s’indignant des révélations faites par nos confrères du Vif/L’Express à propos de montages fiscaux suspects, de se cacher derrière un pauvre : “J’en ai marre d’être entrepreneur, ce n’est pas mon métier.”

Comme si cet aveu de faiblesse allait les décharger de leurs responsabilités ! Que du contraire : cela les accable davantage encore. En décidant d’être entrepreneur, administrateur ou dirigeant — vraisemblablement dans un but d’épanouissement mais aussi d’enrichissement personnel, ce qui n’est pas un péché en soi — on décide du même coup d’en assumer toutes les conséquences. Sociales, fiscales, mais aussi morales. C’est, en quelque sorte, la rançon de la gloire. Et que celui qui ne s’en acquitte pas se s’étonne pas de la perdre, la gloire. (Il gardera probablement les millions, ce qui est sans doute le plus scandaleux de l’histoire.)

Des attitudes aussi couardes, dans le chef de patrons qui incarnent la réussite et brassent des fortunes, c’est tout bonnement révoltant. C’est tendre le bâton à ceux qui accusent les Wallons de fainéantise ou de clientélisme. C’est montrer le pire visage de l’entrepreneur, profiteur et irresponsable. Oui, c’est vrai, pour aller plus loin, il faut prendre des risques. Des risques qui sont parfois trop importants pour un individu seul, d’où la nécessité de s’entourer d’experts prêts à endosser leur part de responsabilités. Franco Dragone, en invitant Philippe Maystadt et Yves Delacollette à faire partie d’un nouveau comité stratégique, semble l’avoir compris. Un peu tard ?

Moralité : celui qui veut avoir le beurre et l’argent du beurre finit souvent par se coltiner une tartine de pain rassis, au goût nettement plus amer. Lance Armstrong ne dira pas le contraire. Mais lui au moins a eu l’humilité de reconnaître publiquement ses erreurs. Même si la démarche semble quelque peu forcée, cela reste une vertu. Contrairement à la lâcheté, qui ne le sera jamais.

Camille van Vyve

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