Marc Roche (essayiste et journaliste): “Pour Johnson, l’aspect économique du Brexit est devenu très secondaire”

Boris Johnson © pg

Pour le Royaume-Uni et l’Union européenne, le Brexit sera un jeu perdant-perdant à court et moyen terme, avertit l’essayiste Marc Roche. Mais à long terme, le Royaume-Uni en sortira gagnant.

Vous êtes correspondant à Londres pour “Le Point” et pour “Le Soir”, auteur de nombreux essais sur le monde financier et vous avez écrit voici un an: “Le Brexit va réussir” (Albin Michel). Vous pensez toujours qu’il réussira?

Le livre a été publié en septembre 2018, au moment où Theresa May négociait son accord. Avec la probabilité grandissante d’un Brexit dur, cette thèse doit être revue. Non sur le fond mais sur le temps que prendra le divorce. Sur le court et sur le moyen terme, ce sera, pour le Royaume-Uni comme pour l’Union européenne, un jeu de ” perdant-perdant “. Mais le Royaume-Uni, lui au moins, sera gagnant à long terme !

Marc Roche.
Marc Roche.© PG

Il y a eu un vote délicat sur le Brexit au Parlement britannique ce mardi. Peut-on dire que Boris Johnson a bien fait de dissoudre le Parlement ? Et est-il en position de force pour de futures élections ?

Il a bien joué. Le Parlement, qui par trois fois a échoué à trouver un accord, est totalement déconsidéré par le peuple britannique qui désire aujourd’hui qu’on en finisse une fois pour toute, quel que soit le type de Brexit qui sera choisi. Boris Johnson a promis de réaliser le Brexit quoiqu’il arrive au 31 octobre. Il n’avait d’autre solution que la voie qu’il a choisie : mettre le Parlement devant le fait accompli et passer en force. La brutalité a le bénéfice de la clarté. Il a un gouvernement ” monocolore ” composé de Brexiters qui lui donne une force de frappe. En face de lui, le leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, fait figure d’épouvantail : aucun conservateur, même hostile au Brexit, ne s’alliera à lui pour former un gouvernement. Sans surprise, Boris Johnson est donc largement en tête dans les sondages. Car il reste toujours 52% de la population, voire plus, en faveur d’une sortie de l’Union européenne.

Pourtant, sur le plan économique, beaucoup d’experts mettent en garde contre les conséquences d’un Brexit dur…

Les industriels et le milieu financier sont totalement hostiles à un Brexit dur qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Cependant, pour les conseillers économiques qui entourent Boris Johnson, l’économie se porte à merveille. Ils soulignent que la City et l’industrie ont connu peu de délocalisations, que les Etats-Unis, le Canada, la Chine ou l’Inde pourront facilement pallier la réduction des exportations britanniques vers le continent européen. Par ailleurs, s’il le faut, la Banque d’Angleterre peut toujours réaliser des opérations de quantitative easing pour soutenir l’économie. Tous ces éléments font que, dans l’entourage de Boris Johnson, l’aspect économique du Brexit est devenu très secondaire par rapport à son aspect politique.

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