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‘Quand l’État organise des pénuries’

La médecine belge est réputée pour sa qualité et son accessibilité. Elle l’est grâce au niveau de ses médecins, de ses universités, et à sa tradition de médecine libérale. Mais, hélas, les choses changent.

L’Etat a prétendu, aidé en cela par des associations de médecins corporatistes, réglementer et planifier l’accès à la profession médicale. Un étudiant qui réussit ses études de médecine n’a plus la certitude de pouvoir exercer sa profession en Belgique, parce que l’Etat a décidé de contingenter les étudiants à un nombre prédéterminé par an. Il prétend ainsi planifier le nombre de médecins, dans l’espoir qu’une réduction de l’offre médicale entraîne une baisse de ses dépenses de sécurité sociale.

Cette idée de bureaucrate n’est pas entièrement fausse. Ainsi, si l’Etat décide qu’un jour il n’y aura plus de médecins, il est certain que l’Inami ne dépensera plus rien non plus…

Mais elle est injuste à deux niveaux. Elle l’est d’abord pour les étudiants en médecine dont une partie, aussi qualifiée soit-elle, ne pourra jamais exercer le métier pour lequel elle a la vocation. Elle l’est aussi pour les patients, confrontés aujourd’hui déjà à une pénurie de praticiens, au point qu’on ait annoncé, peut-être de manière légèrement excessive, que certaines personnes se voient proposer un rendez-vous chez un ophtalmologue dans… deux ans et demi !

Lorsque l’accès à la profession de médecin n’était pas réglementé, personne n’a jamais constaté une pénurie. Des Britanniques venaient se faire soigner en Belgique pour échapper aux diktats du NHS, l’organisme public qui régente toute l’activité médicale en Angleterre. Celui-ci est un véritable Etat dans l’Etat auquel même Margaret Thatcher n’a jamais osé s’attaquer, en dépit de ses déficiences notoires, dont l’une des plus connues est la longueur ahurissante des files d’attente pour obtenir un rendez-vous.

Restreindre l’offre médicale, c’est évidemment être confronté à des pénuries. L’Etat n’est jamais capable de planifier avec exactitude, alors qu’un marché où se retrouvent l’offre et la demande aboutit toujours à ce que chaque patient trouve un praticien dans des délais décents.

Il est illusoire de prétendre planifier de manière centralisée l’offre et la demande de produits ou de services. L’Union soviétique en a fait l’exemple dans tous les domaines.

On retrouve une création tout aussi artificielle d’une pénurie dans un autre domaine particulièrement important pour les familles : l’enseignement.

Les autorités ont cru bon d’instaurer un ” décret inscriptions “, permettant à une autorité administrative de réglementer, dans une certaine mesure, le choix d’une école par les parents, au niveau de la première année de l’enseignement secondaire. Depuis, on découvre des pénuries et on constate chaque année qu’il manque des places dans les écoles, ce qui amène certains enfants dans des écoles ne correspondant pas du tout au choix de leurs parents.

Il suffit pourtant de se rappeler qu’avant le décret inscriptions, personne n’a jamais évoqué de pénurie dans les écoles, même à Bruxelles, où la tension est aujourd’hui la plus importante. Les parents choisissaient leur école, et parfois aussi, en vertu de la liberté d’enseignement, les écoles choisissaient leurs élèves. Il a suffi de créer une contrainte administrative et de laisser une autorité se mêler des choix familiaux en matière d’enseignement pour que plus rien ne fonctionne.

Ces deux exemples ne sont que la confirmation, heureusement à un niveau de gravité plus modéré, de ce que chacun savait déjà : il est illusoire de prétendre planifier de manière centralisée l’offre et la demande de produits ou de services. L’Union soviétique, et d’autres Etats se revendiquant de la doctrine socialiste, en ont fait l’exemple dans tous les domaines. En souhaitant déterminer la production de biens en fonction de besoins évalués par une administration, ces régimes ont artificiellement créé des pénuries, illustrées par les photos de longues files d’attente devant des magasins, pour un pain, du poisson, ou n’importe quel produit.

Tout cela montre l’absurdité des doctrines utilitaristes, selon lesquelles le rôle de l’Etat serait de pourvoir aux besoins de chacun d’une manière optimale, en organisant le plus possible la société.

Il est dommage que nos dirigeants ne veuillent pas le comprendre, et persistent dans la multiplication de réglementations de toutes sortes. Si demain l’Etat s’occupait de la distribution du pain, chacun peut être certain qu’il n’y aura plus assez de pain pour tout le monde. Pour paraphraser Adam Smith, si les boulangeries vendent suffisamment de pains, c’est parce que le boulanger veut gagner sa vie.

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