Tornade de réformes pour les 100 jours du gouvernement Cameron

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David Cameron fête les 100 jours de son entrée au 10, Downing Street. Education, police, prestations sociales, mode de scrutin : aucun secteur touchant à la vie quotidienne des Britanniques n’échappe à son zèle réformateur, qui rappelle celui d’une certaine Margaret Thatcher.

David Cameron est enfin parti en vacances cette semaine, pour quinze jours en Cornouailles, dans l’ouest de l’Angleterre. Un repos bien mérité pour le dirigeant du Parti conservateur, qui fête aujourd’hui mercredi ses 100 jours au pouvoir. Depuis sa prise de fonction le 11 mai, le plus jeune chef de gouvernement (43 ans) qu’ait connu le pays depuis les guerres napoléoniennes, affiche une feuille de route impressionnante.

Le zèle réformateur de David Cameron va bien au-delà de la sévère cure d’austérité, dont les grandes lignes ont été dévoilées en juin. Qu’il s’agisse de l’éducation, de la police ou des prestations sociales, tous les secteurs touchant à la vie quotidienne des Britanniques s’apprêtent à connaître de grands bouleversements. “Aucun dirigeant politique depuis Margaret Thatcher n’a semblé aussi pressé de faire autant de choses si vite”, a relevé avec égard l’hebdomadaire libéral The Economist.

D’entrée de jeu, le nouveau gouvernement a étonné. Il y a d’abord eu une grande innovation politique : la mise en place du premier gouvernement de coalition depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Faute de majorité à la Chambre des communes à l’issue des élections législatives du 6 mai, les conservateurs ont formé une alliance inattendue avec les libéraux-démocrates, instinctivement plus à gauche que les tories. Une révolution dans un pays habitué au règne sans partage d’un seul parti.

Favoriser la décentralisation et les politiques privées

Quelques semaines seulement après son investiture, le nouveau gouvernement a présenté son orientation budgétaire. Là encore, la rupture était à l’ordre du jour. Afin de juguler la dérive des finances publiques, le nouveau chancelier de l’échiquier, George Osborne, âgé de 40 ans mais surnommé “Boy George” tant il en paraît 10 de moins, a frappé fort. Les budgets de la plupart des ministères fondront d’au moins 25 %. Même si la TVA augmentera en janvier 2011, les trois quarts des réductions proviendront de baisses des dépenses. Objectif : faire reculer le déficit budgétaire de 11 % du produit intérieur brut (PIB) en 2010 à 2,1 % en 2014. Autrement dit, l’Etat réduira sérieusement son train de vie.

Au-delà de la nécessité, ces coupes claires s’inspirent de la volonté de David Cameron de promouvoir la “Big Society” (“grande société”), un concept qui vise à faire reculer le périmètre de l’Etat pour favoriser la décentralisation, au profit d’acteurs privés et des autorités locales. Un principe également cher aux libéraux-démocrates. Même si les contours de cette doctrine demeurent flous, deux projets en sont emblématiques. L’un concerne la police. Afin de renforcer sa proximité avec la population, le gouvernement envisage de faire élire les police commissioners (préfets de police) sur le modèle des shérifs aux Etats-Unis.

L’autre projet, dans la même veine décentralisatrice, concerne les écoles, une obsession des classes moyennes britanniques, tant la performance des établissements publics est aléatoire. Michael Gove, nouveau ministre de l’Education, a déjà fait adopter un projet de loi, inspiré de l’expérience menée depuis des années en Suède, visant à stimuler une plus grande concurrence entre les écoles.

Les parents britanniques pourront donc bientôt scolariser leur enfant dans une free school gérée par des associations ou des opérateurs privés. Ces établissements auront une totale liberté pour déterminer les programmes et la rémunération des enseignants. En contrepartie, l’Etat s’engage à couvrir les frais de fonctionnement et à verser une indemnité par élève. Plus les enfants seront défavorisés, plus l’indemnité sera élevée, encourageant ainsi les établissements à les accueillir.

Introduire plus de proportionnelle dans le mode de scrutin

Parmi toutes les autres réformes envisagées (système de santé, allocations familiales, indemnités chômage, etc.), une pourrait bien bouleverser le paysage politique. Le gouvernement s’est en effet engagé à organiser, en 2011, un référendum sur le mode de scrutin pour les législatives afin d’introduire une plus grande dose de proportionnelle.

Même si David Cameron et les conservateurs sont opposés à cette mesure, c’était la principale condition posée par les libéraux-démocrates pour participer au gouvernement. Si les Britanniques se prononcent en faveur de ce changement, la géographie politique du royaume sera chamboulée à jamais, car il sera très difficile pour un parti d’obtenir seul une majorité.

A peine arrivé au pouvoir, David Cameron n’a, on le voit, pas hésité à initier un tourbillon de réformes. Ses ambitions seront précisées à l’automne lorsque le gouvernement présentera son budget. Les syndicats ont d’ores et déjà annoncé une mobilisation pour le mois d’octobre afin de protester contre les sévères réductions d’effectifs à l’étude dans la fonction publique.

Le jeune Premier ministre a visiblement tiré la leçon de Tony Blair. L’ancien chef de gouvernement travailliste (1997-2007) a en effet regretté ne pas avoir réformé plus vite pendant son premier mandat, notamment dans les services publics. David Cameron fait l’inverse. Au point, note Andrew Rawnsley, chroniqueur politique renommé de The Observer, que son gouvernement donne l’impression de “vouloir courir avant même d’avoir appris à marcher”…

Yves-Michel Riols, L’Expansion.com

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