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Sortie de crise : l’inflation me semble inéluctable

Depuis le début de la crise financière de 2008, résultat d’un endettement privé et public excessif, je suis convaincu que la voie de sortie en sera inéluctablement l’inflation.

Depuis le début de la crise financière de 2008, résultat d’un endettement privé et public excessif, je suis convaincu que la voie de sortie en sera inéluctablement l’inflation.

Cette thèse est contredite par la plupart des économistes belges qui envisagent plutôt une stagnation économique donnant lieu à un contexte atone et déflationniste. En un mot, tout le contraire de l’inflation que je ne peux défendre qu’au moyen de l’intuition (ce qui constitue une absence d’argument). Au reste, les références ne manquent pas en faveur des thèses de mes contradicteurs : peut-être les économies sont-elles empêtrées dans un immense piège de la liquidité, c’est-à-dire une accumulation d’encaisses improductives ? Peut-être que l’effet de la récession submergera en effet les poussées d’inflation ? La vitesse de circulation de la monnaie elle-même a probablement baissé.

Maîtriser l’endettement public

Mais alors, pourquoi une intuition d’inflation ? Essentiellement parce que le problème de la crise est l’endettement public, dont la maîtrise semble impossible en période de stagnation économique, d’autant qu’en Europe, la perte de contrôle sur les finances publiques domestiques et les contraintes budgétaires imposées par la monnaie unique conduisent à l’inéluctabilité d’un assouplissement monétaire.

Envisagée sous un angle plus direct, la discipline budgétaire étant inopérante lorsque le manque de croissance est persistant, il faut refinancer l’économie par la création monétaire. Le prix de cette orientation est une poussée d’inflation, telle que l’Europe la constate depuis trois ans.

D’ailleurs, les Etats-Unis l’ont parfaitement compris : ils ont réussi à relancer leur économie par un déficit budgétaire sciemment creusé et de gigantesques assouplissements monétaires.

L’Europe, quant à elle, cherche à réduire ses déficits budgétaire au prix d’une austérité récessionnaire (et qui constitue le ferment, voire porte le germe, de troubles sociaux) et du maintien d’objectifs d’inflation réduits. Cette politique européenne, dont la typologie est restrictive, contractée et maussade, ne sera aucunement le tremplin de croissance future.

Bien évidemment, l’inflation n’est pas non plus, dans l’absolu, une solution souhaitable puisqu’elle fait peser un risque d’auto-alimentation et d’augmentation nominale des dépenses de l’Etat. Aucun homme politique ne s’oserait d’ailleurs à la préconiser car cela reviendrait à saper la confiance dans la monnaie. Mais elle nous paraît s’imposer comme une conséquence, voire un débouché, inéluctable de l’endettement public.

Bien sûr, l’inflation appauvrit le rentier d’autant que l’épargne est investie en titres à revenus fixes. Mais, comme l’avançait Keynes (1883-1946), il est “plus grave, dans un monde appauvri, de provoquer le chômage que de décevoir le rentier”. Les années à venir combineront les deux maux.

Excès de désinflation

Certains économistes américains avancent même une théorie iconoclaste, à savoir que la crise bancaire, étatique et économique est le résultat d’une période caractérisée par un excès de désinflation.

Cette période, qualifiée de “grande modération” et qui se serait étalée de 1985 à 2005, aurait tiré profit d’une expansion des zones de commerce (au travers de la globalisation) et d’une accessibilité à des poches d’emploi à bas coûts pour masquer la réalité du remboursement des dettes privées et publiques. L’expansion de la demande n’a pas débouché sur une crise d’inflation parce que les occidentaux ont trouvé dans leurs déficits commerciaux l’offre nécessaire à son absorption.

De manière plus générale, on peut aussi se demander si cette “grande modération” n’a pas été le résultat de la conjonction d’un ensemble d’éléments qui n’autorisent pas son maintien.

Ces facteurs sont identifiés : mondialisation avec son corollaire d’accession à des gisements de main-d’oeuvre à bon marché, coût des matières premières relativement stable, gains de productivité significatifs (liés, notamment à l’essor des techniques de communication) sans hausses de salaires concomitantes, consensus politique afin d’éviter la réémergence de l’inflation, etc.

On peut aussi se poser une autre question : comment les autorités monétaires européennes ont-elles pu imposer en même temps des objectifs d’inflation extrêmement bas (2 % sur une base annuelle) et autoriser des Etats-membres à augmenter leur endettement public dans de telles proportions ? La hauteur des dettes publiques est telle que la manière la plus intuitive d’en diminuer le poids est justement une diminution de la valeur relative de la monnaie par l’inflation, ce que la banque centrale Européenne entend combattre !

Au reste, on peut se demander quelle est encore la validité des contraintes imposées lors de la formulation du Traité de Maastricht alors que la crise pulvérise les seuils quantitatifs en matière d’endettement et de déficit publics. Je pense souvent que la peur d’Alain Minc reste fondée : le risque de l’Europe, c’est de devenir une Suisse, avec des musées en plus.

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