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Retour sur 2019 et prévisions pour 2020, bilan et perspectives d’un Chief Economist

Il est de tradition en tant que Chief Economist de se prononcer, chaque début d’année, sur les perspectives macroéconomiques auxquelles le monde pourrait être confronté dans les 12 prochains mois. Entre indicateurs économiques, contexte politique, guerre commerciale et autres tweets émanant de la Maison Blanche, cet exercice de prévision n’est pas une mince affaire.

Retour donc sur une année 2019 chahutée et place à un bilan critique de ces prévisions pour 2019, avant de se projeter en 2020 avec 10 grandes tendances ou faits qui pourraient, ou non, se réaliser.

Retour sur 2019

D’emblée, avouons que le bilan est tout sauf bon quant aux 10 prévisions 2019, avec en prime des déceptions face au sentiment que “les choses” n’avancent pas assez vite. Malgré cela, il est bon de faire l’exercice de la transparence et de se confronter à la réalité des faits.

1. Instauration d’une taxe carbone pour l’ensemble des pays de l’UE, identique dans tous les pays et progressive. Cette taxe serait neutre budgétairement parlant par une redistribution des recettes à l’ensemble des acteurs. Et elle serait complétée d’une taxe carbone aux frontières de l’UE reprise dans les accords de libre-échange ainsi qu’une taxe carbone sur les revenus générés par des investissements réalisés par des entreprises de l’UE en dehors de l’UE issus de l’extraction de combustibles fossiles.

Faux. Si le projet est clairement dans les cartons de la nouvelle Commission, à ce stade aucune taxe n’a été instaurée.

2. Angela Merkel ne terminera pas son mandat car la nouvelle présidente de la CDU prendra pour le parti une position diamétralement opposée à celle du gouvernement, ce qui rendra sa position intenable.

Faux. La position d’Angela Merkel n’est effectivement pas vraiment tenable pour le moment parce que ses alliés veulent renégocier les conditions de leur participation et veulent que le gouvernement adopte une attitude plus de gauche. Mais en attendant, Angela Merkel est toujours là et entend bien terminer son mandat.

3. Benoit Coeuré deviendra le nouveau président de la BCE et remplacera Mario Draghi en novembre 2019. Ce dernier aura terminé son mandat sans vraiment remonter les taux, puisque la BCE en octobre aura seulement fait passer le taux des dépôts de -0.40% à -0.20%.

Faux. C’est Christine Lagarde qui a pris la présidence de la BCE alors qu’elle n’était pas du tout considérée comme une candidate potentielle. Et concernant les taux, la BCE n’a évidemment pas augmenté ses taux mais encore réduit le taux des dépôts en le faisant passer de -0.40% à -0.50%.

4. Les agences de rating vont revoir celui de l’Italie à la baisse, devant l’ampleur de la dégradation de la situation économique. Ainsi, S&P ferait passer le rating de BBB à BBB-, Moody’s qui avait franchi le pas avec un rating à Baa3, mettrait les perspectives à “négatives” et Fitch suivrait S&P à BBB-.

Faux. L’ampleur de la dégradation économique ne fait aucun doute mais pour autant les agences de rating ont fait preuve de beaucoup de mansuétude. Ainsi, S&P a laissé le rating inchangé à BBB malgré les perspectives négatives depuis octobre 2018. Moody’s n’a pas bougé non plus avec un rating à Baa3. Seul Fich a fait passer les perspectives à négative en août 2019 avec un rating inchangé à BBB.

5. L’Arabie Saoudite va connaitre une révolution de palais à la suite des décisions prises par MBS qui voulait faire un pas supplémentaire vers un peu plus de liberté. Devant cette volonté, le pouvoir religieux a repris la main et, avec le soutien de l’armée, a imposé une nouvelle forme de république islamiste.

Faux. Il y a bien eu une reprise en main après l’affaire Khashoggi, le journaliste assassiné par le pouvoir en Turquie, mais sans reprise en main par le pouvoir religieux ni une nouvelle forme de république islamiste.

6. La guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis va être évitée grâce à un accord qui englobera une réduction des tarifs douaniers sur les exportations de voitures américaines vers la Chine et une ouverture plus grande du marché chinois aux entreprises américaines. Cet accord prévoira aussi que la Chine mettra fin aux transferts forcés de technologie. Mais pour autant la Chine n’abandonnera pas son plan “Made in China 2025” mais l’assouplira.

Faux. Accord il y a eu, enfin de principe puisque ce dernier n’est pas encore signé. Mais il porte plus sur l’importation de produits agricoles américains par la Chine et faute de détail, nous ne connaissons pas les autres points. Cependant, il demeure évident que la Chine n’a pas renoncé à son plan “Made in China 2025”.

7. La France va connaitre une récession technique c’est-à-dire deux trimestres successifs avec une croissance négative à cause de l’enlisement de la crise des “gilets jaunes”.

Faux. Ce n’est pas la France mais l’Allemagne qui a frôlé la récession technique contre toute attente. Au contraire, la France affiche une croissance supérieure à celle de l’Allemagne et a profité des mesures prises par Macron en réponse aux revendications des “gilets jaunes”.

8. Le prix du cuivre qui se traite autour des 6.000 dollars va retomber vers les 5.000 dollars, sous l’effet du ralentissement de l’économie mondiale, alors même qu’il a déjà corrigé de 15% en 2018.

Faux. Malgré le ralentissement de l’économie mondiale qui a été bien réel, le prix du cuivre n’a quasiment pas évolué sur l’ensemble de l’année.

9. Le dollar va s’affaiblir durant l’année et aller vers les 1,20 par rapport à l’euro à cause de la fin de la hausse des taux de la part de la FED et des signes de plus en plus marqués du ralentissement de l’économie américaine.

Faux. Signes de ralentissement certes, mais pas de vraies inquiétudes sur l’état de l’économie américaine et le dollar s’est au contraire renforcé.

10. Les progrès dans le traitement du cancer évoluent sans cesse et l’immunothérapie fait partie maintenant de l’arsenal dont disposent les médecins pour traiter les cancers. Cependant, l’immunothérapie n’est efficace que dans 15 à 30% des cas. Pour éviter donc des traitements inutiles, des chercheurs français ont créé et alimenté une intelligence artificielle capable de prédire l’efficacité d’un tel traitement. 2019 verra la généralisation de cette technique et sera marquée par des traitements plus adaptés aux patients.

Vrai. Les progrès sont parfois plus lents que prévu mais néanmoins des avancées s’observent notamment grâce à la société OncoDNA qui travaille sur l’analyse à la prédisposition à l’immunothérapie dans le cadre des traitements de cancers métastatiques en Wallonie.

Entre indicateurs économiques, contexte politique, guerre commerciale et autres tweets émanant de la Maison Blanche, cet exercice de prévision n’est pas une mince affaire.

Prévisions pour 2020

1. Trump sera réélu lors des élections du mois de novembre et la procédure d’impeachment n’aura pas abouti. Et donc les tweets vont continuer de plus belle.

2. Un gouvernement est enfin formé en Belgique au mois de mars, devant les résultats du dernier sondage, mais avec un programme extrêmement limité et sans réelles volontés de réforme. Un attelage arc-en-ciel bien évidemment.

3. Le dollar va s’affaiblir sans vraiment d’éléments spécifiques à part un petit ralentissement de la croissance aux Etats-Unis et une hausse de l’endettement. Il pourrait aller toucher le niveau des 1,17 par rapport à l’euro.

4. Aramco qui devait être l’opération du siècle et après un démarrage en fanfare va vite devenir le clash du siècle car les investisseurs vont se détourner de plus en plus des investissements dans les énergies fossiles comme d’ailleurs des acteurs institutionnels majeurs.

5. L’Iran va renforcer son programme nucléaire, dans une fuite en avant, et se renforcer encore un peu plus dans la région du Moyen-Orient en accentuant son emprise dans des pays comme l’Irak.

6. La banque de Chine va réduire de 1% son taux directeur pour le ramener à 3,35% car conséquence de l’accord commercial Phase I vu la hausse des importations de produits agricoles américains, les prix en Chine se sont tassés sous l’abondance de l’offre.

7. L’évolution de la couronne norvégienne en 2019 a surpris tout le monde et au lieu d’assister à une hausse, elle n’a fait que se déprécier. Mais la fin de l’année a été marquée par une inversion de tendance assez prononcée suite à l’accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine, la légère hausse du prix du baril et des raisons techniques. 2020 devrait voir une poursuite de ce mouvement avec un objectif de 9.85 par rapport à l’euro.

8. De nouvelles tensions sur le sterling seront provoquées par une année de négociation pour définir les nouvelles relations entre l’UE et la Grande-Bretagne.

9. Israël va connaitre de nouvelles élections en mars mais le blocage va rester total. Aucun gouvernement ne sera formé et de nouvelles élections auront lieu sans plus de succès avec une paralysie totale du pays.

10. Le prix du baril de pétrole va rester très stable dans une fourchette entre 60 et 70 dollars, la faiblesse de la demande compensant le retrait de l’Iran entre autres.

Bernard Keppenne, Chief Economist CBC Banque

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