Reprendre une petite entreprise existante, une alternative à la création de start-up

Alain Groignet et Baudouin Durieux, cofondateurs de Transfund: "Personne ne se positionne sur ce créneau des petites entreprises." © PG

Et si vous repreniez une petite entreprise existante, plutôt que d’en démarrer une de zéro ? Le nouveau fonds Transfund 2 aide les candidats repreneurs à se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Et permet à ses actionnaires de réaliser un investissement “concret” dans l’économie wallonne.

C’est le début de la saison 2 pour Transfund. Les concepteurs de ce fonds atypique ont décidé de soutenir une deuxième salve de projets de transmission d’entreprise. Doté de 1,525 million d’euros, Transfund 2 aide les candidats repreneurs à concrétiser leur projet entrepreneurial. Le fonds accompagne les futurs patrons dans le processus de reprise d’une très petite entreprise (TPE), dont le patron a décidé de se retirer.

Le projet Transfund, dont la première édition a démarré en 2014 pour se clôturer cinq ans plus tard, est parti d’un constat implacable : chaque année, des centaines de chefs d’entreprise souhaitent remettre leur affaire. ” Les patrons de TPE adorent leur métier mais, souvent, à un moment, ils sont fatigués de toutes les démarches administratives qui s’imposent aux entrepreneurs. Ils ont envie de remettre leur business, tout en s’assurant que leur boîte continue à tourner “, explique Alain Groignet, cofondateur de Transfund.

Si personne ne se profile au sein de l’entreprise ou de la famille du patron pour reprendre les rênes, le risque est de voir disparaître une petite société du paysage économique. Dans un pays où les PME représentent 99,8 % des entreprises selon le SPF Economie, chaque disparition est une petite catastrophe et une perte de savoir-faire local.

” Personne ne se positionne sur ce créneau des petites entreprises, regrette Baudouin Durieux, cofondateur de Transfund. Ce sont des sociétés non structurées, dirigées par un manager généraliste qui doit régler tous types de problèmes. Ce genre de projet rend les banquiers un peu frileux. ” Transfund monte alors au capital de l’entreprise, sans jamais prendre de position majoritaire, afin de laisser les mains libres au repreneur. L’argent frais injecté par le fonds dans la reprise rassure les banques, qui se laissent plus facilement convaincre de compléter la mise de Transfund pour accompagner le projet de transmission, pointe Alain Groignet.

Pas de canards boiteux

Les deux fondateurs sont très sélectifs : lors de la première volée de Transfund, ils ont examiné une cinquantaine de projets par an, mais seuls trois repreneurs ont finalement passé la rampe. Les associés ont en effet fixé plusieurs critères de sélection. L’entreprise doit être une TPE, comptant moins de 20 personnes en équivalents temps plein. Le montant de la reprise doit se situer entre 300.000 et 2 millions d’euros. Et, surtout, l’entreprise doit être saine, rentable et afficher un cash-flow positif au moment de la transmission.

” Nous ne sélectionnons pas les canards boiteux. Pour les sociétés en difficulté, il existe des procédures comme la réorganisation judiciaire “, évoque Alain Groignet. Le but de l’opération n’est pas de sauver une entreprise en péril, mais de permettre à un entrepreneur de reprendre une petite société qui tourne, de pérenniser son business et de lui insuffler une nouvelle dynamique de croissance. Outre la prise de participation dans l’entreprise, Transfund propose un accompagnement au cours des premières années de la reprise. L’un des deux associés monte au conseil d’administration pour aiguiller le nouveau chef d’entreprise.

Pour les actionnaires du fonds, l’intérêt de l’opération est tout d’abord de réaliser un investissement ” concret ” dans l’économie wallonne. ” Comme Warren Buffett, je préfère investir dans quelque chose que je comprends, sourit Michaël Géréon, actionnaire de Transfund. Je peux discuter avec le repreneur, visiter ses locaux, prendre part aux décisions via le comité d’investissement du fonds. Ce n’est pas le cas si je place mon argent dans un produit bancaire. Et en investissant dans des transmissions d’entreprise, je contribue à maintenir de l’activité et de l’emploi dans ma région. ”

Les investisseurs ne perdent cependant pas de vue la rentabilité de l’opération : ” L’objectif est aussi de faire du rendement. Ce n’est pas une oeuvre philantropique. C’est du private equity à taille humaine “, avance Michaël Géréon. Cet entrepreneur actif dans l’immobilier et dans le business de la franchise (il pilote trois magasins Cash Converters) est plutôt satisfait du retour sur investissement du fonds. Les opérations déjà réalisées ont permis aux actionnaires de récupérer plusieurs fois leur mise de départ.

Les conditions de la sortie de Transfund du capital de la société reprise sont fixées dès l’origine dans le contrat. Après trois à cinq ans, le repreneur doit racheter les parts que le fonds a prises dans son entreprise, pour un montant équivalent à un multiple prédéfini de l’Ebitda. Les reprises déjà réalisées ces dernières années ayant débouché sur des succès commerciaux, les investisseurs ont le sourire.

Trop peu d’opérations

Par contre, le nombre d’opérations conclues (trois sur cinq ans, alors qu’ils espéraient boucler une dizaine de reprises) n’est pas à la hauteur de leurs espérances. Doté de 1,9 million d’euros, le premier fonds n’a pas été épuisé. Les associés ont éprouvé des difficultés à trouver des entreprises à remettre rentrant dans leurs critères de sélection : ” Certains cédants pensent que c’est mal vu d’annoncer qu’ils vont se retirer et transmettre leur entreprise. Mais c’est au contraire un acte de saine gestion, qui améliore la pérennité de la société “, estime Baudouin Durieux. Les responsables de Transfund 2 vont renforcer leurs efforts en matière de prospection. Ils comptent aussi sur les repreneurs pour dénicher des entreprises à remettre. Leur objectif est de réaliser cinq à sept opérations au cours des cinq prochaines années.

“Reprendre une société, ce n’est pas glamour”

José Luis Gonzalez-Hontoria est ingénieur civil et ancien cadre chez Procter & Gamble. Avec l’aide de Transfund, il a repris les établissements Bouton, une petite entreprise carolorégienne spécialisée dans le travail de l’acier.

” J’avais un bon boulot et un très bon salaire dans un grand groupe, mais j’avais envie de changement, se souvient-il. J’ai pris une année sabbatique pour réfléchir à un projet entrepreneurial. J’ai opté pour le rachat d’une entreprise existante. Je me suis fixé trois critères : reprendre une petite entreprise de taille raisonnable, qui soit saine et active dans la fabrication de produits. Les établissements Bouton correspondaient parfaitement à ces critères, même si je ne connaissais strictement rien à la menuiserie de pièces en acier. J’ai eu la chance que le patron soit resté dans l’entreprise, notamment pour me conseiller sur les aspects techniques. Je venais d’une grande structure où les cadres sont interchangeables et je suis arrivé dans une société où le patron précédent était resté 50 ans à la tête de son entreprise ! Je ne regrette pas du tout d’avoir relevé ce challenge. Etre patron de PME, c’est un choc avec le concret. Sur une journée, je peux être amené à aller chercher de l’essence pour le clarck, remettre une offre de prix, résoudre une question RH et réfléchir au nouveau positionnement de mon produit pour les prochaines années. Depuis mon arrivée, les effectifs ont doublé, l’équipe compte maintenant 14 personnes. J’essaye de continuer à faire grandir l’entreprise. Contrairement à un projet de start-up, rependre une société n’est pas un projet glamour. Mais c’est plus facile que de partir de zéro, et c’est une expérience entrepreneuriale très riche. ”

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