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Régionaliser l’impôt des sociétés ? Non merci !

Avant de donner plus d’autonomie aux Régions dans ce domaine, ne faudrait-il pas qu’elles utilisent d’abord pleinement leur potentiel fiscal ?

Parmi les épineux dossiers sur la table des négociations pré-gouvernementales, l’un d’entre eux concerne directement les entreprises : l’octroi d’une plus grande autonomie fiscale en matière d’impôt des sociétés. A priori, cette mesure peut paraître intéressante pour les entreprises. Un peu de concurrence entre les trois Régions permettrait, au pire, de limiter les nouvelles envies taxatrices, au mieux, de diminuer les taux d’imposition. Rien de plus efficace qu’un peu de concurrence pour inciter à baisser la pression fiscale, et dès lors favoriser le développement du tissu économique, pourrait-on argumenter.

Différents éléments me font cependant penser qu’une telle mesure serait contre-productive pour notre pays. Il est d’abord bon de rappeler que les trois Régions bénéficient déjà d’une grande autonomie fiscale, qui a été revue à la hausse en 2001. Selon une étude de l’OCDE, les entités fédérées belges bénéficient ainsi d’une autonomie fiscale bien supérieure aux Länder allemands ou aux régions espagnoles, qui ont un système fédéral bien développé. Seuls les cantons suisses disposent d’une plus grande décentralisation de la politique fiscale.

Etonnamment, les Régions bruxelloise, flamande et wallonne utilisent très peu ces compétences fiscales. Avant de donner plus d’autonomie aux Régions dans ce domaine, ne faudrait-il pas qu’elles utilisent d’abord pleinement leur potentiel fiscal ?

Une réelle concurrence fiscale entre les trois Régions serait également néfaste pour Bruxelles et la Wallonie, qui en seraient les premières victimes. En effet, la Flandre dispose de moyens financiers plus importants pour baisser l’impôt des sociétés. Et les petites distances qui séparent nos trois Régions pousseraient les entreprises à rapidement passer la frontière linguistique et déplacer leurs activités de quelques kilomètres.

L’exemple du canton suisse de Zoug devrait convaincre les plus sceptiques. Champion de la concurrence fiscale, cette région a diminué drastiquement l’imposition sur le revenu, le taux frappant les bénéfices des entreprises est inférieur à 9 % et les gains en capital ne sont pas taxés. Les effets ne se sont pas fait attendre : de nombreuses entreprises internationales ont été séduites par ce climat fiscal très clément. Le petit canton regorge ainsi de sièges européens de multinationales, de sociétés “boîtes aux lettres”, etc. En un demi-siècle, la population du canton a plus que doublé !

Troisième élément : les entreprises plaident, des deux côtés de la frontière linguistique, pour une simplification des aides en faveur des sociétés (subventions, primes, etc.). Plutôt que de complexifier le dispositif, simplifions-le d’abord pour le rendre plus efficace !

Si, malgré tout, les demandes pour une plus grande autonomie fiscale en Belgique se font pressantes, il reste le problème de l’application d’une telle mesure. Pour éviter les effets néfastes d’une concurrence fiscale pure et dure, une régionalisation de l’impôt des sociétés sur base du siège social est déconseillée.

L’alternative, proposée par les professeurs André Decoster (KUL), Christian Valenduc (SED) et Magali Verdonck (FUSL) dans un rapport sur l’autonomie fiscale des Régions en Belgique, est de régionaliser l’impôt sur base des sièges d’exploitation. Pour calculer celui-ci, des critères comme les actifs immobilisés ou les dépenses de personnel sont les moins manipulables. Or, baisser la taxation dans ces domaines revient à une aide à l’investissement (pour les actifs immobilisés) ou une prime à l’emploi (si le critère du personnel est retenu). Soit deux instruments dont disposent déjà les Régions… Bref, avant de donner plus de compétences fiscales aux Régions, il faudrait qu’elles utilisent et simplifient les mesures qu’elles ont déjàà leur disposition.

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