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Que valent les serments éthiques des managers ?

Les dernières années n’ont pas été avares en scandales financiers : bilans truqués (Enron, Parmalat), reporting de transactions boursières inexistantes (Madoff, Kerviel), faits de corruption ou incitation à la fraude fiscale, etc. La menace de poursuites pénales n’étant apparemment pas suffisante, comment décourager les “vilains petits canards” du management de porter préjudice à leurs clients, leur entreprise ou la société en général ?

Les dernières années n’ont pas été avares en scandales financiers : bilans truqués (Enron, Parmalat), reporting de transactions boursières inexistantes (Madoff, Kerviel), faits de corruption ou incitation à la fraude fiscale, etc. La menace de poursuites pénales n’étant apparemment pas suffisante, comment décourager les “vilains petits canards” du management de porter préjudice à leurs clients, leur entreprise ou la société en général ?

Pour tenter de répondre à cette question, les étudiants de plusieurs business schools ont lancé des codes éthiques, que les étudiants s’engagent à respecter pendant et surtout après leurs études. A l’initiative de la Harvard Business School, une quarantaine d’écoles ont opté pour un serment commun, détaillé et à large portée : “en tant que manager, mon but est de servir le bien commun en rassemblant les gens et les ressources pour créer de la valeur que nul ne peut à lui seul créer.” Le serment reprend également sept engagements précis (consultables sur http://mbaoath.org). D’autres écoles, telles que la Columbia Business School à New York, ont opté pour une version plus minimaliste, d’une phrase seulement : chaque étudiant s’engage par écrit, “en tant que membre à vie de la communauté Columbia Business School, à adhérer aux principes de vérité, d’intégrité et de respect, à ne pas mentir, tricher ou voler et à ne pas tolérer ceux qui le font.”

Une réflexion similaire est en cours dans les écoles de commerce belges : à Solvay par exemple, la question d’un serment du manager a fait l’objet d’un mémoire cette année. Il montre que l’intérêt pour le sujet existe, tant chez les étudiants que les professeurs et les praticiens. Alors, à l’exemple du serment d’Hippocrate, parlera-t-on bientôt du serment d’Hermès (dieu grec du commerce) ? Le sujet soulève beaucoup de questions, et nous nous limiterons ici à en discuter trois qui nous semblent importantes :

1. Un serment permettra-t-il d’améliorer effectivement le comportement des managers ?


On peut en douter, surtout si le non-respect du serment n’entraîne pas de sanctions. Dans le cas des médecins, le serment n’est pas obligatoire et n’a pas de portée juridique ; c’est l’inscription à l’ordre des médecins qui importe. Un praticien qui ne respecte pas les règles doit être exclu de l’ordre et n’est plus autorisé à pratiquer. La sanction est très claire. Mais qu’en est-il pour le manager ? Il n’existe pas d’ordre dont il peut être exclu s’il se comporte “mal”. Ceci nous amène dès lors à la deuxième question.

2. Qui doit prononcer ce serment ?


S’agit-il uniquement des diplômés en gestion, ou de tous les gestionnaires quelle que soit leur formation ? Dans le premier cas, la possibilité de sanction est plus réaliste, car le contrevenant peut être exclu de la “communauté des anciens de l’école”. Notons au passage que le serment de Columbia fait explicitement référence à la notion de communauté. L’objectif est autant de protéger la réputation des autres membres que d’empêcher les actes non éthiques. Toutefois, on crée ainsi deux classes de managers : ceux qui s’engagent moralement, du fait de leurs études, et ceux qui ne le font pas. Or la véritable portée d’un serment n’est atteinte que lorsque toutes les personnes concernées s’engagent. A cet égard, le serment de Harvard ne fait aucune mention de “communauté des anciens d’Harvard” et peut théoriquement être signé par n’importe qui. Mais alors se pose une troisième question, plus fondamentale.

3. Qu’est-ce qu’un manager ?


En effet, si la définition d’un médecin est claire, la définition d’un manager l’est beaucoup moins. Est-ce quelqu’un “qui est en charge d’une organisation ayant une reconnaissance légale” ? Dans ce cas, Jérôme Kerviel n’aurait pas eu à prononcer de serment. Est-ce quelqu’un “qui est engagé dans une activité lucrative” ? Un gestionnaire d’administration publique serait alors exclu, de même qu’un directeur d’ONG. Est-ce quelqu’un “qui gère une équipe” ? Une infirmière en chef entre dans cette catégorie ; doit-elle pour autant prêter un serment de manager ?

Ces questions mènent inévitablement à en poser une autre, plus fondamentale : ces serments sont-ils une manière soft pour les managers de s’autoréguler, afin d’éviter une régulation plus contraignante ? Une question similaire est d’ailleurs formulée par certains quant aux actions dites de Corporate Social Responsibility, de plus en plus promotionnées par de nombreuses entreprises. Quoi qu’il en soit, même si l’intention du serment éthique des managers est louable, il est clair que son exécution est rendue difficile par des obstacles importants tels que la difficulté de sanctions crédibles ou le flou qui règne autour de la notion même. Et pourtant, on ne peut balayer d’un revers de la main le besoin d’une déontologie managériale. Quelles sont dès lors les actions les plus adéquates à prendre, individuellement ou collectivement, pour tenter d’éviter les dérives de certains managers ? A suivre…

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