Paroles d’experts: la santé fragile des hôpitaux généraux

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Le chiffre d’affaires des hôpitaux généraux est en hausse et le nombre d’institutions en déficit diminue. La marge bénéficiaire est cependant très faible (1% du chiffre d’affaires) et les périls nombreux.

Depuis 21 ans, nous analysons la santé financière des hôpitaux de Belgique, à travers l’étude Maha (model for automatic hospital analyses). Tous les hôpitaux généraux y participent et nous envoient leurs données officielles. Cette étude offre la particularité de couvrir à la fois les données financières classiques et les activités hospitalières (taux d’occupation, emplois…). Le croisement de ces informations apporte un éclairage neuf sur la gestion des hôpitaux. Chaque institution reçoit une analyse de son propre positionnement, ce qui s’avère un excellent outil de réflexion sur les actions à entreprendre.

Que nous apprend l’étude Maha 2014 ? Les hôpitaux ont renoué avec une belle croissance de leur chiffre d’affaires (+3,3%) et le nombre d’institutions affichant un résultat courant négatif a considérablement diminué (26 au lieu de 40 hôpitaux sur 92). Cela s’explique notamment par une maîtrise de l’évolution des coûts salariaux (+0,5%). Jamais en vingt ans, nous n’avions constaté une si faible progression des rémunérations, lesquelles représentent en moyenne 45% du chiffre d’affaires d’un hôpital. Par ailleurs, les hôpitaux ont encore investi 1,5 milliard en 2014, poursuivant ainsi la politique de rénovation et d’équipement menée depuis cinq ans. Cela se prolongera-t-il encore l’an prochain quand le financement des infrastructures relèvera pleinement des Régions ?

Ces chiffres généraux plutôt optimistes masquent cependant de vrais défis pour les hôpitaux généraux. Le résultat d’exploitation de 147 millions correspond à tout juste 1% du chiffre d’affaires. La marge est donc très faible et il ne faut pas grand-chose pour passer dans le rouge. Or, le contexte budgétaire actuel pousse les pouvoirs publics à raboter leurs interventions financières. L’incertitude est d’autant plus forte que la ministre fédérale de la Santé, Maggie De Block, planche sur une réforme du financement des hôpitaux.

La marge des hôpitaux est très faible, à peine 1% du chiffre d’affaires. Il ne faut pas grand-chose pour passer dans le rouge

Le taux d’occupation des lits hospitaliers continue à diminuer. Il n’est plus que de 71% contre 72,5% en 2013. Les admissions sont certes en hausse (+1,1%) mais la durée de séjour est raccourcie d’année en année. Cela s’explique par le mode de financement : la principale ressource -le BMF (budget des moyens financiers), soit le financement émanant de la Santé publique qui est calculé par rapport à l’activité dite “justifiée” (sur base notamment des durées moyennes d’hospitalisation par pathologie)

Spécificité des hôpitaux publics

Dans ce contexte économique global, la distinction entre les hôpitaux publics et privés devient de moins en moins pertinente. Ils suivent tous les mêmes règles de financement et aucune statistique n’indique que les uns s’en sortent mieux que les autres. En outre, au rythme des fusions, les structures hospitalières deviennent de plus en plus mixtes.

Certaines différences substantielles demeurent cependant. Les hôpitaux publics souffrent d’une plus faible capitalisation. Ils ont dès lors un niveau de solvabilité plus faible et un taux d’endettement plus élevé (41,9 contre 32,7% du bilan). Globalement, l’endettement des hôpitaux est en hausse et le cash-flow réalisé ne suffit plus à amortir les dettes à long terme dans 18 institutions (contre à peine 8 en 2011).

Autre défi des hôpitaux publics : le paiement des pensions du personnel statutaire. Ils subissent ce dossier de plein fouet car il n’y a plus de nominations de personnel dans les hôpitaux depuis longtemps et qu’il faut payer les pensions (publiques) des anciens agents. Cela représente des montants extrêmement importants, qui pèsent sur les finances hospitalières.

ARNAUD DESSOY, Research Public finance & Social profit chez Belfius

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