“Médor”, une idée qui a du chien

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Journalistes, photographes, graphistes, développeurs informatiques… Les 17 initiateurs du projet journalistique Médor sont tous des professionnels de la communication, mais ne comptent parmi eux aucun profil purement économique. Audacieux, leur plan financier a été réalisé avec l’accompagnement de la coopérative de crédit alternatif Crédal.

En septembre prochain, un tout nouveau magazine devrait émerger dans le paysage de la presse francophone belge. Baptisé Médor en guise de clin d’oeil à la fameuse expression canine “Cherche, Médor, cherche !”, ce trimestriel mise avant tout sur l’investigation et le “deep journalism“, à savoir “de longues enquêtes qui permettent d’aller vraiment au fond des choses”, dixit Quentin Noirfalisse, l’un des 17 cofondateurs du projet. L’objectif affiché est de “provoquer le débat citoyen” et de “faire bouger la société” via un magazine de 128 pages mu par “une autre façon de penser le journalisme” où chaque enquête sera menée en duo par un reporter et un “collaborateur visuel”, histoire de mieux raconter les faits observés.

Un financement alternatif

Résolument indépendant, Médor refuse l’idée de tout subside provenant des pouvoirs publics et d’une soumission trop forte aux annonceurs. Pour mener à bien son projet, l’équipe des 17 fondateurs a donc imaginé trois sources de financement alternatif. La première repose sur l’idée d’une coopérative à finalité sociale où chacun peut devenir copropriétaire de Médor dès l’instant où il a pris une ou plusieurs parts de 20 euros chacune dans cette structure collaborative (un peu plus de 30.000 euros ont déjà été récoltés).

La deuxième source a pris la forme de dons via le site de crowdfunding KissKissBankBank et a permis de rassembler près de 11.000 euros. La troisième (la plus importante) repose sur le principe du pré-abonnement à Médor pour couvrir les frais de fonctionnement annuels évalués à 227.000 euros. Après un rapide calcul, 3.800 abonnements à 60 euros chacun pour quatre numéros trimestriels sont donc nécessaires. A ce jour, plus de 900 futurs lecteurs y ont déjà souscrit, apportant ainsi quelque 55.000 euros à l’aventure qui seront remboursés si jamais le projet n’est pas finalisé.

Un management décalé

Dans ses méthodes de fonctionnement, Médor se veut également différent des autres journaux et magazines présents sur le marché. Prises de décisions collégiales pour affiner le projet, rédaction en chef tournante pour chaque numéro, rémunérations des journalistes bien au-dessus des barèmes en vigueur afin de garantir un travail de qualité, utilisation de logiciels libres pour la mise en page, transparence des enquêtes et des comptes… Le nouveau trimestriel veut bousculer le journalisme à l’ancienne et porter le débat public sur son projet éditorial. “C’est pour cette raison que nous organisons des ‘Médorware‘, un peu comme des réunions Tupperware, s’amuse Anouchka Vilain, l’une des initiatrices du projet. Il s’agit de présentations publiques pour faire connaître le magazine, débattre sur le journalisme participatif et tisser un lien avec les coopérateurs”.

Une pub sous controle

A l’origine peu réceptive à l’idée d’insérer de la publicité dans son magazine, l’équipe de Médor a fini par revoir sa position pour des raisons strictement économiques. Mais l’acceptation de la pub ne se fera pas à n’importe quel prix. Les initiateurs du projet se réservent le droit d’ouvrir leurs pages uniquement à “des produits ou des événements qui valent la peine d’être promus” et donc de refuser des marques dont l’éthique ou les pratiques leur semblent douteuses. “Nous nous offrons le luxe de choisir les annonceurs et de nous dire que l’on pourrait même leur proposer de réaliser des pubs uniques en concertation avec nos graphistes pour l’homogénéité du projet”, conclut Quentin Noirfalisse. Pour le premier numéro, Médor prévoit d’accueillir six pubs au coeur de ses 128 pages.

Un secteur en mutation

Ebranlé par la chute de son lectorat et l’érosion de ses rentrées publicitaires, le secteur de la presse écrite est bel et bien en crise et se cherche de nouveaux horizons, qu’ils soient numériques ou pas. Au rayon des nouveautés digitales, certains font le pari des articles vendus à la pièce tels que les sites néerlandais Blendle et français JolStore, tandis que d’autres croient toujours en la pérennité du support papier, mais dans une formule revisitée comme les “mooks“. Contraction des mots anglais magazine et book, le “mook” est un objet hybride qui privilégie le plaisir de lecture, tant sur la forme que dans le contenu, à l’instar du titre belge 24h01 lancé à l’automne 2013. Très attentif à sa qualité visuelle, Médor s’inscrit aussi dans cette veine d’un média haut de gamme (le numéro sera vendu 15 euros), même si le magazine se veut davantage ancré dans l’actualité que son “concurrent” 24h01.

Frédéric Brébant

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