La boîte aux lettres fait de la résistance
Dans un monde de plus en plus digital, elle a toujours pignon sur rue et les annonceurs continuent à y déverser, chaque semaine, leurs dépliants promotionnels. Mais quelle est la véritable efficacité de ce “média” et, surtout, quel est son avenir à long terme ?
Infobésité. C’est le néologisme qui décrit le mieux, aujourd’hui, la société du 21e siècle. Contraction des notions d’information et d’obésité, ce mot-valise reflète parfaitement le sentiment de satiété visuelle qui nous envahit. L’information est partout, tout le temps, et cette infobésité se décline évidemment à la sauce publicitaire. Selon des données divulguées par l’institut Nielsen en 2013, chacun d’entre nous serait exposé en moyenne, chaque semaine, à 330 pubs sur le Web, 226 en radio, 203 en télé et 179 dans la presse papier.
Dans ce bombardement publicitaire, la boîte aux lettres reste relativement discrète puisque “seulement” quatre impacts hebdomadaires sont comptabilisés par Nielsen en matière de direct mail. Il s’agit des envois personnalisés par les annonceurs auxquels il faut bien sûr ajouter les fameux dépliants publicitaires, ainsi que les journaux gratuits tels que Vlan ou De Streekkrant qui contiennent aussi des offres promotionnelles mais qui ne sont pas nécessairement ouverts.
Un taux de lecture élevé
La pression publicitaire exercée par la boîte aux lettres est donc relative et d’autant plus confortable aux yeux des consommateurs qu’elle est tout simplement évitable. Outre les autocollants “anti-pub” qui peuvent contrer les messages non désirés, chaque habitant a en effet le loisir de jeter directement à la poubelle les folders et autres publicités livrés à domicile. Cette possibilité de faire le tri comme bon lui semble explique sans doute pourquoi la boîte aux lettres garde une certaine sympathie auprès des Belges qui avouent la consulter très régulièrement. Selon la toute récente étude Letterbox Consumer Survey commandée par bpost et menée par la Belgian Direct Marketing Association auprès d’un échantillon de 1.245 personnes représentatives de la population, 91 % des sondés relèvent en effet leur boîte aux lettres au moins cinq fois par semaine. Mieux, 70 % des Belges se déclarent “curieux d’en découvrir le contenu” et 87 % affirment que les envois publicitaires qui leur sont adressés nommément — ce qu’on appelle le direct mail — sont bel et bien lus.
Tout aussi interpellante, une autre étude réalisée cette fois par le bureau iVox sur la publicité non adressée — à savoir les folders et les journaux gratuits — assure que 77 % des personnes interrogées lisent les dépliants publicitaires qu’ils reçoivent chaque semaine dans leur boîte aux lettres. Baptisée Door to Door Impact Survey 2014 et menée auprès d’un millier de Belges, l’enquête initiée par BD group — leader dans la distribution des brochures publicitaires — stipule aussi que 75 % des consommateurs se basent sur ces fameux folders pour rédiger leur liste de courses. Quand on sait que près de 4,5 millions de boîtes aux lettres privées sont desservies chaque jour ouvrable en Belgique, le bilan de toutes ces statistiques est plutôt réjouissant pour les annonceurs…
Un “média” toujours efficace
“La boîte aux lettres est souvent considérée à tort comme ringarde, mais elle est en réalité un média qui est toujours efficace, constate Vincent Nolf, managing director business clients mail chez bpost. Quel que soit le type de média, on constate que les annonceurs ont tendance à vouloir davantage personnaliser leur message et à recentrer aussi, en temps de crise, leurs budgets sur l’activation. Cette double tendance les amène à se tourner naturellement vers la boîte aux lettres où le direct mail papier offre une certaine proximité avec le consommateur dans un monde qui est de plus en digital.” Sans oublier la dimension “géographiquement variable” du média qui séduit aussi les marques et les PME : “Outre une certaine efficacité, une des forces de la boîte aux lettres est son impact local, ajoute Karim Debbah, media manager à l’Union belge des annonceurs (UBA). Certaines campagnes nationales peuvent être déclinées par région dans les journaux gratuits et un petit commerçant peut aussi faire distribuer un folder dans une zone très ciblée”.
Selon le dernier rapport annuel de l’UBA, la part des investissements publicitaires dans les journaux gratuits distribués dans les boîtes aux lettres serait de l’ordre de 124 millions d’euros en 2013, soit 3,4 % des dépenses totales des annonceurs, contre 6 % il y a huit ans à peine. Si cette érosion peut s’expliquer par la baisse du nombre de petites annonces qui ont migré vers les sites internet, la confiance dans le message publicitaire papier ne faiblit pas en revanche pour les folders et les envois personnalisés, et certaines chaînes comme Colruyt augmentent d’ailleurs chaque année leur budget dans ce segment précis. Selon des informations qui circulent chez bpost, “la valeur totale des segments courrier publicitaire adressé et courrier publicitaire non adressé en Belgique est estimée à environ 220 millions d’euros et 170 millions respectivement, sur la base des revenus totaux en 2012”. Si l’on inclut les journaux gratuits distribués à domicile, le business publicitaire de la boîte aux lettres pèserait donc aujourd’hui un bon demi-milliard d’euros en Belgique.
Jouer sur la complémentarité
Réelle, la menace digitale ne doit pas être sous-estimée pour autant. Mais aussi bien du côté des acteurs qui privilégient le direct mail comme bpost que des entreprises qui sont davantage spécialisées dans l’envoi de folders comme BD Group, l’heure est plutôt à la complémentarité des supports qu’à leur affrontement. “On a trop souvent opposé le online et le offline, regrette Vincent Nolf de bpost. Or nous croyons plus que jamais dans la complémentarité de ces deux mondes et nous travaillons déjà sur cette opportunité dans les envois personnalisés.” Exemples de clients parmi d’autres : la chaîne de vêtements Zeb, la plateforme d’e-commerce Outlet-Avenue ou encore le géant Zalando pour lequel bpost a récemment créé un direct mail personnalisé en fouillant dans les profils fashion de sa propre banque de données, riche de 800.000 profils de ménages belges.
Même son cloche chez BD Group, leader belge de la distribution de folders (135 millions de chiffre d’affaires en 2013), qui a racheté au début de cette année la start-up belge myShopi, spécialisée dans les applications mobiles de listes de courses et de bons de réduction digitaux. Plus que jamais, ce géant de la pub imprimée qui déclare distribuer 5 milliards de dépliants promotionnels par an en Belgique, croit en la complémentarité du papier et du numérique. “Les deux se complètent et se renforcent, conclut Toon Coppens, innovation manager chez BD Group, rebaptisé BD-myShopi depuis l’acquisition. Aujourd’hui, nous croyons en l”omnicanal’ car le consommateur qui reçoit un dépliant publicitaire dans sa boîte aux lettres doit être aussi accompagné jusqu’au point de vente. Sur place, il peut désormais bénéficier de promotions immédiates via des bons de réduction qui s’affichent également sur son smartphone.”
Faire de la boîte aux lettres le meilleur allié d’un consommateur de plus en plus mobile, voilà sans doute l’avenir d’un “média” beaucoup moins désuet qu’il n’y paraît.
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