Rudy Aernoudt

Y a-t-il réellement motif à faire la fête pour les 175 ans de libéralisme?

Que les libéraux du nord du pays aient célébré le 175e anniversaire du mouvement avec ceux du sud, est à saluer: nous avons besoin d’une politique et d’une vision nationales, pas seulement régionales.

Mais y a-t-il réellement motif à faire la fête ? Revenons-en un instant aux fondements du libéralisme – pas aux partis, mais à l’idéologie.

John Locke,le père du libéralisme, prônait la liberté des citoyens et la limitation des pouvoirs de l’Etat et de l’Eglise. Il appelait par ailleurs de ses voeux une économie de marché, fondée sur la propriété privée et les mécanismes de marché. Ce philosophe du 17e siècle aurait-il qualifié le système belge de libéral ? Pour Trends-Tendances, je me concentrerai sur le volet économique de l’idéologie.

Ces 175 ans de libéralisme ont-ils débouché sur un modèle dans lequel le pouvoir de l’Etat est limité ? Il y a près de deux siècles, le pays était dirigé par cinq ministres ; aujourd’hui, il en compte 52. Aussi futile que puisse sembler cette considération, elle montre le pouvoir que s’arroge insidieusement l’Etat. Il y a 175 ans, les dépenses publiques représentaient 9% du PIB ; en 2022, elles devraient atteindre 55%, soit plus que les dépenses privées. La Belgique est, après la France, l’Etat le plus interventionniste d’Europe. Elle est donc plus proche du communisme que du libéralisme.

L’interventionnisme de l’Etat est, de loin, la principale raison de la suffocation de l’entrepreneuriat.

La part idéale des dépenses publiques est difficile à déterminer et varie selon les pays. Une analyse de 17 études enseigne néanmoins que le chiffre devrait être compris entre 35% et 42% du PIB. La question est toutefois moins celle de l’ampleur des dépenses publiques que de leur efficacité. Vu sa deuxième place en la matière, la Belgique devrait logiquement offrir des services publics de très grande qualité. Or elle pointe, affirme une étude de l’association patronale flamande VOKA, à la 16e place.

Pour Adam Smith, le père du volet économique du libéralisme, l’Etat doit assumer un certain nombre de tâches fondamentales. En voici deux. La Belgique dépense 20% de plus que les pays de l’OCDE pour lutter contre la pauvreté mais, avec un habitant sur cinq qui vit sous le seuil de pauvreté, elle se situe au niveau de la Pologne et de la Hongrie. Quant à son enseignement, son joyau d’antan, il produit entre 20% (Communauté flamande) et 25% (Communauté française) d’élèves qui n’atteignent pas le niveau de référence, c’est-à-dire qui ne sont pas en mesure de comprendre un texte ordinaire. Son enseignement est pourtant 25% plus cher que celui de la moyenne de l’OCDE.

Associées à une déplorable inefficacité, ces dépenses publiques élevées, qui se traduisent par des impôts pénalisants et des déficits importants (oui, cela va de pair), minent l’entrepreneuriat. D’après mes calculs, le coefficient de détermination entre le niveau d’ingérence de l’Etat et l’entrepreneuriat s’établit à -61%. L’interventionnisme public est donc, de loin, la principale raison de la suffocation de l’entrepreneuriat.

Soutenir l’entrepreneuriat, c’est faire en sorte que ceux qui en sont capables prennent leur sort en main, exploitent leurs talents. C’est encourager les chômeurs de longue durée à travailler et leur faire comprendre que le chômage n’est pas un statut mais une aide temporaire. C’est le propre du libéralisme économique que d’encourager les gens à entreprendre et à travailler et, avec les fruits de ce travail, d’aider ceux qui, malgré leurs efforts, échouent. Pas l’inverse.

On voit donc que le libéralisme n’a pas su imprimer sa marque sur le modèle belge. Bonne nouvelle: les 175 prochaines années devraient être bien remplies.

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