Voici les sept défis pointés par l’UWE que devra relever la prochaine législature

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Sept, c’est aussi le nombre d’épreuves pour un heptathlon.

Quand on veut montrer que la Wallonie peut rêver d’être championne du monde, il est logique, en 2019, d’évoquer l’heptathlon. L’Union wallonne des entreprises a repris cette image pour présenter son mémorandum aux partis politiques en vue du scrutin européen, fédéral et régional du 26 mai prochain. ” Le politique ne peut pas tout, précise d’emblée Olivier de Wasseige, administrateur délégué de l’UWE. Sa responsabilité est de créer le contexte favorable. Mais toutes les composantes de la société ont leur part de responsabilité. La nôtre, c’est d’organiser un développement économique qui permette aux générations futures de continuer à prospérer dans un environnement préservé. ” Parcourons les sept épreuves de l’heptathlon socio-économique imaginé par l’UWE.

1. Trop peu de formations pour les métiers en pénurie

Le défi de la formation est placé résolument en tête des recommandations. Avec, en toile de fond, le sort des métiers en pénurie et des quelque 45.000 emplois qui ne trouvent pas preneurs (+ 50% depuis 2016). ” Il y a 200.000 chômeurs en Wallonie et le Forem en forme à peine 10.000 par an aux métiers en pénurie “, dénonce Olivier de Wasseige, qui rappelle que tous ces métiers ” ne sont pas pénibles ” et qu’ils ne nécessitent pas forcément un diplôme d’ingénieur ou d’informaticien. Il ne va pas jusqu’à parler de privatisation des missions de formation, comme le fait, par exemple, Alain Destexhe, mais il attend à tout le moins une nette amélioration des performances du Forem. En misant sur l’offre de formations comme sur la demande, en accentuant les incitants mis en place par le ministre de l’Emploi, Pierre-Yves Jeholet (MR), pour les demandeurs d’emploi qui se forment aux métiers en pénurie.

Les récentes mobilisations en faveur du climat peuvent être de bons points d’ancrage pour revoir l’enseignement des sciences.

L’UWE s’inquiète par ailleurs du désamour pour les filières scientifiques (12% des diplômés pour 22% en moyenne en Europe), pourtant les plus porteuses sur le marché de l’emploi. ” Il faut travailler beaucoup plus sur la finalité des matières enseignées, les jeunes veulent du sens “, précise le patron de l’UWE. Les récentes mobilisations en faveur du climat peuvent être de bons points d’ancrage pour revoir l’enseignement des sciences, pour l’orienter vers ” l’investigation et l’éveil de la curiosité ” plus que sur la théorie et l’apprentissage de formules.

Les entreprises veulent une place plus grande dans le monde scolaire, notamment pour intégrer l’esprit d’entreprise et l’éveil technologique dans le tronc commun obligatoire pour tous les élèves. ” Les entreprises sont prêtes à s’impliquer davantage dans le développement de l’enseignement en alternance “, ajoute Olivier de Wasseige. Il regrette que les demandeurs d’emploi utilisent peu cette piste : à peine 190 contrats initiés pour 600 places ouvertes en entreprise. Un déficit de communication sans doute, mais aussi de législation : les personnes qualifiées ne peuvent s’inscrire dans une filière d’alternance, même dans un parcours de reconversion vers un autre métier.

2. Réduire les grèves en… augmentant les salaires nets

” Bloquer les entreprises pour manifester contre une réforme des pensions publiques, nous ne pouvons pas tolérer cela. ” Olivier de Wasseige est las de ces ” grèves politiques ” qui touchent principalement le sud du pays. Il n’emploie pas le teme ” gréviculture ” mais assène les chiffres : 110 jours de grève pour 1.000 salariés en Wallonie contre 39 jours en Flandre. ” Quand la grande distribution restructure et que les syndicats protestent, 90% des magasins fermés pour cause de grève sont localisés en Wallonie, dit-il. Ce genre de chiffres fait très mal à notre économie. ”

Pour remédier à cette situation, l’UWE manie la carotte et le bâton. La carotte, c’est une réforme fiscale ciblée sur les bas salaires, afin d’augmenter le pouvoir d’achat et accentuer l’écart entre les salaires nets et les allocations de chômage. Une telle réforme peut se mener tant au niveau fédéral que régional, l’impôt des personnes physiques (IPP) ayant été partiellement régionalisé.

Le bâton, c’est le respect, y compris devant les tribunaux, du droit de travailler (contre les piquets et autres blocages pendant les jours de grève) ainsi que le balisage des prérogatives syndicales. ” Quand ils assument des missions de service public, paiement des allocations de chômage, gestion des cellules de reconversion, etc., il n’y a pas de raison de dispenser les syndicats de la réglementation sur les marchés publics “, estime l’UWE.

3. Gouvernance : l’exemple de l’aéroport de Charleroi

Pour trouver le remplaçant de Jean-Jacques Cloquet à la tête de l’aéroport de Charleroi, le gouvernement a mandaté un bureau indépendant. Il a sollicité trois candidats, un jury les a auditionnés et le lauréat (Philippe Verdonck, qui a fait toute sa carrière dans le secteur aérien en travaillant pour Jet Airways, Korean Air et Nippon Express) a été désigné sans intervention politique. ” Un bel exemple de bonne gouvernance, estime Olivier de Wasseige. Il faut objectiver les recrutements au lieu de trop souvent parachuter les chefs de cabinet. ”

L’UWE plaide par ailleurs pour une administration plus orientée ” clients “. Cela signifie des textes plus ” lisibles “, une organisation simplifiée grâce au recours à l’intelligence artificielle, des procédures simplifiées pour accélérer le traitement des dossiers, ainsi que des fonctionnaires sans doute plus flexibles et polyvalents. ” Il faut réorienter le fonctionnement pour pouvoir apporter des réponses plus rapides aux clients “, dit le CEO de l’UWE.

En Wallonie, il y a eu 110 jours de grève pour 1.000 salariés contre 39 jours en Flandre.
En Wallonie, il y a eu 110 jours de grève pour 1.000 salariés contre 39 jours en Flandre. ” Des chiffres qui font très mal à notre économie “, selon le patron de l’UWE.© Belgaimage

4. Changer le braquet de la politique économique

On peut résumer l’analyse de l’UWE de la sorte : la Wallonie est sur le bon chemin mais elle n’avance pas assez vite. Selon la fédération patronale, il faudrait recentrer les pôles de compétitivité sur leur mission de soutien à la recherche, augmenter le budget wallon de R&D de 100 millions d’euros (+ 30%), réalimenter le fonds des pays émergents pour accompagner les PME à la grande exportation, etc.

Cette intensification des actions existantes devraient être complétées par un soutien plus visible à l’esprit d’entreprise : mise en avant des success stories, coup de pouce aux incubateurs et écosystèmes entrepreneuriaux, incitant les grandes entreprises à travailler avec les start-up, etc. L’UWE souhaite enfin développer, en partenariat avec la Sowalfin, un accompagnement des entreprises en croissance ” pour les mener à la taille d’Eurogentec ou IBA “. ” Ce n’est souvent pas une question d’argent mais d’humain, précise Olivier de Wasseige. L’idée est que des entrepreneurs expérimentés travaillent à la racine avec ces jeunes entreprises pour casser les inhibitions et les mettre en position d’avoir envie de croître. ”

5. “Le plan digital existe, exécutons-le”

” Il ne s’agit pas de réinventer la roue, un plan Digital Wallonia a été présenté en décembre, il faut maintenant l’exécuter. ” Il y a du travail puisque le secteur numérique ne représente que 3,7% de la valeur ajoutée de l’économie wallonne. Cela implique évidemment de placer le numérique au coeur de l’enseignement, de reconduire et sans doute amplifier le programme Made different qui sensibilise les PME à la transformation digitale de l’économie et, insiste l’UWE, d’assurer une couverture correcte de tout le territoire en fibres optiques et 5G. ” Certains territoires, donc des parcs d’activité économique, ne bénéficient pas encore du très haut débit. Comment se développer sans ces infrastructures indispensables ? “, interroge l’UWE.

6. Les entreprises wallonnes paient leur électricité 15% plus cher que leurs concurrentes flamandes

” L’écart de prix de l’énergie par rapport à la Flandre et aux pays voisins va croissant, regrette Olivier de Wasseige. C’est une alerte forte pour les entreprises wallonnes et c’est devenu un véritable frein pour les investissements étrangers. Il est temps de réinventer la manière dont le financement du renouvelable est répercuté dans les factures d’électricité. ” L’UWE réclame donc une politique énergétique qui n’entrave pas la compétitivité des entreprises.

Ce souci des impératifs financiers n’empêche pas les entreprises de partager globalement les objectifs climatiques. Elles souhaitent la prolongation des accords de branche (les actuels arrivent à échéance fin 2020) par lesquels les entreprises réduisent leurs émissions en échange d’efforts sur les prix. ” La Wallonie est la seule région à avoir imposé des objectifs de baisse des émissions et d’amélioration de l’efficacité énergétique, explique le patron de l’UWE. Nous y souscrivons, nous n’avons pas attendu que les jeunes manifestent dans la rue pour nous préoccuper du climat. Mais les entreprises ne pourront pas continuer à agir de la sorte si leurs factures d’énergie continuent d’augmenter. ”

Il invite les entreprises à communiquer de manière plus proactive sur leurs efforts en la matière. Et de citer l’exemple de Novallia, une filiale de la Sowalfin qui finance des projets innovants des PME wallonnes dans la transition énergétique. Elle a accordé 45 millions d’euros pour plus de 200 projets.

L’UWE plaide enfin pour une fiscalité immobilière incitative, pour encourager les propriétaires à mettre leurs biens aux normes énergétiques modernes : réduction des droits d’enregistrement, exonération temporaire du précompte immobilier, adaptation du chèque habitat etc.

7. Apporter 200 ha par an pour les activités économiques

L’espace est l’un des atouts de la Wallonie. Mais il tend à se raréfier, note l’UWE, qui veut que 200 hectares supplémentaires (contre 50 aujourd’hui) soient affectés chaque année aux activités économiques. Celles-ci n’occupent que 1,5% du territoire wallon. Parallèlement, le travail d’assainissement et de réaffectation des friches industrielles serait intensifié.

Le patronat wallon souhaite aussi une révision des procédures en vue de l’obtention d’un permis d’environnement. Les études devraient être ciblées sur les enjeux majeurs, expurgées des demandes d’informations ” trop complexes et peu utiles “. Les conditions d’exploitation définies dans le permis devraient veiller à maintenir ” une proportionnalité entre le coût et l’effet attendu “.

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