Voici les 15 dossiers explosifs du prochain gouvernement

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De la gratuité dans les transports en commun à la taxation du patrimoine, une série de dossiers divisent fortement les partis politiques. Mais, joie du scrutin proportionnel, ces partis devront chercher des compromis au lendemain de l’élection. Tour d’horizon de ces questions qui risquent de provoquer de bruyants claquements de porte…

Vous voulez déjà un scoop sur les négociations gouvernementales ? Eh bien, on peut déjà vous confier que, quels que soient les résultats qui sortent des urnes le 26 mai, personne ne parlera de la taxation de la viande autour d’une table de négociation fédérale ou régionale. Ou alors juste en clin d’oeil aux libéraux et aux écologistes, histoire de détendre l’atmosphère. Et on est à peu près sûr que personne ne s’amusera non plus à tenter d’inclure le port du voile ou l’étourdissement des animaux dans un accord de gouvernement.

De quoi parleront-ils alors, ces braves négociateurs ? Nous avons pointé 15 questions d’intérêt économique qui devraient les diviser, pas toujours selon un strict axe gauche-droite d’ailleurs. Le bras de fer idéologique reste largement cantonné au niveau fédéral. C’est là que se discutent des dossiers clivants comme le sort des voitures de société, le niveau des allocations de chômage ou l’âge de la pension. Les partis belges sont habitués à mettre de l’eau dans leur vin, mais ils tiennent aussi à avoir l’un ou l’autre ” trophée ” susceptible de marquer la législature. C’est d’autant plus compliqué au niveau fédéral, que cela implique un plus grand nombre de partis. ” Les budgets wallon et fédéral sont déficitaires, rappelle le patron de l’Union wallonne des entreprises Olivier de Wasseige. Il faudra faire des choix : visera-t-on l’équilibre budgétaire ou un déficit, et si c’est cette optique, à quelle hauteur ? Quels seront les arbitrages : la levée de nouveaux impôts ou la diminution de dépenses ? ”

Les partis belges tiennent à avoir l’un ou l’autre “trophée” susceptible de marquer la législature.

” Au niveau régional, le consensus est plus grand sur le socio-économique, analyse le politologue Vincent Laborderie (UCLouvain). S’il doit y avoir des tiraillements, je les verrais plutôt à la Fédération Wallonie-Bruxelles autour du Pacte d’excellence pour l’enseignement et le décret inscriptions. Le MR a été très offensif sur ce thème et, s’il est à la table des négociations, il voudra amender de manière significative les textes de l’équipe sortante. ” ” La question scolaire demeure compliquée, y compris à propos de l’enseignement supérieur, renchérit son confère de l’ULB, Pascal Delwit. J’ai l’impression qu’il y a plus de dossiers conflictuels au niveau de la Fédération, avec des positions fortes des partis. A l’échelon régional, le point principal, c’est d’être dans l’exécutif. ” Il souligne toutefois qu’il s’agira de la dernière législature avant la diminution progressive de la solidarité budgétaire entre les Régions, et que cela pourrait durcir les positionnements des uns et des autres. On songe, par exemple, à la facture grandissante des points APE, qui a crispé la fin de législature et qu’il faudra résoudre d’une manière ou d’une autre.

Plus simple au niveau régional, vraiment ?

Au niveau régional, Jérémy Dodeigne (UNamur) envisage quand même de belles étincelles du côté de la politique de l’énergie, avec le probable retour au pouvoir d’Ecolo. ” Tout le monde n’a pas la même approche de l’initiative industrielle publique et des missions d’acteurs comme Resa ou Publifin, dit-il. Cela divise même les gens au sein des partis. ” Et c’est d’autant plus vrai que les Verts se sont profilés très en pointe sur les questions de gouvernance.

Un autre dossier pourrait surgir, autour du service minimum et de l’encadrement du droit de grève. Le gouvernement wallon vient d’infliger une sanction financière d’un million d’euros au TEC pour non-respect du service minimum lors de la journée de grève du 14 mai. On imagine que le PS et Ecolo auront très envie d’obtenir la suppression de cette sanction dans le prochain accord de gouvernement. Et que le MR et le cdH n’auront pas très envie de se désavouer. Le sujet est très sensible, il y a une forte demande patronale en faveur du respect du ” droit au travail ” et de l’interdiction des piquets et autres blocages lors des journées d’actions syndicales.

Olivier de Wasseige s’attend, lui, à quelques conflits idéologiques pour la formation du gouvernement régional. Il constate, par exemple, que les partis et les Régions se positionnent ” en ordre dispersé ” sur la fiscalité routière. Il s’interroge également sur la capacité du prochain exécutif à réorienter les politiques du Forem, au vu de la diminution du nombre de demandeurs d’emploi. ” Le gouvernement décidera-t-il de réduire le personnel à l’accompagnement administratif pour augmenter la politique de formation ? interroge-t-il. Et si tel est le cas, la formation sera-t-elle internalisée ou y aura-t-il des appels à projets et donc une ouverture à la sous-traitance ? ”

1. Le Pacte pour un enseignement d’excellence sera-t-il détricoté ?

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Le cdH, à la manoeuvre dans l’élaboration du Pacte d’excellence, explique qu’un grand nombre de mesures prévues ont déjà été prises. Or, avec la redistribution prévue à l’issue du scrutin, le texte pourrait bien être remanié. Va-t-on assister à un détricotage en règle ?

Engagement de 1.200 professionnels de l’enfance supplémentaires, création de plus de 30.000 places scolaires rendue possible, renforcement des savoirs de base en adaptant les contenus appris à l’école et en mettant en place un tronc commun ouvert aux intelligences multiples, etc. Autant de mesures qui ont déjà été votées. ” Mais vu la portée et l’ambition du Pacte d’excellence, ce dernier nécessite d’être poursuivi sur plusieurs législatures “, soulignent les humanistes. Or, les prochaines élections pourraient bien rebattre les cartes.

Chez Ecolo, on relève déjà deux faiblesses du texte : ” Il est perçu par les enseignants comme leur étant imposé d’en haut sans les associer suffisamment, et il ne porte pas du tout sur les aspects pédagogiques, pourtant au coeur des apprentissages “. Les Verts entendent du coup, sans plus de précision, ” évaluer régulièrement, publiquement et de manière participative les acquis et défauts du texte, en particulier en ce qui concerne la mise en oeuvre du tronc commun jusqu’à 15 ans “. ” La mise en oeuvre du texte s’avère laborieuse et sa pérennisation est loin d’être acquise : ce pacte est clairement en balance “, dit-on chez Ecolo.

Tronc commun et alternance

L’un des piliers du texte, c’est donc le désormais célèbre tronc commun. Voté lors de la dernière séance plénière du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, son allongement jusqu’à 15 ans ne satisfait pas le MR. Sur le plan des principes, le Mouvement réformateur ne se dit pas opposé à un tronc commun (enseignement général), mais jusqu’en deuxième secondaire seulement. Son allongement représenterait ” à nouveau le choix du nivellement par le bas “. Et les libéraux de pointer notamment un risque de décrochage scolaire et de baisse du niveau des études. Le MR appuie surtout l’urgence de revaloriser l’enseignement technique et professionnel. ” Cet enseignement ne doit plus être perçu comme une filière de relégation, mais comme une droite ligne vers l’emploi. ”

Du côté du PS, on défend la mise en place jusqu’à la troisième secondaire d’un tronc commun ” pluridisciplinaire ” comprenant des enseignements généraux, techniques, professionnels, sportifs et artistiques. L’argument des socialistes ? ” Cela doit permettre à l’élève de découvrir un ensemble de disciplines et de déterminer en connaissance de cause son parcours ultérieur. Ce mécanisme constitue également un des meilleurs moyens pour valoriser l’enseignement qualifiant. ”

Autre point important du texte : la formation en alternance, qui offre aux jeunes dès l’âge de 15 ans la possibilité d’apprendre un métier tout en parachevant leur formation générale en milieu scolaire. En dehors d’Ecolo qui n’aborde pas le sujet dans son programme, PS, cdH et MR en font une priorité. Pour la prochaine législature, le Parti socialiste entend ainsi finaliser la réforme de l’alternance. ” La multiplication des contrats et des statuts des jeunes en alternance créent une concurrence entre les jeunes et les opérateurs, mais elle induit aussi une complexité et un manque de transparence pour les employeurs, en particulier les PME, ce qui nuit au dispositif. ” Le PS veut donc harmoniser et rationaliser les dispositifs de formation et d’enseignement en alternance, ou encore mettre en place une fluidité des parcours entre l’enseignement de plein exercice et la formation en alternance.

Le cdH propose pour sa part de jeter des passerelles entre niveaux d’enseignement afin que l’alternance puisse se prolonger dans l’enseignement supérieur et universitaire. ” Les jeunes sortant de l’IFAPME doivent pouvoir bénéficier d’une certification équivalente à celle délivrée par l’enseignement et permettant d’accéder à l’enseignement supérieur “, dit le parti centriste.

Enfin, les libéraux appuient sur la nécessité de rendre la formation en alternance attractive pour les entreprises. Comment ? ” En augmentant les incitants financiers affectés aux mesures liées à l’alternance, en développant des incitants financiers aux indépendants et aux employeurs et en accompagnant les entreprises au niveau administratif lors de la conclusion de l’exécution du contrat d’alternance. ”

2. Faut-il revaloriser le budget de la Défense nationale ?

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Soyons honnêtes : la politique de la Défense n’est pas le thème majeur de cette campagne. Il est vrai que les grandes décisions en la matière – acquisition de drones, blindés, chasseurs de mines et remplacement des F-16 par les F-35 américains – ont déjà été prises par le gouvernement sortant, même si le choix du F-35 a été critiqué par tous les partis francophones de l’opposition qui ont pointé du doigt l’achat d’un matériel non européen et pour lequel les retombées économiques, du côté francophone notamment, sont encore floues. En outre, le PS et Ecolo ont critiqué le montant de la facture totale.

La Défense reste une thématique classique où se démarquent partis de gauche et de droite.

La Défense nationale reste une thématique classique où se démarquent partis de gauche et de droite. Actuel ministre de la Défense et tête de liste MR à Bruxelles, Didier Reynders se dit ” inquiet “. ” Nous sommes une des rares formations politiques à évoquer le sujet du côté francophone. Certains partis n’ont même pas une ligne dans leur programme. ”

A gauche, on dit que ” la Défense ne fait pas partie de nos priorités (Ahmed Laaouej, PS), ou que “l’urgence est ailleurs ” (Georges Gilkinet, Ecolo), même si on estime qu’il faut une armée moderne.

Au centre, cdH et DéFI estiment certes qu’il faut faire plus, mais que les moyens ne sont pas illimités. ” Nos efforts de Défense sont passés de 1,01% en 2013 à 0,91% du PIB en 2018 ( le gouvernement actuel a prévu 0,95% pour cette année, Ndlr), plaçant ainsi la Belgique en avant-dernière position sur les 28 pays de l’Otan, observe Maxime Prévot (cdH) ! Or, poursuit-il, les défis au niveau international sont particulièrement intenses. Il en appelle à ” une nécessaire remise à niveau des dépenses dans le secteur de la Défense où le prochain défi sera celui des ressources humaines, avec près de 2.000 départs par an “. Pour être crédible, il faut se rapprocher de 1,4% du PIB, dit-il, soulignant aussi la nécessité de ” tendre davantage dans une logique de défense européenne “. Un point de vue partagé par DéFI. François De Smet juge aussi qu’atteindre les 2% du PIB exigé par l’Otan n’est pas possible à court terme. ” Il serait plus réaliste de viser 1,25 % d’ici 2025 et multiplier les partenariats avec les pays voisins “, affirme-t-il.

Au MR, on reste dans la ligne du gouvernement Michel. ” Nous dépensons 0,95% du PIB aujourd’hui ( c’est le chiffre qui a été remis à l’Otan en février dernier pour cette année, Ndlr), mais il faut continuer à progresser, dit Didier Reynders. Tout le monde sait qu’il va falloir accroître les dépenses, pas uniquement pour répondre à la demande des Etats-Unis ou de l’Otan, mais pour tenir notre place au sein de l’Alliance et du projet de Défense européenne, et surtout parce que nous en avons besoin. ” Il faut en effet moderniser les infrastructures et engager du personnel qualifié pour faire tourner ce nouveau matériel et remplacer les nombreux départs.

Le budget de la Défense ne devrait donc pas être un dossier explosif lors des prochaines négociations gouvernementales… à moins d’avoir une tentative de coalition qui transcenderait les clivages gauche-droite.

3. Avons-nous les moyens de refinancer la Justice ?

Voilà de nombreuses années que les partis politiques reconnaissent que la Justice est en état de délabrement avancé. Mais son refinancement reste systématiquement dans les cartons des bonnes intentions. Le gouvernement Michel n’a pas fait exception à la règle, rabotant le budget alloué à la justice d’environ 10 % en début de législature, avant de le ré-augmenter chaque année, jusqu’à revenir à la situation initiale (1,9 milliard d’euros).

Les partis francophones qui participeront au futur attelage gouvernemental fédéral devraient donc facilement se mettre d’accord sur l’objectif du refinancement. Reste à voir sur quel chiffre ils parviendront à s’entendre. Si l’on consulte les programmes des partis, c’est celui de DéFI qui tape le plus haut. Le parti amarante propose d’augmenter chaque année le budget de la Justice de 200 millions d’euros, ce qui aboutirait à une facture de 3 milliards d’euros supplémentaires sur l’ensemble de la législature. ” Ce n’est pas grand-chose par rapport au budget total de l’Etat. Et ce sont des dépenses essentielles, qui concernent directement la sécurité des citoyens “, explique Sophie Rohonyi, candidate DéFI à la Chambre.

Manque chronique de juges

Pour les partis francophones, une des priorités est de remplir le cadre des magistrats. Selon le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V), celui-ci est rempli à 90 %. Un chiffre contesté par Avocats.be, l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, qui parle de 84 %, et qui vient d’attaquer l’Etat belge en justice pour non-respect de ce cadre légal. Le manque chronique de juges paralyse certaines juridictions et aggrave l’arriéré judiciaire. A la Cour d’appel de Bruxelles, les dossiers mettent trois à quatre ans avant d’être jugés. ” Nous ne sommes plus tout à fait dans un Etat de droit “, estime Georges Dallemagne (cdH). Pour le parti ” frère ” du CD&V de Koen Geens, l’effort budgétaire supplémentaire doit atteindre 500 millions d’euros sur l’ensemble de la prochaine législature. De quoi permettre de rendre les décisions de justice ” dans un délai d’un an “, ambitionne le programme humaniste. Un objectif partagé par le MR, qui estime aussi nécessaire d’augmenter le budget du département de la Justice, sans pour autant s’avancer sur un montant précis. Le PS, de son côté, prévoit d’investir 200 millions d’euros supplémentaires par an. Ecolo veut faire de la Justice une ” priorité budgétaire “, sans la chiffrer.

4. Les voitures de société disparaîtront-elles ?

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Plusieurs partis souhaitent la disparition du traitement fiscal favorable accordé actuellement à l’usage privé des voitures de société. Pour des raisons environnementales et pour lutter contre les embouteillages.

Le PS, Ecolo, DéFI et Groen veulent la fin du statut fiscal des voitures de sociétés à usage privé (voitures salaires), le PTB aussi. Avec des nuances : Ecolo et le PS souhaitent épargner les bénéficiaires actuels en attribuant une compensation, une sorte de cash for car, équivalente au gain fiscal perdu. Le MR, lui, garde le dispositif, mais le réserve aux voitures les plus propres, idem pour le cdH, le CD&V et l’OpenVld. La N-VA, elle, refuse de démanteler le dispositif, à moins de revoir la fiscalité des revenus très élevés, que la voiture de société aide à modérer.

Cette thématique concerne le gouvernement fédéral. Elle devra donc faire l’objet d’un accord entre francophones et Flamands. Deux possibilités sont imaginables, selon les majorités et les négociations. L’hypothèse soft d’abord : une inflexion des avantages fiscaux pour verdir davantage le parc, en donnant plus de poids au niveau d’émission de CO2, notamment pour établir l’avantage en nature taxable pour le bénéficiaire. Beaucoup critiquent l’attribution d’une carte de carburant qui inciterait à rouler davantage. Une mesure fiscale pourrait freiner les grands rouleurs, du moins pour ce qui est de l’usage privé. Ces mesures s’inscriraient dans une approche suivie par les gouvernements précédents. Tous ont plus ou moins raboté le statut fiscal de la voiture salaire, en conservant son attractivité. Le gouvernement Di Rupo avait, par exemple, imposé la prise en compte, à partir de 2012, de la valeur du véhicule, pour calculer l’avantage en nature taxable.

L’hypothèse radicale : la suppression du dispositif fiscal, envisageable avec un gouvernement sans la N-VA. Avec un risque politique, car l’opération va réduire les revenus nets de plus de 500.000 personnes. Son acceptation dépendra de la mise en place d’une compensation pour les bénéficiaires actuels, compensation envisagée par le PS et Ecolo. Le gain espéré par les verts et les socialistes dépasse les 2 milliards d’euros (hors compensations). Pour Ecolo, cela permettrait de financer l’attribution à chaque citoyen d’un budget mobilité de 700 à 2.780 euros.

5. Comment les ” prosumers ” financeront-ils le réseau électrique ?

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En Wallonie, la modernisation du réseau électrique sera un des principaux enjeux en matière d’énergie ces prochaines années.

Le développement des énergies renouvelables impose une modernisation du réseau. Mais actuellement, les ménages wallons ayant installé des panneaux photovoltaïques sur leur toit paient peu, voire pas du tout, son utilisation. Avec le principe du ” compteur qui tourne à l’envers “, leur consommation d’électricité est annulée par leur production. A la fin de l’année, leur facture est donc bien souvent égale à zéro. Or, ces consommateurs ont toujours besoin du réseau : lorsque le soleil est au zénith pour évacuer l’énergie excédentaire, et lorsqu’il fait nuit, lorsqu’ils ont à nouveau besoin d’électricité. Ce système fait donc peser les coûts du réseau sur les autres consommateurs, qui n’ont pas investi dans des panneaux photovoltaïques.

Rendement minimum

Pour y remédier, il est donc prévu de mettre à contribution ces ” prosumers ” dès 2020 grâce à l’application d’un tarif annuel calculé sur base de la puissance de l’installation. Des tarifs proposés par les gestionnaires de réseaux (GRD) et approuvés par le régulateur, la CWaPE, pour la période 2020-2023. Jean-Luc Crucke (MR), ministre wallon de l’Energie, a proposé d’exonérer les 150.000 ménages wallons ayant installé des panneaux photovoltaïques sur leur toit avant le 1er juillet 2019.

Suite à la défection de Patricia Potigny pour les Listes Destexhe, le gouvernement wallon a perdu sa majorité au Parlement. Le texte n’a pas pu être adopté et a été renvoyé devant le Conseil d’Etat. Objectif : déterminer qui est compétent en la matière entre la CWaPE et le gouvernement. Au-delà de la compétence, c’est aussi la sécurité juridique du texte proposé qui pose question. ” La CWaPE a de toute façon annoncé que si nous prenions ce texte en l’état, elle déposerait un recours “, explique Olivier Rubay, attaché de presse du groupe PS au Parlement wallon. Le Conseil d’Etat devrait rendre son avis après les élections du 26 mai. Ce projet est donc renvoyé à la prochaine législature. Au risque d’être enterré ? ” Quelle que soit notre position au Parlement, nous déposerons à nouveau ce texte “, assure aujourd’hui Jean-Luc Crucke. Si cette exonération est finalement adoptée, la facture ne risque-t-elle pas de retomber sur les ” sans panneaux ” ? ” Ce n’est pas parce que l’on compte sur cette recette, qu’il n’y en n’a pas d’autres “, explique Jean-Luc Crucke. Le libéral donne plusieurs pistes comme, notamment, celle invitant à fusionner les gestionnaires de réseau, et ainsi faire des économies d’échelle ; ou revoir le dividende donné aux provinces et aux communes, actionnaires des GRD.

Pour le parti socialiste, ” le tarif prosumer et son application relèvent de la compétence de la CWaPE, le régulateur wallon en vertu des directives européennes “. Même avis du côté d’Ecolo : ce n’est pas au gouvernement wallon de décider d’exonérer ou non ces prosumers. ” Nous sommes favorables à ce que la CWaPE joue son rôle de régulateur, explique Philippe Henry, député écologiste au sein de la Commission énergie du Parlement wallon. Par contre, nous sommes d’accord que les personnes qui ont investi disposent d’un rendement minimum. Dans le système Qualiwatt, c’était 7% par an. S’il devait s’avérer que ces personnes, à cause du tarif prosumer, ne bénéficient plus de ce rendement, nous pourrions effectivement accepter qu’il faille faire quelque chose. Mais s’il s’agit de préserver des rendements de 20, 25%. Là, pour nous, c’est tout à fait indéfendable. ”

Au-delà du financement du réseau, se pose la question d’une meilleure intégration des énergies renouvelables. Si la Wallonie veut accélérer sa transition énergétique, les ménages wallons qui ont installé des panneaux solaires vont devoir davantage auto-consommer leur propre électricité. Un enjeu qu’épingle notamment le cdH, actuel partenaire de majorité du MR au gouvernement wallon, dans son programme : ” Nous proposons d’adapter la tarification appliquée aux citoyens producteurs d’électricité afin de les encourager à auto-consommer directement leur production “. Ce forfait pour utiliser le réseau ne motive effectivement pas ces prosumers à consommer leur énergie lorsqu’elle est produite. Le déploiement progressif des compteurs intelligents de 2020 à 2029 servira de support technique à une seconde méthode de tarification : il sera ainsi possible de calculer l’électricité consommée et celle renvoyée sur le réseau. La période tarifaire suivante, à partir de 2023, va donc devoir intégrer des tarifs variables, qui prennent en compte le moment où l’on consomme et le moment où l’on produit. Définitivement adopté fin avril, le décret sur l’autoconsommation collective permettra à ces prosumers de partager leur production avec leurs voisins, et ainsi de diminuer la part d’électricité qu’ils injectent sur le réseau.

6. Les chômeurs seront-ils obligés de se former aux métiers en pénurie ?

C’est le paradoxe qui énerve les fédérations patronales : comment peut-on avoir, dans un même pays, à la fois près de 500.000 demandeurs d’emplois et 141.000 postes vacants dans les entreprises ? Il est tentant de tracer une ligne directe entre les deux chiffres pour plaider, comme le fait la FEB, en faveur de la limitation dans le temps des allocations de chômage. L’idée est que le demandeur d’emploi en fin de droits s’orientera plus volontiers vers les métiers en pénurie (boucher, chauffeur de poids lourd, mécanicien, technicien qualifié, etc.). Le MR préfère parler de dégressivité des allocations que de limitation dans le temps. ” Cette dégressivité n’est pas appliquée au demandeur d’emploi qui décide de suivre une formation à un métier en pénurie “, précise le ministre wallon de l’Emploi, Pierre-Yves Jeholet. Il sera alors incité à s’inscrire dans ces filières et, cela, d’autant plus qu’en Wallonie, un demandeur d’emploi peut désormais bénéficier d’une prime de 350 euros s’il choisit de se former à un tel métier.

Comment peut-on avoir à la fois près de 500.000 demandeurs d’emplois et 141.000 postes vacants ?

Les libéraux sont toutefois assez isolés sur ce point, les autres partis estimant que ce n’est pas sous la contrainte qu’on choisit un travail épanouissant. ” Les demandeurs d’emploi sont déjà soumis à toutes sortes d’obligation, confie le député Ecolo Philippe Henry. Cela nécessite un encadrement très lourd et des contrôles qui engloutissent du temps, de l’énergie et des moyens. Il faudrait plutôt les consacrer à un accompagnement positif et personnalisé. ” Ce travail devrait même se mener bien en amont, lors de l’orientation des élèves du secondaire. ” On leur donne beaucoup d’explications sur les études possibles mais peu sur les métiers et les débouchés, estime Catherine Fonck (cdH). Or, ils pourraient découvrir plein de métiers auxquels ils ne pensent pas. ” Frédéric Daerden (PS) invite aussi à agir sur les métiers eux-mêmes. ” S’ils sont en pénurie, c’est peut-être parce qu’ils ne sont pas suffisamment valorisés, parce que les conditions de travail ne sont pas attractives, dit-il. Ce sont aussi des leviers sur lesquels on peut agir en concertation avec tous les acteurs. ”

7. Les transports en commun doivent-ils être gratuits ?

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Plusieurs partis, dont Ecolo et le PS, souhaitent rendre gratuits le train, le tram, le métro et le bus. Pour une partie de la population, pour commencer. Tout le monde ne juge pas l’idée pertinente.

Diverses initiatives à l’étranger, au Luxembourg et à Dunkerque notamment, ont encouragé plusieurs partis à proposer la gratuité des transports en commun pour certaines catégories de passagers. Généralement les jeunes et les retraités.

S’il y a de l’argent pour financer la gratuité, mieux vaut le mettre dans la hausse des fréquences et celle de la vitesse commerciale.

Le PS souhaite la gratuité pour les moins de 26 ans et les plus de 65 ans, ” dans une première phase “, avec l’objectif d’aller plus loin à terme. Ecolo veut la gratuité pour les moins de 26 ans également, et pour les chômeurs et bénéficiaires du CPAS. Le PTB parle d’une gratuité sur les réseaux de la Stib, de De Lijn et du Tec. Il la réserve, pour le train, aux ” trajets domicile-travail, aux pensionnés, aux chercheurs d’emploi, aux mineurs d’âge et aux étudiants. ” Le cdH, prudent, souhaite la gratuité pour les mouvements de jeunesse à Bruxelles et en Wallonie. Il parle ” d’évaluer l’impact et le coût de la gratuité généralisée des transports publics à Bruxelles ” pour des publics ciblés.

Une mesure de gratuité pourrait donc toucher les moins de 26 ans et les retraités si Ecolo et le PS occupent une position forte dans les futures majorités politiques. Mais ces deux partis n’ont pas soumis la mesure au Bureau du Plan pour en établir le coût. ” Notre programme prévoit des recettes fiscales nouvelles qui permettront de financer la gratuité pour les moins de 26 ans et les plus de 65 ans, avance toutefois Maxime Hardy, porte-parole du PS, notamment avec une taxe sur les grands patrimoines. ”

Risque de hausse des émissions

” La gratuité généralisée n’a pas beaucoup de sens “, estime pourtant Bart Jourquin, économiste des transports à la Louvain School of Management (UCLouvain). Les usagers ne paient qu’une très petite partie du coût réel : ” Les tickets et les abonnements ne couvrent que 20% à 25% des charges des sociétés de transport. Seule une gratuité visant des buts précis aurait du sens, comme le trajet vers l’école, la recherche d’un emploi. Mais pas pour le week-end, pour que les étudiants aillent à la mer, par exemple. Là, vous allez encourager la croissance des déplacements juste pour la croissance. Avec le risque d’aboutir à une hausse des émissions de CO2, ce qui serait le comble. ”

La Belgique a l’expérience de la gratuité : à Hasselt, ville pionnière, et dans le centre de Mons. Dans les deux cas, les pouvoirs publics locaux ont arrêté l’initiative pour des raisons financières. A Hasselt en 2013, après 13 ans d’une telle politique. A Mons en 2016, après 17 ans. Hasselt l’a maintenue pour les jeunes de 6 à 19 ans domiciliés dans l’entité.

Mais ces mesures avaient-elles au moins un effet sur la mobilité ? ” En général, on n’a pas constaté de transfert modal de la voiture vers ces transports gratuits, remarque Henry-Jean Gathon, professeur d’économie des transports à l’ULg. D’après leurs témoignages, nombre des usagers de ces bus les utilisaient déjà quand ceux-ci étaient payants ; ils en profitaient simplement davantage, en y recourant pour des trajets courts, un ou deux arrêts, ou quand il pleuvait ou faisait froid, parfois aussi en remplacement de la marche ou de leur vélo. On ne comptait donc chez ces utilisateurs que peu d’automobilistes, la gratuité ne constituant pas chez eux un attrait suffisamment puissant. ”

Certes, il n’y a pas unanimité sur le sujet parmi les économistes des transports. ” Mais s’il y a consensus, c’est sur le fait que la demande porte davantage sur la fréquence que sur le prix. ” Et de comparer la situation à Hasselt et à Verviers. ” Les deux villes ont une taille similaire. Le transport était gratuit à Hasselt, payant à Verviers, avec de meilleures fréquences. Et Verviers était nettement plus fréquenté. ” Conclusion : ” S’il y a de l’argent pour financer la gratuité, mieux vaut le mettre dans la hausse des fréquences et celle de la vitesse commerciale”. Cela pourrait avoir plus d’impact.

8. Plan Marshall : on recommence comme avant ?

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L’économie wallonne avance désormais au même rythme que la Flandre. Mais elle doit accélérer pour rattraper son retard. Comment ? Les partis n’ont pas vraiment les mêmes vues sur la vie après le plan Marshall.

Pendant 13 ans, ce fut la vache sacrée du gouvernement wallon. Et puis, Pierre-Yves Jeholet est arrivé et a scellé la fin du plan Marshall. ” Je ne suis pas un grand adepte des plans, concède le ministre wallon de l’Economie. Des méthodes de travail, oui, mais pas ces plans et tout le marketing qu’il y a autour. Je ne suis pas sûr que ce soit l’utilisation la plus efficace de l’argent public. ” Il précise toutefois que les budgets Marshall, qui couraient jusqu’en 2019, ont bien été respectés et parfois mêmes renforcés.

Son prédécesseur, Jean-Claude Marcourt (PS), est, lui, un homme de plans. Il a incarné le plan Marshall de 2004 à 2017. Rêve-t-il de le remettre à l’honneur en 2019 ? ” On ne revient pas en arrière “, assure-t-il. De toute façon, plus aucun parti n’évoque le plan Marshall dans son programme, la page semble bel et bien tournée. Du moins, en ce qui concerne l’appellation. Le coeur de la politique de redéploiement économique de la Wallonie, à savoir les pôles de compétitivité, n’est, lui, pas remis en cause. Le jury international qui valide les projets de recherche vient d’être renouvelé et les partis se sont tous engagés à pérenniser le financement des pôles. Un financement qui n’a rien d’excessif : une cinquantaine de millions, soit… 0,4% du budget wallon. Comme priorité d’action, on a déjà vu plus offensif !

La nuance vient à nouveau du MR qui a introduit une partie variable (15%) dans ce financement, en fonction du nombre de projets, du renouvellement des participants… ” J’avoue que ça me fait un peu peur sur l’état de notre région quand j’entends des patrons s’indigner à l’idée de lier une partie des budgets des pôles aux résultats, confie Pierre-Yves Jeholet. Je n’ai pas envie que les pôles deviennent des administrations externalisées, c’est en ce sens que j’agis. ”

La formation, enjeu économie n°1

Qu’elle soit ratifiée dans un plan ou pas, tous les grands partis appellent à une stratégie de redéploiement économique. ” Nous souhaitons impulser une dynamique autour de l’économie circulaire et de la transition vers le bas carbone, explique le député Ecolo Philippe Henry. Il y a là un potentiel considérable. Bien mise en oeuvre, l’économie circulaire pourrait générer 36.000 emplois. ” Ce chiffre provient du rapport sur l’économie circulaire adopté à l’unanimité par le Parlement wallon en fin de législature. Avec cette unanimité et la présence de ce thème en bonne place dans tous les programmes, il serait logique que l’économie circulaire soit mise à l’honneur dans la prochaine déclaration gouvernementale régionale. Elle constituera certainement l’un des axes transversaux à impulser dans la politique des pôles de compétitivité, comme la transition énergétique, la digitalisation ou toute l’économie du vieillissement.

Le MR entend, lui, dépasser les rigidités institutionnelles pour placer résolument l’éducation et la formation à la proue du projet wallon. ” C’est le défi de demain, estime Pierre-Yves Jeholet. Nous devons former les jeunes et les moins jeunes aux métiers de demain. A chaque visite d’entreprise, on me parle de ce problème de formation. Le Pacte d’excellence n’y répondra pas et nous devons agir directement, au niveau régional, pour intégrer beaucoup plus la formation dans le monde de l’entreprise. ” Sa préoccupation rejoint celle de Jean-Claude Marcourt pour qui la formation est vraiment cruciale pour l’économie wallonne. ” On ne peut pas continuer à avoir 15% des jeunes qui sortent de l’enseignement sans diplôme, on ne peut pas continuer à avoir si peu d’élèves qui s’orientent vers les métiers techniques et les filières scientifiques “, dit-il. Rappelons que la formation est le premier des sept défis pointés par l’Union wallonne des entreprises dans son mémorandum électoral.

On voit mal des négociateurs gouvernementaux s’étriper sur ces enjeux. Les divergences viendront sans doute des méthodes. Le PS plaide ouvertement pour ” le modèle mosan “, c’est-à-dire sur la concertation entre partenaires sociaux pour définir la politique industrielle. Le MR craint que cette optique ne conduise surtout à l’immobilisme, les idées des uns annulant les idées des autres. ” Je prends l’exemple du Forem, précise Pierre-Yves Jeholet. Le patronat pointe volontiers un manque de réactivité ou l’insuffisance de certaines formations. Mais il faut rappeler que la gestion du Forem est paritaire et le que le président du comité de gestion est issu du banc patronal. Cela génère-t-il les résultats attendus ? C’est bien beau de parler de plans et de grands accords qui réunissent tout le monde, mais je me demande si les élections ne vont pas plutôt renforcer les clivages existants. ”

9. L’équilibre budgétaire doit-il être une priorité ?

Pour certains partis, les dépenses d'infrastructure doivent échapper à l'austérité.
Pour certains partis, les dépenses d’infrastructure doivent échapper à l’austérité.© Getty Images

Derrière cette question rhétorique, une thématique plus technique : comment financer l’investissement public ?

Atteindre l’équilibre budgétaire. C’était l’objectif fixé par le gouvernement Michel. Il n’a certes pas été atteint, mais le déficit a fortement diminué, puisque l’on est passé de 3,1% du PIB à 0,8% en 2018… Avant de rebondir à 1,7% (7,7 milliards d’euros environ) sans doute en 2019. Et l’on atteindrait 11 milliards en 2022 selon le Bureau du Plan.

” Le MR avait voulu faire très vite très fort, mais il a laissé une facture de 11 milliards “, attaque Maxime Prévot (cdH). ” On nous laisse une ardoise considérable à l’horizon 2022. Oui, nous devons mieux gérer nos finances publiques, dit Ahmed Laaouej (PS). ” Il faudrait un audit pour avoir la véritable mesure du déficit budgétaire “, estime François De Smet (DéFI). Didier Reynders (MR) rétorque que pour expliquer ces chiffres de 2019, ” il faut interroger la N-VA “. Le départ des nationalistes flamands a en effet plongé le gouvernement en affaires courantes. Quant aux 11 milliards en 2022 prévus par le Bureau du Plan, ” c’est à politique inchangée “, souligne-t-il.

Un enjeu capital

Voilà le contexte dans lequel les négociateurs aborderont la thématique budgétaire après le 26 mai. Pour la plupart des partis, le prochain gouvernement n’aura pas le choix. Un retour à l’équilibre est ” indispensable et incontournable “, dit Ahmed Laaouej. ” L’équilibre budgétaire sera l’enjeu de la prochaine législature, quelle que soit la prochaine configuration gouvernementale, parce que nous avons l’obligation européenne de l’atteindre “, observe Maxime Prévot. Et Didier Reynders, lui aussi, affirme que ” nous devrons atteindre l’équilibre lors de la prochaine législature “.

DéFI lie les performances budgétaires à la croissance. ” Les économistes nous disent qu’il n’est pas possible de réduire la dette et le déficit sans une croissance économique d’au moins 1,5 % “, note François De Smet.

Chez Ecolo, Georges Gilkinet explique que pour son parti, ” le retour à l’équilibre budgétaire n’est pas une priorité absolue, tant les besoins d’investissements sont importants pour répondre aux enjeux en matière climatique, de solidarité, d’éducation ou d’équipements collectifs. Il est nécessaire pour la Belgique d’investir pour réussir la transition, qui peut générer des emplois et des économies structurelles. Cela ne veut évidemment pas dire pour autant que nous sommes favorables à de nouveaux déficits importants, tels ceux qui se sont creusés dans les années 1970 et qui pèsent sur les générations actuelles. Mais il est nécessaire de lisser l’effort dans le temps. ”

Investir sans s’endetter

Si l’on excepte donc Ecolo qui ne milite pas pour la primauté d’un retour à l’équilibre budgétaire, et en partie DéFI qui pense d’abord à la croissance, PS, MR et cdH se démarquent sur les politiques qui devraient échapper à l’austérité.

Au MR, on désire poursuivre la politique actuelle de création d’emplois sans être esclave d’un calendrier. ” Je n’ai jamais eu de fétichisme sur la date de l’équilibre, dit Didier Reynders. Nous voulons réduire le déficit, mais il ne faut pas que la volonté d’aller très vite pénalise l’activité ou l’emploi. ” Il ajoute néanmoins : ” La Belgique a un énorme problème d’investissement public. Mais pour investir, il faut se désendetter “.

Le cdH et DéFI estiment qu’il ne faut pas lier l’investissement public au désendettement de l’Etat. Le cdH souhaite ” être rigoureux en ce qui concerne les dépenses courantes de l’Etat ” et donc dans les frais de fonctionnement des cabinets et de l’administration, mais sans hypothéquer l’investissement public. Maxime Prévot demande à l’Europe d’accepter de ne pas comptabiliser, dans le déficit public, ” les investissements de maintenance (les remises à niveau des chemins de fer, des routes, etc.), les investissements économiques rentables, qui ont une portée supranationale et ceux qui s’inscrivent dans le développement durable. Une relance par les investissements publics est une dynamique vertueuse “, ajoute-t-il.

François De Smet, chez DéFI, “pourrait accepter un déficit de 1 % pour financer des grosses dépenses d’infrastructures, qui règlent nos problèmes de mobilité, ou des dépenses qui seraient liées à la formation professionnelle “.

Pour le PS, les contraintes budgétaires ne doivent pas hypothéquer la relance intérieure, qui passe par la consommation des ménages. ” Il faut soutenir la demande intérieure par une réforme fiscale qui mette moins à contribution les revenus du travail et davantage ceux tirés de la spéculation, mieux lutter contre la fraude fiscale, dit Ahmed Laaouej. Cela afin de financer le soutien au budget des ménages et de permettre de dégager des moyens pour l’investissement public. ”

10. L’avenir flou de Nethys

Pas de trace d’un quelconque projet pour l’avenir de Nethys dans les programmes des partis. Le scandale des rémunérations fictives dans les comités de secteur de l’intercommunale liégeoise Publifin est pourtant encore dans toutes les mémoires. La question de la gouvernance défaillante de cette structure publique chapeautant le groupe protéiforme Nethys a agité les partis politiques pendant des mois, jusqu’à la création d’une commission d’enquête ad hoc. Adoptées à l’unanimité au Parlement wallon en juillet 2017, les recommandations de cette commission sont cependant loin de s’être intégralement concrétisées.

Les partis politiques ne s’entendent pas forcément sur l’avenir de ce groupe protéiforme.

Alors que la commission d’enquête a clairement pointé la responsabilité des dirigeants de Nethys – dont celle du patron Stéphane Moreau, exclu depuis lors du PS – et demandé leur départ, ces derniers sont tranquillement restés à la barre. ” Il n’est pas acceptable que la ministre ( Valérie De Bue – MR, Ndlr) n’ait pas utilisé ses pouvoirs pour procéder à la mise à l’écart des dirigeants de Nethys “, estime le parlementaire Ecolo Stéphane Hazée. Le parti vert demande que les recommandations de la commission d’enquête soient intégralement exécutées.

Celles-ci prévoient notamment de redéfinir le périmètre des activités de Nethys. La seule concrétisation de cette recommandation est la sortie de Resa (distributeur de gaz et d’électricité en province de Liège) du giron de Nethys. Le câblo-opérateur Voo pourrait, quant à lui, être cédé à un opérateur privé (Orange et Telenet sont sur le coup), mais rien n’est encore décidé.

Les politiques ne s’entendent pas forcément sur l’avenir de Nethys. Le PS continue de défendre le ” projet industriel ” porté par les initiateurs du l’ex-Tecteo, qui ont tenté de créer un groupe multisectoriel avec une implantation forte en province de Liège. Le député socialiste et ancien ministre des Pouvoirs locaux Pierre-Yves Dermagne détaille les trois priorités de son parti : ” Maintenir l’emploi, conserver le pouvoir de décision en Wallonie et préserver l’intérêt des actionnaires “.

Pour la troisième priorité, c’est déjà raté. Nethys vient d’annoncer que le groupe ne verserait cette année aucun dividende à Enodia (ex-Publifin), qui réunit les communes actionnaires et la province de Liège. Logique : la vache à lait Resa vient de sortir du groupe Nethys qui ne réunit plus que des structures peu rentables, voire déficitaires, comme Voo ou les Editions de l’Avenir. Pour Ecolo, il est urgent de faire sortir le pôle presse de Nethys, via un ” portage ” public temporaire à charge de la Région wallonne. ” Le groupe Nethys a une influence néfaste sur L’Avenir “, estime le député Ecolo Stéphane Hazée. Du côté du PS, le débat n’est pas tranché sur les activités qui doivent rester ou non dans le giron de Nethys.

Au lendemain des élections, pas sûr que les directions centrales des partis se pencheront sur le dossier Nethys. Celui-ci reste largement aux mains des élus liégeois impliqués dans cette structure publique aux longues ramifications.

11 . Le patrimoine sera-t-il frappé d’une taxe spécifique ?

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S’il y a bien un sujet sur lequel les positions sont diamétralement opposées, c’est celui-là : taxer le patrimoine.

Alors qu’à la droite de l’échiquier politique un impôt sur la fortune ne fait pas partie des programmes ni du MR ni du cdH, les mouvements de gauche en font par contre une mesure phare de leur catalogue électoral. Tant le PS qu’Ecolo et le PTB proposent leur version d’un impôt sur la fortune. Si le PS parle d’un ” impôt sur les gros patrimoines “, Ecolo préconise pour sa part de mettre en place ce qu’il appelle une ” cotisation de crise temporaire ” sur les grands patrimoines, tandis que le PTB avance sa fameuse ” taxe des millionnaires “. Alors que ce dernier veut ponctionner 1% sur les patrimoines qui dépassent 1 million d’euros, 2% au-dessus de 2 millions et 3% au-dessus de 3 millions, les socialistes visent une taxation progressive des patrimoines au-delà de 1,25 million d’euros (en dehors de l’immeuble d’habitation). Quant à Ecolo, il envisage une taxation de 1 % à 1,5 % des patrimoines supérieurs à 1 million d’euros (avec une exonération dans la base de calcul de l’habitation principale ainsi que des biens productifs utilisés dans le cadre d’une activité professionnelle).

Sans l’idée de taxe des millionnaires du PTB, pas sûr que le PS et Ecolo aient imaginé un impôt sur les gros patrimoines.

” L’objectif est de diminuer le coût du travail, et donc de l’encourager, grâce à une contribution plus progressive des revenus du capital, situe Georges Gilkinet, député fédéral Ecolo. Dans notre modèle, le volume de recettes fiscales reste égal. C’est un jeu à somme nulle. Ceux qui bénéficient uniquement de revenus du travail ou de peu de revenus du capital sont gagnants. Les beaucoup plus aisés contribuent un peu plus, sans pour autant qu’on leur confisque leur patrimoine, évidemment. ”

Patrimoines sous la loupe

Taxer les riches pour réduire l’impôt sur les revenus du travail, c’est aussi l’idée du PS. ” Taxer le patrimoine, oui, c’est clairement dans notre programme, avance Ahmed Laaouej, chef de groupe PS à la Chambre. Il faut instaurer une taxe de solidarité sur les grands patrimoines. Il y a dans notre pays une importante concentration des patrimoines financiers, des patrimoines en croissance, parce que les plus-values bénéficient d’une exonération fiscale. Et donc, un impôt sur les grandes fortunes qui concernerait pour l’essentiel les grands patrimoines financiers apparaîtrait comme une fiscalité réparatrice, et permettrait de financer une baisse de l’impôt sur les revenus du travail. ” Un avis que ne partage bien évidemment pas le libéral Didier Reynders, actuel ministre des Affaires étrangères et de la Défense : ” J’ai vu apparaître des propositions de taxation de la fortune, mais aussi de création de cadastres. On commencerait donc à regarder la totalité du patrimoine des citoyens. Je trouve que c’est dangereux en termes de liberté individuelle. Groen commence même à parler des collections d’art, de vin, des bibliothèques, etc. Nous souhaiterions au contraire encourager la cession de patrimoine et continuer à travailler sur des mesures qui facilitent les donations, y compris immobilières, et encourager l’accession à la propriété. Nous proposons d’exonérer 500 euros du précompte immobilier pour les personnes qui habitent le logement dont elles sont propriétaires. Nous ne sommes pas pour la globalisation des revenus, comme le veulent Ecolo, le PTB et le PS, car cela augmenterait la taxation de la classe moyenne “.

Ligne rouge

Sans l’idée de taxe des millionnaires du PTB, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et dont le Bureau du Plan n’a malheureusement pas pu estimer le rendement, PS et Ecolo n’auraient en effet sans doute pas imaginé cette globalisation des revenus et un impôt sur le patrimoine. C’est dire si trouver un terrain d’entente ne sera pas évident. Reste que les compromis sont parfois plus faciles à engranger quand les positions sont fort éloignées. On se souviendra en effet qu’au sein du deuxième gouvernement Verhofstadt, les socialistes avaient obtenu la suppression des titres au porteur en échange de la première amnistie fiscale (la DLU, déclaration libératoire unique). Quant à la nouvelle taxe sur les comptes-titres dont les avoirs dépassent 500.000 euros, elle a été mise en place par un gouvernement a priori de droite, estimant peut-être qu’il s’agissait là du prix à payer pour maintenir l’exonération des plus-values sur actions, visiblement dans le collimateur du PS. Et donc une ligne rouge à ne pas franchir pour le MR ? ” Je ne parlerais pas de ligne rouge car en matière fiscale, il y a toujours des négociations, déclare Didier Reynders. Mais c’est le dernier élément particulièrement attractif pour les investisseurs en Belgique. Ce serait dommage que la Belgique ne le maintienne pas. On a remis en cause une partie des intérêts notionnels, et surtout en quelques années, on a doublé le précompte mobilier. On ne peut pas aussi toucher aux plus-values, d’autant que la taxation des plus-values n’a jamais existé en Belgique. Le mieux serait donc de ne pas y toucher pour conserver un avantage compétitif dans le cadre européen. Car d’autres pays ne se gênent pas pour en avoir par rapport à nous. ”

12. Allons-nous vers des privatisations pour réduire la dette publique ?

Pour le libéral Didier Reynders, il n’y a pas de tabou. ” J’ai toujours dit au moment où l’on a sauvé les banques, que l’Etat n’avait pas vocation à rester actionnaire unique, comme dans Belfius, voire même simple actionnaire du secteur bancaire, comme dans BNP Paribas Fortis, avance l’actuel ministre des Affaires étrangères et de la Défense. Mais si une cession doit intervenir, il faut qu’elle intervienne quand le rendement de la cession est positif. Malheureusement sur Belfius, nous avons perdu des opportunités de faire la cession dans de bonnes conditions, car il y avait un lien politique, que je peux comprendre, qui a été fait par un parti avec le dossier Arco. A l’avenir, si nous avons de nouveau une situation boursière positive et si nous pouvons réaliser une véritable plus-value, il est logique de céder un certain nombre de participations, notamment dans le domaine financier pour diminuer l’endettement, mais aussi pour investir. La Belgique a un énorme problème d’investissement public et pour investir, il faut se désendetter. Belfius était clairement sur la table lors de la législature précédente et je pense qu’il faudra continuer. Pour Proximus, c’est la même évaluation. Je n’ai pas de tabou, mais encore une fois à condition que par rapport au rendement de Proximus, il y ait un gain. Il ne faut pas privatiser pour privatiser, mais réaliser un calcul financier et s’assurer que le partenaire que l’on va trouver apporte une valeur pour l’entreprise. ” Le MR semble toutefois isolé sur cette question des privatisations. ” Nous estimons que Belfius doit rester une banque 100% publique pour en faire un outil de soutien aux PME et aux indépendants, tout en lui assignant un objectif de financement de la transition économique ” sur le modèle de la banque de développement KFW en Allemagne, indique le député fédéral Ecolo Georges Gilkinet. Privatiser Belfius ou d’autres actifs de l’Etat, le PS y est également tout à fait opposé : ” L’Etat doit pouvoir développer une action économique, notamment dans un certain nombre de secteurs clés, comme le secteur bancaire, mais aussi l’énergie, le transport. Nous avons besoin d’un Etat acteur de l’économie. Et personne ne me convaincra que l’efficacité dans la gestion est l’apanage du secteur privé. Beaucoup d’exemples démontrent le contraire “, tranche Ahmed Laaouej, chef de groupe PS à la Chambre. Même son de cloche du côté de François De Smet, tête de liste fédérale DéFI à Bruxelles, qui estime, concernant la banque Belfius, que ” son profil de partenaire des opérateurs publics, et singulièrement des communes, oblige de la protéger. Il n’est pas question de la vendre pour dédommager les coopérateurs déçus d’Arco. Ce sont deux dossiers qu’il n’est pas question de lier “.

13. Les cotisations patronales continueront-elles à baisser ?

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Tous les partis sont prêts à réduire le coût du travail. Mais, à gauche, on veut conditionner cet engagement à des objectifs de créations d’emplois, de réduction du temps de travail ou d’emplois pour les jeunes.

Le total des subventions salariales dans notre pays atteint 7,2 milliards d’euros, a calculé le Conseil central de l’économie. L’essentiel (5,8 milliards) provient des réductions de cotisations patronales. Un chiffre quasiment trois fois plus grand qu’il y a 10 ans et qui a permis de réduire le handicap salarial de l’économie belge par rapport à ses voisines. Notre pays demeure pourtant le champion du monde de la taxation du travail, selon le dernier classement (qui mériterait quelques nuances) de l’OCDE. D’où le plaidoyer de la Fédérations des entreprises de Belgique pour descendre le taux des cotisations patronales jusqu’à 20%.

Mais ce taux a déjà été ramené de 33 à 25% à l’occasion du tax shift du gouvernement Michel et aucun parti ne semble vouloir prolonger cette réduction linéaire. Le plus réticent est le Parti socialiste, qui avance deux préalables. D’une part, il veut d’abord garantir la dotation d’équilibre de la sécurité sociale, pour éviter ainsi qu’un allègement des cotisations ne la plonge dans le rouge. D’autre part, le PS veut étudier systématiquement l’impact concret des réductions et exonérations de cotisations sociales. ” Il faut une contrepartie, que ce soit en termes de créations d’emploi ou d’incitants pour des poches de travailleurs qui ont un accès plus difficile au marché du travail, explique le député Frédéric Daerden. Ces contreparties doivent être réfléchies et concertées par les secteurs. ” L’une de ces contreparties pourrait être une réduction du temps de travail avec embauches compensatoires. L’entreprise qui entre dans un tel processus pourrait bénéficier de réductions de cotisations. Ecolo et DéFI abondent dans le même sens. En revanche, ni le MR ni le cdH ne prévoient de réduction du temps de travail et donc de réductions de cotisations sociales pour l’accompagner.

Etendre le ” zéro cotisation ” sur le premier emploi

Si les libéraux ne défendent pas une nouvelle baisse structurelle des cotisations patronales, ils souhaitent en revanche prolonger une autre disposition du gouvernement Michel : le ” zéro cotisation ” sur le premier emploi créé. Entre 2016 et 2018, plus de 38.500 entreprises avaient bénéficié de la mesure en créant leur premier emploi. Cette mesure arrive à échéance en 2020 et le MR entend la prolonger de cinq ans, et même de l’étendre aux deuxième et troisième travailleurs engagés par une PME. L’idée est d’inciter les entreprises et les indépendants à franchir ce cap délicat de devenir ” employeurs “. Aucun parti n’embraie toutefois sur cette proposition, à cause notamment des importants ” effets d’aubaine ” qu’elle peut comporter.

Le MR, le cdH et Ecolo préconisent des réductions de cotisations patronales ciblées sur les bas salaires, ciblage qui génère a priori le plus d’emplois. Le tax shift avait déjà favorisé ces catégories. Une étude à paraître du Conseil central de l’économie indique en effet qu’entre 2015 et 2019, le taux effectif des cotisations sur un salaire de 1.650 euros bruts est passé de 21 à 12% (28 à 25% pour un salaire de 3.200 euros bruts). Ce sont ces 12% que plusieurs partis souhaitent diminuer. ” Nous y ajoutons un renforcement du bonus Emploi ( baisse des cotisations personnelles sur les salaires, Ndlr) jusqu’au salaire médian, afin d’agrandir l’écart entre les bas et moyens salaires et les allocations de chômage “, dit Catherine Fonck, cheffe de groupe cdH à la Chambre.

L’instrument fiscal ou parafiscal peut aussi être utilisé pour encourager la flexibilité dont ont besoin les entreprises. DéFI propose l’exonération totale d’un quota d’heures supplémentaires tandis que le MR veut étendre les flexi-jobs, actuellement réservés à l’horeca et aux commerces de détail, à d’autres secteurs comme l’horticulture ou l’artisanat. Mais le PS ne les suit pas du tout dans cette direction. ” Ce dumping social interne me heurte, dénonce Frédéric Daerden. Ces mesures qui visent à mettre les travailleurs les uns contre les autres, c’est destructeur pour la sécurité sociale et le tissu social en général. Elles fournissent de l’emploi à ceux qui en ont déjà, je ne pense pas que ce soit la priorité d’action en Wallonie et à Bruxelles. ”

14. La législation sur le travail de nuit dans l’e-commerce va-t-elle être assouplie ?

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La question taraude les ” retailers “, qui voudraient pouvoir retarder l’heure de clôture des commandes en ligne, préparer les colis durant la nuit et assurer ainsi une livraison dès le lendemain pour être compétitifs face aux concurrents étrangers.

A u cours de la précédente législature, plusieurs changements ont été opérés. Ainsi, la loi concernant le travail faisable et maniable du 5 mars 2017 a inscrit une dérogation supplémentaire à l’interdiction générale du travail de nuit prévue par la loi sur le travail de 1971. Une dérogation qui concerne spécifiquement l’e-commerce, et qui autorise le travail de nuit (entre 20 h et 6h) pour les activités d’e-commerce quelle que soit la commission paritaire dont relève l’entreprise. Jusqu’alors, et depuis début 2016, seules les entreprises relevant de la commission paritaire du commerce de détail indépendant (201) pouvaient introduire du travail de nuit.

Comeos souhaite que la “nuit belge” commence à minuit, comme c’est le cas aux Pays-Bas, et pas à 20h.

Passer des petits pas au turbo

En outre, la procédure d’introduction du travail de nuit a été assouplie pour l’e-commerce. D’une part, un ” régime de travail comportant des prestations de nuit ” (entre 24 h et 5h) peut être introduit par une convention collective de travail ” normale ” (l’accord d’un seul syndicat suffit) en lieu et place d’une convention collective conclue avec toutes les organisations représentées dans la délégation syndicale. D’autre part, un régime de travail comportant des prestations de nuit ou pas (de 8 h à 24 h et de 5 h à 6h) peut être introduit, selon les cas, par une convention collective de travail ” normale ” ou par une modification du règlement de travail. Cette dernière mesure est temporaire. Le travail de nuit peut être instauré via cette procédure jusqu’au 31 décembre 2019. Pour le prolonger, il faudra passer par une confirmation via une nouvelle convention collective de travail ordinaire.

Si le secteur salue évidemment ces avancées, il parle de petits pas et espère que le prochain gouvernement mettra le turbo. ” Si une entreprise souhaite organiser du travail de nuit dans l’e-commerce, des négociations folles avec les syndicats sont nécessaires, affirme le CEO de Comeos, Dominique Michel. C’est bien simple : une seule grande société a fait usage de ce système aujourd’hui. ” La fédération du commerce souhaiterait qu’il soit possible pour une entreprise d’introduire du travail de nuit en négociant directement avec ses travailleurs, et pas avec les permanents syndicaux externes. ” Nous souhaiterions aussi que la ‘nuit belge’ commence à minuit comme c’est le cas aux Pays-Bas, et pas à 20 h. Les collaborateurs qui travailleraient à partir de 20 h le feraient sur base volontaire et en conservant leurs acquis sociaux. ”

Dans les différents programmes politiques, on ne lit à proprement parler aucune mesure révolutionnaire en la matière. ” Malgré de récentes bonnes nouvelles dans le secteur de l’e-commerce avec l’installation d’Alibaba en région liégeoise, la Belgique est toujours victime d’un décalage législatif important avec ses voisins, décalage qui implique une sous-représentation du secteur de l’e-commerce dans notre pays “, peut-on lire dans le programme du MR. Il faut, disent les libéraux, ” simplifier la législation sur le travail de nuit et du dimanche dans le cadre d’activités d’e-commerce. Cette mesure s’appliquerait par la conclusion d’une seule convention collective de travail avec au minimum un syndicat lorsqu’une délégation syndicale est présente au sein de l’entreprise ou par le règlement de travail en l’absence de délégation syndicale au sein de cette dernière. ”

Du côté du PS, on entend donner la priorité aux conventions collectives de travail d’entreprise soutenues par tous les syndicats représentés. ” Les procédures de changement de règlement de travail tendent à devenir trop répandues et à rogner sur les droits sociaux acquis, dont en premier lieu la concertation sociale. Il faut accorder la priorité aux conventions conclues prioritairement avec les syndicats présents dans l’entreprise. ” Les socialistes souhaitent par ailleurs promouvoir un ” e-commerce équitable, donnant le droit au consommateur de demander que sa commande sur un site de commerce en ligne soit traitée sans travail de nuit sans encourir de coûts supplémentaires. ”

Enfin, les programmes du cdH et d’Ecolo sont, quant à eux, muets sur la question.

15. L’âge de la pension reviendra-t-il à 65 ans ?

Le report de l’âge légal de la pension de 65 à 67 ans est sans doute la mesure du gouvernement Michel la plus décriée dans l’opinion. A la fois sur le fond (personne ne se réjouit à l’idée de devoir travailler plus longtemps) et sur la forme, cette disposition très sensible ne figurant alors dans le programme d’aucun des quatre partis de la coalition ” suédoise “. Les libéraux ont encaissé les coups. Mais ils en retirent aussi un bilan : cette mesure a contribué à réduire significativement le coût du vieillissement à l’horizon 2050. Pas question pour eux de revenir en arrière. Ni de suivre la N-VA, qui prône de futurs relèvements de l’âge légal de la pension, en fonction de l’évolution de l’espérance de vie.

Le PS annonce “un combat acharné” contre la pension à 67 ans.

A gauche, le président du PS Elio Di Rupo annonce ” un combat acharné ” pour ramener l’âge légal de la pension à 65 ans. On notera toutefois qu’il ne va pas jusqu’à en faire un préalable à toute négociation (option retenue par le sp.a). Les autres partis sont prêts à composer avec ces 67 ans : Ecolo un tout petit peu en modulant la règle selon la pénibilité des métiers ; le cdH un peu plus en comptant en durée de carrière plutôt qu’en âge légal ; et DéFI (le seul qui, en 2014, avait la pension à 67 ans dans son programme) en complétant par des dispositions permettant à chacun de trouver ” une fin de carrière adaptée ” (tutorat, pension à temps partiel, etc.).

Les partis francophones devraient pouvoir se retrouver autour de ces mesures d’accompagnement de fin de carrière, que l’on retrouve peu ou prou dans tous les programmes. ” Il ne faut pas traiter ce dossier comme un slogan, résume Catherine Fonck, cheffe de groupe cdH à la Chambre. Pour réussir le défi des pensions, la priorité n’est pas l’âge légal mais le maintien à l’emploi des 55-65 ans, sans doute pas au même rythme et avec des incitants positifs. ” Cela implique de dégager des moyens et, sur ce point, les partis pourraient bien se diviser…

Des moyens, il en faudra aussi pour améliorer le pouvoir d’achat des retraités. Tous les partis partagent l’objectif mais avec des modalités variables. PS et Ecolo proposent de porter la pension minimale à 1.500 euros ; le cdH parle plus prudemment de ” relever progressivement le taux de remplacement des pensions légales ” ; tandis que le MR et DéFI préfèrent agir via la suppression de la cotisation de solidarité qui frappe encore 400.000 pensionnés. En tout état de cause, les mesures fiscales ciblées sur les bas revenus devraient avoir une incidence positive sur le train de vie des personnes qui bénéficient de petites et moyennes pensions.

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