Voici ce que contient l’accord de la Vivaldi sur les pensions

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Un peu plus de 2 milliards d’euros sont prévus dans l’accord de la Vivaldi pour relever la pension minimale à 1.500 euros par mois d’ici la fin de la législature. D’autres mesures sont prises concernant le système de retraite. Le point.

La Vivaldi a conclu ce mercredi son programme pour la législature. Le texte s’intitule “Pour une Belgique prospère, solidaire et durable”. Il prévoit notamment un peu plus de 2 milliards d’euros pour une pension minimum garantie (PMG) à 1500 euros par mois. Ce montant devra être d’application pour les carrières complètes de 45 ans et en vigueur d’ici la fin de la législature. Actuellement, ce minimum est fixé à 1.266,37 euros brut par mois pour un isolé (salarié ou indépendant).

Montant brut ou net ? Le flou est encore présent sur ce point. Le montant minimal pour une pension sera revalorisé à hauteur de 1.580 bruts au cours de cette législature, a précisé le président du MR, Georges-Louis Bouchez, contredisant les socialistes qui parlent, eux, d’un montant net.

Le montant plafond suivra dans la même proportion l’augmentation de la pension minimum.

Cette augmentation a été un point important du programme de nombreux partis. C’est une revendication de longue date de la FGTB. “Ce n’est pas un montant qui sort de nulle part”, explique Thierry Bodson, son président, interviewé un peu avant le bouclage de l’accord par la RTBF, “nous estimons, sur base d’études, qu’il faut avoir cette rentrée nette en poche après 65 ans pour faire face aux coûts de la vie, entrer dans une maison de repos, etc. C’est plus que ce qui existe aujourd’hui: la pension isolé qui est autour de 1300 euros bruts. Pour rappel, la Belgique est parmi les pays aux pensions légales les plus basses”.

Suite à l’accord, la FGTB se dit amère. Thierry Bodson déclare : “On demandait une pension de 1.500 euros nets pour 2024. Avec 1.580 euros bruts, on en est fort éloignés. C’est une grosse déception.

Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, estime de son côté au micro de La Première, qu’il ne faut pas faire de cette pension à 1500 euros un “fétiche” ou un “totem”. Cette revalorisation ne concernera en effet que les personnes qui ont eu une carrière complète (NDLR, 45 ans), soit environ 25% de la population. “La carrière est parfois bien plus morcelée”, rappelle-t-elle. Pour les personnes avec moins d’années de carrière, le montant sera calculé au prorata. Pour pouvoir prétendre à la pension minimum garantie (PMG), il faut avoir travaillé au moins l’équivalent de 2/3 d’une carrière complète, soit 30 années minimum. Conclusion : de nombreux retraités continueront à recevoir des pensions inférieures à 1 500 euros.

De nombreux retraités continueront à recevoir des pensions inférieures à 1 500 euros.

45 ans de carrière

Selon Marie-Hélène Ska, il faudrait réfléchir à un aménagement de la carrière, avec plus de possibilités de sortie anticipée notamment, et la prise en compte de la pénibilité du travail. “Il faut travailler sur la revalorisation de l’ensemble des pensions“, avance-t-elle.

Dans ce contexte, les conditions d’éligibilité future à la pension minimum pour les personnes qui étaient au chômage depuis longtemps ou qui bénéficiaient d’un crédit-temps seront renforcées par la coalition Vivaldi. La suppression de ces périodes dites “assimilées” était un souhait libéral. Cette mesure pourrait avoir des conséquences importantes sur le niveau des futures pensions, commente De Standaard. Le nouveau gouvernement prévoit de nombreuses autres mesures en matière de retraite.

Cette mesure est “un trophée”, pour Pierre Devolder professeur à l’UCLouvain et membre du Conseil académique des pensions interviewé sur les ondes de la RTBF : “c’est un double miroir aux alouettes: premièrement, en terme de communication, parce qu’on donne l’illusion aux citoyens que dorénavant, ils auront 1500 euros de pension, or c’est pour une carrière complète! […] Qu’on soit pour ou compte, la mesure n’a de sens que si on parle de net. Deuxièmement, on fait croire qu’on a résolu le problème des pensions. Je suis atterré de voir que toute la question des pensions ces derniers mois n’a plus été centrée que sur cette mesure”, regrette le membre du Conseil académique des pensions.

“Il existe trop de systèmes de pension”

Ewald Pironet, journaliste chez Knack, analyse le texte de la proposition de la sorte : “La pension minimale sera progressivement augmentée (carrière complète et incomplète) jusqu’à atteindre 1 500 euros nets pour une carrière complète (en cas de carrière incomplète, ce montant sera réduit au prorata de la différence entre 45 ans et la carrière)”. Notez le terme “jusqu’à”, c’est-à-dire que l’on ne sait pas si ce sera effectivement 1 500 euros. Il n’est pas non plus précisé en quelle année les 1 500 euros doivent être atteints. Il est également important de noter que ce montant ne sera versé qu’après une carrière de 45 ans. Mais il y a quelque chose de beaucoup plus inquiétant.”

Qui parle encore de réformer notre système de retraite ?

Il ajoute : “Tout le monde parle d’augmenter la pension minimum, qui parle encore de réformer notre système de retraite ? Il existe trop de systèmes de pension, chacun ayant ses propres définitions, règles, méthodes de calcul, critères d’attribution, etc. Un gouvernement qui prend les pensions au sérieux aligne les différents systèmes et construit un système plus juste. Ce n’est pas non plus le cas du gouvernement De Croo.

Une grande réforme au programme

Sur ce point, le gouvernement entend mettre en oeuvre d’autres réformes pour maintenir la viabilité du système de retraite. Le nouveau ministre des pensions devra présenter des propositions concrètes pour septembre 2021. Il sera essentiel de réduire les différences entre les systèmes (fonctionnaires, indépendants, salariés). Les trois systèmes devront donc converger, mais les droits acquis ne doivent pas être touchés. Dans cette optique, le calcul des pensions des travailleurs indépendants sera ajusté de manière à ce qu’elles soient au même niveau que celles des salariés. La solidarité entre les pensions les plus élevées et les plus basses devra par ailleurs être renforcée.

Pension à temps partiel et retour du bonus pension

Ce qui ne change pas par contre, c’est l’âge actuel de la retraite, fixé par le gouvernement Michel à 67 ans, bien que le PS l’ait proposé. Au contraire, de nombreuses mesures sont prises pour encourager l’allongement de la vie professionnelle. Par exemple, une pension à temps partiel sera introduite bien que la manière dont elle sera mise en pratique ne soit pas encore claire. Elle sera accessible à tous les travailleurs (salariés, indépendants et fonctionnaires) qui rempliront des conditions à définir. Le dispositif ne remplacera pas les mesures déjà existantes comme le crédit-temps de fin de carrière ou la prépension.

Le nouveau gouvernement a aussi l’intention de réintroduire un bonus pension à partir du moment où l’on peut prendre une retraite anticipée. Cette mesure devrait encourager l’allongement du temps de travail. Une telle prime existait déjà dans le cadre du Pacte des générations en 2005, mais elle a été supprimée par le gouvernement Michel.

Pour une occupation à temps plein durant la période de référence, un travailleur recevra un bonus d’environ 2,5 euros brut par jour (indice 147,31 au 01/03/2020), selon le SPF Pension. Le montant sera majoré chaque année en fonction du report de la date de prise de cours de la pension (en mois), détaille L’Echo.

Encourager le deuxième et troisième piliers

Le gouvernement entend encourager les deuxième et troisième piliers (assurance de groupe et épargne-pension) par différents moyens. La généralisation du deuxième pilier sera poursuivie, avec l’harmonisation de la situation des ouvriers et employés. Chaque salarié devra disposer d’une pension complémentaire dont la cotisation représente au moins 3% du salaire brut.

Selon le président du MR, porter la pension à 1.500 euros nets aurait coûté à lui seul 3,6 milliards d’euros en dépenses nouvelles. Or, l’enveloppe prévue pour la Vivaldi pour l’ensemble de ses politiques nouvelles sera de 3,3 milliards d’euros, a-t-il relevé.

Le budget des pensions doit aussi faire face au vieillissement de la population. 8 milliards annuels de dépenses sont prévues pour les pensions dans les années à venir. Selon les projections, la proportion des 67 ans et plus va passer de 17% en 2019 à 24% en 2070.

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