Vente record du Warhol: “L’art est une valeur refuge, mais une telle somme, c’est dingue!”
La Marilyn bleue vendue à 195 millions de dollars à New York est révélatrice d’une réaction à l’inflation. Mais prudence, tempère Jean-François van Houtte, fondateur d’Arthès: ” Moi, je ne donnerais pas ça… “
“Shot Sage Blue Marilyn” d’Andy Warhol a été vendu aux enchères pour 195 millions de dollars chez Christie’s. Selon la presse américaine, l’oeuvre, peinte en 1964, aurait été acquise par le marchand d’art new-yorkais Larry Gagosian. C’est un nouveau record pour le marché de l’art, pour cette image iconique que certains présentent comme la Mona Lisa américaine du XXe siècle.
Jean-François van Houtte, fondateur d’Arthès et consultant réputé dans le marché de l’art, s’étonne de ce montant astronomique, même s’il reconnaît la qualité de l’oeuvre en question. “Andy Warhol avait bien compris ce qu’était le siècle de la consommation, souligne-t-il. Cet artiste incarne, par essence, la force du marketing américaine. Mais un tel montant, c’est dingue! Moi, je ne donnerais pas ça…”
Cet expert à la longue expérience souligne qu’il convient d’être prudent lorsque l’on considère l’art comme une valeur refuge en temps de crise. “En période de grande inflation, le marché de l’art a tendance à très bien fonctionner, reconnaît Jean-François van Houtte. Oui, cela peut être considéré comme une valeur refuge. Ce fut le cas, notamment, au début des années Reagan (vers 1981), quand elle était à 8,5%. Mais attention aux mauvaises surprises. Et je rappelle souvent cette mise en garde : quand mon coiffeur commence à dire qu’il faut acheter de l’art, je me dis qu’il est temps de vendre.”
En d’autres termes, quand la valeur refuge se banalise, autant se dire qu’il est trop tard.
“Veiller… à bien acheter”
Le fondateur d’Arthès, née en 1978 pour transformer les objets d’art en garanties pour ses clients, rappelle qu’en matière d’art, il est important d’avoir une fine analyse de ce que l’on achète. “Tout d’abord, il faut que l’oeuvre soit une création intellectuelle, soutient Jean-François van Houtte. C’est le cas des artistes qui ont initié une école et ouvert une période dans l’histoire de l’art. C’est moins le cas pour ceux qui s’en sont inspiré ou qui se contentent de reproduire.”
“La deuxième condition, prolonge l’expert, c’est que l’artiste et l’oeuvre s’expriment convenablement.” C’est toute la dimension marketing dans laquelle les Américains excellent. Le tableau d’Andy Warhol se trouve précisément à la conjonction des deux critères. Si on ajoute, pour certaines périodes, la rareté de l’artiste, on a le cocktail idéal.
Mais attention aux effets de mode et aux achats compulsifs. Voire aux grands noms dont la seule réputation justifie l’achat. “En 2019, le Louvre d’Abu Dhabi avait acheté un Rembrandt, “Tête de jeune homme, avec les mains jointes: étude de la figure du Christ”. Mais c’était une ruine ! Je n’aurais jamais, là non plus, proposé le montant qui a été payé.”
Notre interlocuteur rappelle encore que l”acquéreur ne doit pas non plus négliger l’ensemble des frais afférents à la détention de tels biens : frais d’achat et de revente, coûts des assurances, de la sécurité ou de la conservation. Dans bien des cas, la valeur de placement est relative.
“En un mot comme en cent, si vous voulez vraiment considérer l’art comme une valeur refuge financière, il faut veiller… à bien acheter.”
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