Union européenne: vous avez dit “stratégique”?

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L’Union va découvrir ce que signifie l’ “autonomie stratégique” et qui en est responsable.

L’entretien avec un fonctionnaire européen peut parfois s’apparenter à un dialogue avec Humpty Dumpty. Dans Alice au pays des merveilles, l’oeuf notoirement connu pour sa maladresse explique la chose suivante: “Quand j’utilise un mot, il signifie seulement ce que je choisis qu’il signifie, ni plus ni moins”. Les eurocrates approuveraient. En essayant de naviguer entre une Amérique peu fiable et une Chine en plein essor, l’UE a trouvé un mantra qui synthétise son nouveau principe directeur: l’autonomie stratégique. Malheureusement, il n’y a aucun consensus sur le sens de cette expression. Une vraie définition devra donc être élaborée en 2022.

Il s’agit en partie d’un effort économique, et dans ce domaine, les gouvernements de l’Union feront preuve d’une relative harmonie. Le renforcement de l’autosuffisance de l’UE pour des produits tels que les micropuces bénéficie du soutien réticent des pays libre-échangistes comme le Danemark et les Pays-Bas. La pandémie a révélé que les chaînes d’approvisionnement pouvaient être fragiles. L’autre aspect de l’autonomie stratégique, la défense et la sécurité, sera plus controversé. En matière de défense, l’Union reste divisée. La puissance militaire est un sujet difficile qui, de ce fait, est généralement ignoré au niveau de l’Union européenne. En 2022, un sommet sur la défense, organisé par la France et sous l’égide de la Commission européenne, mettra le sujet sur la table.

Sujet de discorde

La décision sur la manière de traiter les Etats-Unis sera le principal sujet de discorde. Pour la France, les Etats-Unis sont un partenaire peu fiable qui abandonne ses alliés sans prévenir en Afghanistan et s’empare de contrats de sous-marins. Pour la Pologne et ses amis orientaux, ils représentent le seul rempart tangible contre l’agression russe. Construire une intégration européenne plus poussée en matière de défense, mais d’une manière qui évite de donner aux Américains une excuse pour se retirer, est un compromis possible.

Une option plus probable serait une coalition plus limitée de volontaires, certains pays acceptant de fusionner davantage leurs forces armées, mais sans se diriger vers la formation d’une armée européenne, un projet maintes fois annoncé mais jamais concrétisé.

Présidence française

La France va consolider son rôle de gouvernement le plus influent de l’UE. Le départ d’Angela Merkel laisse un vide au sommet que les Français tenteront volontiers de combler. La France assure la présidence tournante de l’Union pendant les six premiers mois de l’année, ce qui lui permettra de façonner l’agenda législatif de l’Union.

Emmanuel Macron, le plus fervent défenseur de l’autonomie stratégique de l’Europe, a la possibilité d’obtenir un second mandat à la présidence française et de s’imposer comme le leader le plus important du continent. Sous la houlette d’Emmanuel Macron, la France a accru son influence sur la scène européenne, même si l’hégémonie française semble encore loin.

L’influence de la France sera mise à l’épreuve lors des prochaines réformes du pacte de stabilité et de croissance. La redéfinition des règles qui déterminent le montant des dépenses publiques sera la principale bataille fiscale de 2022. La France, l’Italie et l’Espagne appellent depuis longtemps à leur assouplissement. L’Allemagne et les Pays-Bas insistent sur leur bon fonctionnement en l’état actuel.

Le règlement des dépenses sera la décision la plus importante que les dirigeants européens auront à prendre en 2022. Ironie du sort, le pacte n’a apporté ni stabilité ni croissance: au cours de ces 20 dernières années, de grands écarts de taux de croissance sont apparus entre les pays du nord et du sud de l’Europe, accompagnés de réactions politiques virulentes. L’UE tire son pouvoir de son poids économique. Malgré toutes ses tentatives pour renforcer son influence à l’étranger, l’autonomie stratégique dépendra des résultats obtenus au sein de ses frontières.

Duncan Robinson, The Economist

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