Olivier Mouton

Une réforme équilibrée de l’indexation des salaires

Olivier Mouton Chef news

Cela les empêche littéralement de dormir. De nombreux chefs d’entreprise se demandent comment ils tiendront le coup en cette fin 2022 et, surtout, en 2023. L’explosion des coûts de l’énergie reste leur préoccupation majeure mais la spécificité belge que constitue l’indexation automatique des salaires pourrait bien être le coup de grâce. En janvier prochain, une nouvelle hausse de 10% est pratiquement inévitable. “La plupart des entreprises n’arriveront pas à payer cela, nous dit Pierre-Frédéric Nyst, président de l’Union des classes moyennes (UCM). Dans ce cas, elles devront licencier et si elles ne peuvent pas payer les indemnités de licenciement, ce sera la faillite.”

Depuis le début de l’année, l’ensemble des organisations patronales mettent en garde contre ce “mur” à venir. En juin dernier, la Banque nationale soulignait combien l’indexation automatique induira un problème de compétitivité majeur vis-à-vis des pays de référence que sont l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Autant de cris d’alarme lancés en vain. Pour les socialistes, qui tirent les ficelles socio-économiques au sein du gouvernement De Croo avec Pierre-Yves Dermagne (PS) et Frank Vandenbroucke (Vooruit), toucher à ce système représente un tabou absolu. Il est vrai que cette indexation est vertueuse pour préserver le pouvoir d’achat. Pourtant, il serait irresponsable de ne pas agir, tant le risque pour notre économie est important. Alors?

La proposition visant à défiscaliser cette indexation automatique, portée par le MR après avoir été évoquée par des patrons, a le mérite d’apporter une réponse équilibrée à cet écueil annoncé. D’une part, elle permet de ne pas “appauvrir le travailleur”, crainte avancée par le PS, en lui garantissant de toucher l’intégralité de cette indexation. Dans un contexte d’inflation haute, ce maintien du pouvoir d’achat est vital. D’autre part, cette défiscalisation constitue une aide de l’Etat aux entreprises sans renoncer à ces principes sociaux, d’autant plus que… c’est l’Etat lui-même qui profite de la situation. “Les seuls vrais gagnants de l’indexation des salaires, ce sont l’Etat et la sécurité sociale, soulignait cet été François le Hodey, président du groupe de presse IPM, en défendant précisément cette défiscalisation. N’est-ce pas incroyablement inique? Les entreprises devront se restructurer avec des dégâts sur l’emploi alors que l’Etat, lui, touchera les deux tiers de l’indexation sans devoir se restructurer.”

Au-delà de cette mesure ponctuelle, il serait également nécessaire de réformer l’indexation automatique des salaires de façon plus structurelle pour éviter de tels atermoiements lors de chocs à venir, en évitant les sauts d’index. Le sujet est sur la table depuis bien longtemps: la Banque nationale avait rédigé un rapport à ce sujet en 2012. Il était question notamment d’une indexation en centimes et non en pourcentage (piste fortement défendue en Flandre), de la restriction de l’indice des prix en minimisant l’impact de l’énergie, d’une prise en compte de la santé de l’économie ou la mise en place de mécanismes correctifs… “Tentons déjà de traverser cette crise-ci, tempère Pierre-Frédéric Nyst. C’est déjà suffisamment compliqué, tant avec les syndicats qu’au sein de la majorité fédérale.”

Face aux menaces sociales et économiques, préoccupantes tant pour les ménages que l’entreprise, des réponses équilibrées sont nécessaires. Il s’agit, au fond, de bâtir une nouvelle base de consensus entre partis et partenaires sociaux. Avec des réponses concrètes et non des menaces larvées sous forme de grève (la prochaine est annoncée le 9 novembre) ou de délocalisation.

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