Une fois de plus, le Royaume-Uni se révèle être le maillon faible de l’Europe

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La Grande-Bretagne aura du mal à relancer des investissements en berne.

Avec l’arrivée d’un nouveau Premier ministre, la mise en place d’un accord commercial avec l’Union européenne et l’atténuation de l’incertitude liée à la pandémie, 2023 aurait pu être le moment idéal pour régler les problèmes de longue date de la Grande-Bretagne.

Si seulement! Rishi Sunak, le Premier ministre, doit faire face à un contexte macroéconomique difficile, notamment une pénurie d’énergie, des taux d’intérêt en hausse et une croissance en berne. Alors qu’il s’acharne à redresser les finances publiques, il ne pourra consacrer que peu d’énergie à résoudre le problème de productivité qui ronge le pays. Encore une occasion manquée.

Sunak est parfaitement conscient du problème: la productivité de la Grande-Bretagne au cours des années 2010 a été lamentable. Selon l’Office for National Statistics, la croissance de la production horaire du pays a été la deuxième plus rapide parmi les pays du G7 entre 1997 et 2007. Mais entre 2009 et 2019, elle s’est effondrée et elle est devenue la deuxième plus lente. En 2019, les travailleurs britanniques produisaient 18% de moins par heure que les Français. Cela a contribué à une faible croissance des salaires: corrigée de l’inflation, la rémunération (y compris les primes) en 2019 n’a augmenté que de 1% par rapport à 2009.

Manque d’investissements

Pour faire face à cette situation, la priorité immédiate est de redonner un coup de fouet aux performances médiocres des investissements britanniques. Selon les calculs du think tank Resolution Foundation, la différence de PIB par heure travaillée entre les travailleurs britanniques et français s’explique presque exclusivement par des différences de capital. Parmi les membres de l’OCDE, un club majoritairement composé de pays riches, la formation brute de capital fixe représentait, en moyenne, 22% du PIB en 2019. En Grande-Bretagne, il n’était que de 18%.

Il n’y a pas si longtemps, il aurait été raisonnable de s’attendre à des investissements relativement importants de la part des entreprises en Grande-Bretagne en 2023. La Banque d’Angleterre a estimé que le Brexit a fait baisser les investissements de près de 25% au cours des cinq années précédant 2021, principalement en raison de l’incertitude accrue.

Mini-budget

Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement liées à la pandémie ont également fait échouer les projets d’investissement de certaines entreprises. Les deux chocs étant passés, l’idée que les investissements refoulés puissent enfin être libérés semblait plausible.

Hélas, ces espoirs ont été anéantis. Un mini-budget bâclé a diminué l’inclinaison des ministres à utiliser les finances publiques pour absorber les chocs immenses qui frappent l’économie. En septembre 2022, Liz Truss, l’éphémère prédécesseuse de Sunak, a annoncé un plan de six mois pour aider les entreprises à régler leurs factures d’énergie, mais nul ne sait ce qu’il adviendra par la suite. Cette situation se traduit par plus de volatilité et d’incertitude pour les dirigeants d’entreprise.

Une facture annuelle plafonnée à 2.500 livres

En raison de la morosité des ménages, les perspectives de demande sont également incertaines. La Banque d’Angleterre est tellement préoccupée par le risque de voir l’inflation s’installer qu’elle augmente fortement les taux d’intérêt, ce qui a pour effet de refroidir le marché immobilier et d’étouffer la demande.

Le gouvernement a déclaré qu’il fixerait la facture énergétique annuelle moyenne des ménages à 2.500 livres sterling (2.890 euros) jusqu’en avril, mais les préoccupations relatives au coût augurent des interventions moins généreuses après cette date. Avec la double menace de prêts immobiliers plus chers et de factures d’énergie plus élevées, il n’est pas surprenant que la confiance des consommateurs soit en berne.

Avec des prêts immobiliers plus chers et des factures d’énergie plus élevées, il n’est pas surprenant que la confiance des consommateurs soit en berne.

En février 2022, Sunak, alors chancelier de l’Echiquier, avait suggéré qu’une politique fiscale différente pourrait contribuer à stimuler l’investissement. Selon lui, si les réductions du taux d’imposition des sociétés dans les années 2010 ont déçu, le traitement fiscal des investissements en capital en Grande-Bretagne est “beaucoup moins généreux que la moyenne de l’OCDE”.

Ses projets de réformes correspondantes prévoyaient un taux d’imposition des sociétés plus élevé, ainsi que des incitations plus généreuses à l’investissement. Mais l’annonce par le gouvernement d’une batterie de mesures comprenant hausses d’impôts et réductions des dépenses le 17 novembre a laissé peu de place pour les cadeaux.

Le risque sera de laisser les entreprises britanniques dans le marasme. Le défi de la relance des investissements met en évidence une circularité relevée par Giles Wilkes de l’Institute for Government, un autre think tank: l’investissement est à la fois une cause et une conséquence d’une économie saine. Il est à la fois le produit d’une demande robuste et le moteur d’une offre plus forte. Cela signifie que même les politiques les mieux intentionnées peuvent être déréglées par des chocs externes. Une autre vérité qui dérange est qu’investir davantage pour demain signifie consommer moins aujourd’hui: un compromis particulièrement difficile à trouver dans un contexte où les autres coûts restent très élevés.

Sunak reconnaît volontiers qu’un renforcement des investissements stimulerait la croissance et contribuerait également assainir les finances publiques. Mais l’incertitude persistante, la faible demande du reste du monde et les taux d’intérêt qui évoluent dans la mauvaise direction rendront ces objectifs difficiles à atteindre et décevront une population qui aurait tant besoin d’une revalorisation des salaires.

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