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Une exception fiscale pour l’économie collaborative ? Inutile et discriminatoire

Le ministre De Croo veut taxer plus souplement les prestataires de l’économie collaborative. Les indépendants “classiques” seront de facto lésés.

Alexander De Croo (Open VLD), ministre fédéral chargé de l’agenda numérique, veut créer un nouveau cadre fiscal, adapté à l’économie collaborative. L’idée est de taxer de manière préférentielle (autour de 10 à 15 % des revenus) les prestataires de services qui font appel de manière occasionnelle à l’économie collaborative.

La réflexion du ministre part du constat que de nouvelles catégories de travailleurs freelances se sont créées dans la foulée de l’apparition de plateformes numériques comme Airbnb, Uber, Take Eat Easy, Menu Next Door… Ces nouveaux boulots, payés à la prestation, mériteraient donc une nouvelle réglementation, adaptée à la souplesse de l’économie collaborative.

L’intention du ministre est louable, d’autant qu’un certain flou règne autour de ces prestations, qui ne sont pas toujours déclarées au fisc. Le problème, c’est qu’en créant une nouvelle catégorie de travailleurs indépendants, le gouvernement fédéral risque d’institutionnaliser une certaine forme de concurrence déloyale.

S’ils bénéficient d’un régime fiscal d’exception, les prestataires de l’économie collaborative risquent de faire grincer bien des dents du côté des indépendants actifs dans d’autres secteurs. La question est simple : pourquoi un restaurateur, un boulanger, un graphiste indépendant ou le patron d’une chambre d’hôtes devraient-ils payer plus d’impôts qu’un livreur Take Eat Easy, un chauffeur Uber ou un propriétaire louant son bien sur Airbnb ?

SNI et UCM sont contre

Le Syndicat Neutre pour les Indépendants (SNI) et l’Union des classes moyennes (UCM) ne comprennent pas cette distinction : les deux organismes viennent coup sur coup de critiquer vivement ce régime d’exception, qui selon eux n’a pas de raison d’être. “Les ministres De Croo et Van Overtveldt créent ainsi un nouveau statut qui entraine de la concurrence déloyale face aux indépendants à titre complémentaires et à temps plein. Nous exigeons un jeu égal pour tout le monde”, plaide le SNI. “Des acteurs économiques concurrents doivent participer équitablement au financement de l’État et de la Sécurité sociale”, complète l’UCM.

Interrogé dans Trends-Tendances cette semaine, Alexander De Croo précise que son projet vise les revenus en-dessous d’un seuil situé entre 4.000 et 6.000 euros bruts par an. “Sous ce seuil, on ne demande pas de s’inscrire comme indépendant complémentaire, on ne demande pas de numéro d’entreprise ou de s’inscrire à une caisse sociale”, explique-t-il. Non contents d’être faiblement taxés, les nouveaux héros de l’économie collaborative seront donc également exemptés de cotisations sociales (alors que les indépendants complémentaires “classiques” ne sont exonérés qu’en-dessous de revenus équivalents à 1.439 euros par an) et de toute démarche auprès de la Banque-Carrefour des entreprises.

Une nouvelle catégorie inutile

Tel qu’il est décrit, le projet va donc créer une nouvelle catégorie de freelances. Outre le fait que ses contours seront bien flous (qui peut aujourd’hui définir clairement le champ de l’économie collaborative ?), cette nouvelle catégorie n’a pas de réelle utilité. Ces freelances 3.0 ne sont rien d’autre que des indépendants à titre complémentaire ou à titre principal. Le secteur dans lequel ils sont actifs importe peu.

Par contre, il serait peut-être plus utile de songer à améliorer le cadre fiscal/social existant pour TOUS les indépendants à titre complémentaire. Si l’idée du ministre est de favoriser la création de nouvelles activités et de nouvelles entreprises, rien n’empêche de diminuer les prélèvements pour les prestataires occasionnels, qu’ils soient “collaboratifs” ou non.

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