Une carotte fiscale pour le bon d’Etat

© Isopix

Le ministre des Finances propose d’exonérer le “papier” public de précompte mobilier. Bonne ou mauvaise idée ?

Donner un petit coup de pouce fiscal aux bons d’Etat : c’est la dernière idée de Didier Reynders, ministre des Finances. Il se dit favorable à l’extension aux obligations publiques de l’exonération de précompte mobilier actuellement accordée aux comptes d’épargne. Objectif : rendre le bon d’Etat plus attrayant en lui offrant le même avantage fiscal qu’au livret (exonération de précompte mobilier jusqu’à 1.770 euros d’intérêts).

Pour Eric De Keuleneer, professeur de finance à Solvay, la suggestion de notre grand argentier est cohérente : “C’est une très bonne approche. Cela supprimerait le handicap que subissent les bons d’Etat par rapport à d’autres formes de placement. C’est un handicap psychologique parfois, mais que de nombreuses banques utilisent pour diriger l’épargnant vers des produits qui ne vont pas nécessairement dans son intérêt.” Et d’ajouter sur ce thème de la carotte fiscale qui biaise souvent le choix des épargnants : “Ils ont l’impression de faire une bonne affaire en échappant à une taxation. Or, cette exonération de précompte mobilier bénéficie plutôt en pratique aux banques, qui rémunèrent les dépôts d’épargne de base à des taux d’intérêt de misère.”

Pas étonnant dès lors que, du côté de Febelfin, où l’on se dit néanmoins prêt à discuter de l’idée, on formule trois remarques : quel sera le réel appétit de l’épargnant pour ce genre de produits financiers ? Quid de la cohérence avec la réglementation juridique et fiscale à l’échelle européenne ? Et quelle place ce nouveau produit occupera-t-il dans le cadre de la directive MiFID ?

Au-delà, accorder un incitant fiscal au bon d’Etat devrait aussi permettre, selon Eric De Keuleneer, de rediriger une partie de l’abondante épargne des Belges – quelque 200 milliards d’euros dorment actuellement sur les comptes d’épargne – vers le financement, à de meilleures conditions, de la dette publique (350 milliards d’euros). “A l’heure où notre pays emprunte de l’argent à l’étranger à des taux repartis à la hausse, relocaliser une partie de la dette devrait permettre d’éviter un dérapage de son coût que, finalement, les contribuables supporteront lourdement.”

Plus globalement, c’est une réforme plus fondamentale de la fiscalité de l’épargne qui, selon le professeur de finance, doit être envisagée à plus long terme : “Il me semble important de trouver un moyen de redynamiser le marché des capitaux en obligations et en actions. Les formes d’épargne subventionnées fiscalement, comme l’assurance vie et le livret d’épargne, devraient être mieux orientées au service de l’économie belge, sinon ces subsides n’ont pas de raison d’être. Cette masse d’argent est souvent exportée et placée en obligations en tous genres, y compris des CDO et autres obligations risquées. Voire redéposée par ces mêmes institutions financières auprès de maisons mères en France, aux Pays-Bas ou en Allemagne.”

Sébastien Buron

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content