Une activité complémentaire après la pension pour pouvoir payer son loyer: “le marché privé est catastrophique”
Les personnes vivant avec une petite pension ont souvent de grandes difficultés à payer leur loyer. ” Sans allocation de la part des autorités, c’est tout simplement impossible. “
La personne derrière cette annonce, postée il y a quelque temps dans Het Belang van Limburg, n’est pas la seule dans cette situation. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude menée par Pascal De Decker en Emma Volckaert, du groupe de recherche Planning for People, Urbanity & Landscape (P.PUL) de la KU Leuven. Dans leur livre Oud, arm en huurder, ils relatent les conditions de vie désastreuses des locataires privés et sociaux de Gand. “Pour les personnes âgées, le marché immobilier privé est catastrophique”, explique le sociologue Pascal De Decker.
Dans sa politique de logement, le gouvernement n’a absolument pas anticipé le vieillissement de la population.
Ce phénomène est d’abord dû aux loyers élevés, qui ne cessent d’augmenter. Beaucoup de locataires âgés n’ont pas assez de leur pension pour payer leur loyer, ils doivent alors chercher d’autres revenus. “Les gens puisent d’abord dans leurs économies”, explique la chercheuse Emma Volckaert. “Mais beaucoup des personnes interrogées n’ont pas de réserve sur laquelle s’appuyer, et doivent alors trouver l’argent ailleurs. Parfois, un membre de leur famille les aide, mais c’est assez rare” De nombreux pensionnés se retrouvent donc forcés de trouver une activité complémentaire. Il s’agit souvent de bénévolat à première vue, comme s’occuper d’autres personnes âgées ou garder des enfants après l’école, mais l’allocation qu’ils reçoivent s’avère souvent essentielle. “Ce travail ne rapporte pas plus qu’un ou deux euros de l’heure, mais sur un mois, il permet d’avoir environ 80 à 150 euros supplémentaires. Pour les personnes qui ont du mal à boucler les fins de mois, un tel montant peut faire la différence”, précise Emma Volckaert.
Les locataires âgés sont également parfois à la recherche de manières de faire baisser leur loyer. “Pour arriver à leurs fins, ils n’emploient pas toujours des méthodes légales, mais dans certains cas, il s’agit clairement d’une stratégie de survie”, annonce le sociologue. Les chercheurs ont par exemple échangé avec une dame de 67 ans qui reçoit 200 euros par mois de son fils. En échange, celui-ci peut être enregistré à son adresse afin que sa petite amie, avec laquelle il vit, ne perde pas ses avantages financiers en tant que veuve. “Sans la contribution de son fils, cette femme aurait de sérieux problèmes”, explique la E. Volckaert. “Non seulement parce qu’elle ne peut pas payer le loyer toute seule, mais aussi parce que les propriétaires la mettraient à la porte en raison de ses faibles revenus.”
La facture d’énergie est également un casse-tête pour de nombreuses personnes âgées. Il est d’ailleurs surprenant de constater que, par souci de sécurité, certaines personnes versent chaque mois un montant trop élevé à leur fournisseur d’énergie. “Elles considèrent cela comme une sorte de système d’épargne” explique Emma Volckaert. “Beaucoup d’entre elles ont peur de recevoir une facture qu’elles n’ont pas les moyens de payer. Elles préfèrent payer trop cher pour pouvoir récupérer l’argent par après. Cela ressemble presque à un cadeau. Ce qui n’est pas le cas, évidemment.”
Occasion manquée
En vieillissant et en devenant moins mobiles, ces personnes ne peuvent plus non plus habiter n’importe où. Elles ont souvent besoin d’une maison ou d’un appartement adapté, sans escalier, avec une salle de bain spécifique et des portes suffisamment larges pour permettre le passage d’un déambulateur ou d’un fauteuil roulant. Toutefois, des études antérieures ont montré que jusqu’à 86 % des logements flamands ne sont pas adaptés et, en tant que locataire, vous n’avez pas la possibilité de rénover votre maison ou votre appartement. “La grande majorité des personnes interrogées vivent dans un immeuble avec ascenseur, mais cela ne signifie pas qu’elles ne doivent pas emprunter les escaliers”, ajoute la chercheuse. “Il y a souvent des escaliers avant d’atteindre la porte d’entrée ou l’ascenseur, par exemple. Et si l’ascenseur est facilement accessible, il ne fonctionne pas toujours correctement ou est trop étroit pour un déambulateur ou un fauteuil roulant.”
Pascal De Decker plaide déjà depuis un certain temps pour que des normes de construction soient imposées aux nouvelles habitations, afin qu’elles répondent systématiquement aux besoins des personnes moins mobiles. “Cela concerne la largeur des portes, par exemple, ou la hauteur des prises et l’espace dans les toilettes et dans la salle de bain”, précise-t-il. “Ces quinze dernières années, plus de 200 000 appartements ont été construits en Flandre. Si des normes aussi élémentaires avaient été imposées aux entrepreneurs, nous disposerions aujourd’hui de 200 000 logements adaptés, et des milliers de personnes auraient pu vivre de façon autonome beaucoup plus longtemps. Mais le gouvernement a laissé passer cette opportunité en n’anticipant pas le vieillissement de la population dans sa politique de logement, et rien ne laisse penser que la situation évoluera dans un futur proche.”
L’emplacement d’un logement en location est également crucial lorsque vous vieillissez. Selon les chercheurs, seulement un locataire âgé sur cinq dispose d’assez d’infrastructures dans son quartier, comme une épicerie, un bureau de poste, une banque, une boucherie et une boulangerie. “Il est marquant de constater qu’habiter en ville ne change rien”, ajoute Emma Volckaert. “J’ai parlé à des personnes qui venaient d’emménager au centre de Gand, mais qui ont vite remarqué que les conditions y étaient encore plus mauvaises : les boulangeries et boucheries de luxe sont trop chères pour elles et il en va de même pour les supermarchés accessibles à proximité.”
Toute personne qui loue un logement inadapté et mal situé sur le marché privé a donc tout intérêt à déménager à temps. Cependant, la recherche d’un nouveau logement à louer est tout sauf facile pour les locataires pensionnés. Différentes études montrent que les propriétaires choisissent souvent des familles et des individus plus jeunes, avec un revenu plus élevé. Les locataires eux-mêmes ont souvent l’impression que les propriétaires préfèrent les voir partir dès qu’ils sont à la retraite. “C’est pourquoi nous plaidons pour que tous les contrats de location soient automatiquement prolongés indéfiniment dès que les locataires prennent leur pension”, explique le sociologue. “Cela n’est évidemment pas une solution miracle, en effet, car, en fait, il est juste impossible de louer sur le marché privé si vous vivez avec une petite pension. Dans ce cas, seule une allocation de l’état permet de sauver les meubles. Le système d’aide au loyer pour les plus vulnérables devrait être considérablement élargi. En outre, ces allocations devraient être versées automatiquement, car de nombreuses personnes ne savent même pas qu’elles existent ou n’ont pas les compétences nécessaires pour les réclamer.”
Préjugés
Ces personnes ne devraient-elles pas faire une demande pour un logement social ? Cette option n’est pas toujours disponible. Il y a souvent une liste d’attente interminable, et de nombreux locataires âgés refusent souvent cette possibilité à cause des préjugés associés aux logements sociaux. “C’est d’ailleurs pour cela que c’est une très mauvaise idée d’accrocher un panneau sur un immeuble pour que tout le monde puisse voir qu’il abrite des logements sociaux”, explique Pascal De Decker. “Les sociétés de logements sociaux feraient bien mieux de louer ou d’acheter un certain nombre d’appartements dans des immeubles ordinaires. Elles devraient également arrêter de faire construire ces quartiers si reconnaissables remplis de maisons identiques, car beaucoup de gens ne veulent pas y vivre non plus. Toutefois, les locataires vulnérables et âgés sont bien mieux lotis dans des logements sociaux que sur le marché privé.”
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