Un troisième mandat pour Xi Jinping signe-t-il le déclin de la deuxième économie mondiale ?

Xi Jinping
Xi Jinping © Belga

Xi Jinping s’est assuré dimanche un troisième mandat à la tête de la Chine mais celui-ci s’annonce périlleux, avertissent des experts, sur fond de ralentissement économique sans précédent du géant asiatique.

L’homme fort de Pékin a promis de “travailler dur dans l’accomplissement” de ses “tâches”, immédiatement après avoir obtenu un troisième mandat de cinq ans, par un Comité central largement remanié du Parti communiste chinois (PCC). Au Grand palais du peuple à Pékin, Xi Jinping, qui préside la Chine depuis dix ans, est arrivé dimanche à la tribune surmontée de la faucille et du marteau. Il était suivi des six autres hommes nommés au sommet du pouvoir chinois, tous des proches et alliés.

La Chine ne peut pas se développer sans le monde et le monde a aussi besoin de la Chine

Xi a “remercié sincèrement l’ensemble du Parti pour la confiance placée en nous”, la nouvelle équipe dirigeante. “La Chine ne peut pas se développer sans le monde et le monde a aussi besoin de la Chine”, a ensuite affirmé devant la presse le dirigeant, également reconduit aux commandes de l’armée chinoise. En une décennie à la tête du pays, Xi Jinping a réussi le pari de faire de la Chine la deuxième économie mondiale, dotée d’une des armées les plus puissantes au monde.

Le 20e congrès du PCC s’est refermé samedi après une semaine de délibérations à huis clos, avec le renouvellement de 65% des membres du Comité central, sorte de parlement interne au parti, selon des calculs de l’AFP.

Désormais tenu par les plus proches alliés de Xi, le nouveau Comité permanent confirme la mainmise de Xi Jinping sur la formation politique, selon des analystes. “Ce sont tous des hommes de Xi, cela montre qu’il veut gouverner au-delà d’un troisième mandat”, donc après 2027, souligne Alfred Wu Muluan, expert en politique chinoise à l’Université nationale de Singapour. Willy Lam, spécialiste du PCC à l’Université chinoise de Hong Kong, pronostiquait “une domination anormalement asymétrique d’une seule faction: celle de Xi Jinping“.

Xi et le Comité
Xi et le Comité © Belga

Loin de son apparence homogène, le PCC est divisé en interne et plusieurs courants rivaux cohabitent, estiment des sinologues. Jusqu’à présent, des compromis existaient pour la répartition des postes dont Xi Jinping est un illustre exemple. A défaut de s’entendre sur leur candidat respectif, les différentes factions du PCC avaient finalement placé au pouvoir un candidat de consensus en 2012. Mais Xi Jinping avait ensuite surpris tout le monde en éliminant ses rivaux pour concentrer peu à peu tous les pouvoirs à la tête du parti et de la Chine, tout en menant une répression sévère contre toute dissidence.

Xi plonge la Chine et le monde dans l’inconnu

Ce troisième mandat marque aussi une rupture, car depuis la mort du fondateur du régime Mao Tsé-toung (1949-1976), la transition du pouvoir en Chine était institutionnalisée: le président ne pouvait rester au pouvoir que pour deux mandats et pour une durée maximale de dix ans. En 2018, Xi Jinping a obtenu une modification de la Constitution et fait supprimer ces restrictions. Agé de 69 ans, il peut donc en théorie présider à vie la République populaire. “La reconduction de Xi Jinping est le fruit d’une extrême concentration de son pouvoir personnel”, souligne à l’AFP un politologue chinois, sous couvert d’anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet. Et il ne fait “aucun doute” que M. Xi cherche désormais à se maintenir au pouvoir à vie. Cette décision est “catastrophique pour la Chine” et nuit au Parti communiste, estime cet intellectuel, car elle annonce selon lui “le déclin et la stagnation” de la deuxième économie mondiale.

Ralentissement économique

A l’aube d’un troisième mandat de l’homme fort de Pékin, tous les regards se portent sur l’économie du géant asiatique. Après des décennies de croissance effrénée, le pays fait désormais face à un net ralentissement, accentué par une politique “zéro Covid” inflexible qui entraîne des confinements à répétition. Cette semaine, à la surprise générale, la Chine a d’ailleurs reporté sans explication la publication des chiffres trimestriels de la croissance. Si Xi Jinping a, ces dernières années, mis l’accent sur la consommation et la demande intérieure pour développer l’économie, le maintien des restrictions sanitaires en Chine met à mal cette stratégie. “Compte tenu de l’ampleur des restrictions, il est peu probable que la consommation retrouve son niveau pré-Covid”, estime l’économiste Dan Wang, de la banque chinoise Hang Seng. Les secteurs du tourisme, des transports et de la restauration sont ainsi particulièrement pénalisés. La conjoncture a également plombé le jadis lucratif secteur immobilier, où nombre de promoteurs se battent pour leur survie. Ce secteur représente avec celui de la construction le quart du produit intérieur brut de la Chine. Et il constitue une importante source de revenus pour les gouvernements locaux. L’immobilier était déjà pénalisé par une réglementation qui durcit depuis 2020 l’accès au crédit pour les promoteurs, afin de lutter contre l’endettement.

“Erreur de calcul”

Ces difficultés surviennent au moment où les relations entre la Chine et les puissances occidentales se tendent. Reprise en main à Hong Kong, sort de la minorité ouïghoure au Xinjiang (nord-ouest), rivalité technologique avec les Etats-Unis, guerre en Ukraine… les différends ne manquent pas. Le monde “subit des changements inédits depuis un siècle”, a martelé Xi Jinping à l’ouverture du congrès du PCC. Le thème de la “sécurité nationale” y a largement surpassé tous les autres, ont relevé des sinologues. Le Parti communiste a par ailleurs inscrit pour la première fois dans sa charte une mention sur sa “ferme opposition” à l’indépendance de Taïwan. Pékin considère l’île de 23 millions d’habitants comme partie intégrante de son territoire, bien que Taïwan dispose depuis plus de 70 ans d’un gouvernement propre. Les tensions autour de l’île se sont nettement accentuées avec les Etats-Unis depuis la visite en août de la numéro trois américaine, Nancy Pelosi. Y voyant une atteinte à sa souveraineté, Pékin avait alors organisé dans la foulée ses plus larges exercices militaires. La reconduction de Xi Jinping “peut être un élément (…) qui augmente le risque de conflit armé”, estime Dan Macklin, analyste établi à Shanghai. En cas de ralentissement économique prolongé, le Parti communiste pourrait intensifier sa pression sur Taïwan pour renforcer sa légitimité, explique-t-il à l’AFP. Car le PCC tire actuellement sa principale légitimité de l’augmentation du pouvoir d’achat de la population, qui risque d’être mise à mal. Un Xi Jinping vieillissant, entouré d’une équipe à sa solde, augmente par ailleurs “le risque d’erreur de calcul” dans les décisions, prévient l’analyste.

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