Un prêt belgo-belge pour la Wallonie inondée

Modifier la loi spéciale de financement pour renforcer la solidarité nationale en cas de calamités exceptionnelles? © Belgaimage
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Le Fonds des calamités a été régionalisé. Mais l’ampleur des dégâts causés par les inondations ne peut être assumée par la Wallonie seule. Le Premier ministre invite à élaborer un mécanisme permanent de solidarité entre les entités face aux catastrophes.

Pour une première, c’est une sacrée première: l’Etat fédéral accorde un prêt de 1,2 milliard d’euros à la Wallonie afin de couvrir une partie des dépenses liées aux inondations de l’été dernier. Celles-ci sont estimées à plus de 3 milliards d’euros, en additionnant la couverture intégrale des personnes assurées (les indemnisations par les compagnies d’assurance sont plafonnées par la loi), l’indemnisation partielle des non-assurés et la reconstruction des routes et bâtiments publics démolis. C’est clairement trop pour une entité dont le total des dépenses est d’ordinaire d’une quinzaine de milliards et qui a déjà dû puiser dans ses réserves pour financer les aides Covid.

Le gouvernement wallon avait espéré une aide directe de l’Etat. Mais selon le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), la loi spéciale de financement ne permet pas à l’Etat d’octroyer “un don par rapport à des compétences non fédérales”. Le fonds des calamités ne ressort en effet plus des compétences fédérales depuis sa régionalisation en 2014 dans le cadre de la sixième réforme de l’Etat. Il fallait donc trouver une autre solution et c’est comme cela que la piste d’un prêt fédéral, au taux du marché, est arrivée. Ce prêt s’élèvera à 1,2 milliard (soit le double du “don” initialement demandé) et sera complété par une TVA à taux réduit (6%) pour les opérations de démolition/reconstruction dans les zones sinistrées ainsi que par une exonération partielle du précompte professionnel pour les embauches, sur le principe des “zones franches”.

La Wallonie aurait certes pu emprunter elle-même ce montant, le cas échéant en faisant appel à l’épargne citoyenne, comme l’avait suggéré le directeur général de l’Institut Jules Destrée, Philippe Destatte. Le gouvernement n’a pas embrayé car d’une part, il a déjà emprunté 9 milliards sur les deux derniers exercices et que sa dette dépasse désormais les 30 milliards d’euros ; et d’autre part, la Wallonie bénéficiera ici du taux plus favorable des emprunts d’Etat, ce qui lui fera économiser plusieurs dizaines de millions d’euros de charge d’intérêt. “Nous ne commencerons à rembourser que dans cinq ans, a précisé le ministre wallon des Finances Jean-Luc Crucke (MR). Ce délai doit nous permettre de créer de la croissance pour assumer le remboursement.”

Une autre solution eût été de modifier la loi spéciale de financement pour autoriser ce don, plus conforme qu’un prêt à cette idée de solidarité face à une situation exceptionnelle. “Modifier une loi spéciale, cela n’a rien d’impensable, analyse Philippe Destatte. Cela aurait placé la N-VA ( la Vivaldi aurait besoin de l’apport soit des nationalistes, soit du PTB pour faire voter une loi spéciale, Ndlr) face à ses responsabilités.” Le Premier ministre a promis de mettre la recherche d’un “mécanisme de solidarité interfédérale en cas de calamités exceptionnelles” à l’agenda d’un futur comité de concertation. De tels mécanismes existent dans la plupart des Etats fédéraux. Le tout, alors, est de parvenir à s’entendre sur le caractère exceptionnel ou non d’événements futurs dont l’ampleur – chacun l’espère – sera rarement comparable aux inondations de cet été.

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