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“Un nouvel instrument de la surveillance de masse bientôt en vigueur”

Le projet de loi créant un registre national des passagers a été approuvé en Commission de la Chambre et devrait l’être prochainement en séance plénière. Il s’agit certes de la transposition d’une directive européenne en droit belge, mais le gouvernement belge n’a rien fait pour s’opposer à celle-ci, et il utilise les prérogatives que lui octroie la directive pour lui donner la portée la plus étendue possible.

Concrètement, dès l’entrée en vigueur de la loi, tous les transporteurs de passagers internationaux, depuis la Belgique et vers elle, au niveau européen et au-delà, devront communiquer automatiquement à l’autorité policière 19 données concernant tous leurs passagers, dont l’identité, le poids des bagages, le mode de réservation, la carte de crédit utilisée, les personnes accompagnant le voyageur, notamment. Cela concernera non seulement les transports aériens, mais aussi les transports par voie maritime, ferroviaire ou par autocar.

Cela signifie donc qu’un gros big brother va rassembler toutes les données concernant tous les transports internationaux réalisés depuis la Belgique ou vers elle. N’y échapperont que les transports par voiture privée mais, là encore, un autre dispositif est prévu : la collecte automatisée de tous les numéros d’immatriculation de tous les véhicules passant par les principaux postes frontières et, bientôt, par d’autres endroits, qui se multiplieront au fil des années.

En somme, les autorités policières pourront connaître tous les déplacements internationaux de et vers la Belgique et ceux-ci seront conservés pendant une période de cinq ans.

Une fois de plus, les entreprises sont utilisées comme des instruments obligés de la politique gouvernementale.

Tout a été fait pour que l’on croit que ces données ne seront accessibles qu’en cas de terrorisme ou d’enquête concernant des actes de ce type. En réalité, la loi permet l’utilisation de ces données, non seulement dans les enquêtes pour terrorisme, mais aussi pour toutes celles où des écoutes téléphoniques sont permises. Sachant que celles-ci sont de plus en plus fréquentes et concernent plusieurs dizaines d’articles du Code pénal, y compris les infractions dont la gravité n’a rien de comparable avec le terrorisme, et que cette possibilité d’écoute ne cesse d’être accrue par de nouvelles législations, il faut en conclure que le but essentiel est de renforcer les pouvoirs policiers à l’égard des citoyens, et que le terrorisme sert essentiellement de prétexte. Il suffit en outre qu’une enquête soit ouverte du chef d’une des multiples infractions déjà concernées, même si c’est de manière injustifiée, pour qu’ensuite les informations puissent être utilisées à d’autres fins judiciaires. Le procédé consistant à ouvrir une enquête pour des faits que l’on sait inexacts, mais qui permettent une qualification entrant dans la liste où désormais le recours au registre national des passagers est permis, alors que l’on vise d’autres faits, est certes déloyal, mais est loin d’être inexistant dans la pratique.

La réalité est que les déplacements de tous les Belges et toutes les personnes qui se rendent en Belgique seront désormais fichés. Les citoyens européens ont déjà du mal à percevoir les avantages de l’intégration européenne qui se limitait, jusqu’ici, pour la plupart, à la libre circulation des personnes. Celle-ci est sérieusement compromise à présent, puisque tout déplacement hors des frontières, et même à l’intérieur de l’Europe, pourra être pisté par les autorités de 28 pays, sans parler de la communication à des Etats tiers.

Enfin, une fois de plus, les entreprises de transport – comme celles d’autres domaines : les banques, les compagnies d’assurances ou les compagnies téléphoniques – sont utilisées comme des instruments obligés de la politique gouvernementale. On ne leur demande pas seulement de respecter les actes des autorités mais d’exercer sur leurs clients, de manière contrainte, une surveillance au profit de l’Etat. En l’occurrence, les transporteurs de passagers deviennent des indicateurs forcés des autorités policières. La méthode est bien connue et permet aux Etats d’accroître leur pouvoir de surveillance de masse, sans en assumer le coût, et en transférant celui-ci sur des opérateurs privés qui de plus sont souvent beaucoup plus efficaces.

Il va de soi que, comme tous les transporteurs seront soumis aux mêmes règles, les coûts qu’ils devront supporter seront entièrement répercutés sur leurs clients, les passagers. Ceux-ci devront donc payer pour être pistés et fichés. Comme l’immense majorité d’entre eux n’ont rien à se reprocher, ils financeront une surveillance de masse dont ils seront les premières victimes.

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