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Un budget pour rire … et pour pleurer

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Au total, sur l’ensemble de leur carrière, les footballeurs paient plus d’impôts qu’une personne ayant des revenus comparables.

Après bien des difficultés, le gouvernement De Croo a fini par se mettre d’accord sur un projet de budget. Sans doute l’accord est-il essentiellement dû au fait que tout le monde sait que ce budget ne pourra pas être respecté. On y trouve les habituels “expédients fiscaux”, dont le plus courant est l’augmentation, sensible, des accises et de la TVA sur le tabac. Belle intention très démagogique, fondée sur une prétendue envie de protéger la santé. En général, on y ajoute une mesure du même genre contre un autre ennemi public: l’alcool. Sans doute le gouvernement s’est-il souvenu de la cruelle déconvenue subie par son prédécesseur lorsqu’il a augmenté les mêmes taxes sur les boissons alcoolisées: les contribuables, dans un pays où 40% de la population vit près d’une frontière, se sont tellement précipités pour acheter à l’étranger que les recettes fiscales belges ont… diminué malgré l’augmentation des taux annoncée. Sans doute l’actuel gouvernement s’est-il dit que le risque était moindre pour le tabac. Les pompistes et autres kiosques de Martelange s’en frottent déjà les mains…

Au total, sur l’ensemble de leur carrière, les footballeurs paient plus d’impôts qu’une personne ayant des revenus comparables.

Il y a aussi cette fameuse taxe sur les billets d’avion pour les trajets de moins de 500 kilomètres, dont le rendement annoncé (30 millions) est impossible si l’on part du tarif annoncé (6 euros, soit un montant très peu dissuasif).

Et encore cette annonce que ce budget contribuera à aider la classe moyenne. La seule mesure qui s’inscrirait dans ce chapitre est la “suppression” de la cotisation spéciale de sécurité sociale, créée initialement en 1994 à titre très temporaire par le gouvernement Dehaene! Cette suppression ne semble toutefois devoir s’opérer que sur plusieurs années. Le gouvernement a prétendu y voir un superbe cadeau de 50 euros pour les célibataires et de 150 euros pour les couples travaillant tous deux. Beaucoup ont sans doute cru qu’il s’agissait de montants mensuels, vu l’intensité de la propagande… Il faut bien chercher pour voir que ce somptueux cadeau est un montant annuel et qu’un célibataire y gagnera un peu moins de 4,20 euros par mois… avant taxation, bien sûr.

Parmi les annonces démagogiques figure aussi celle de l’adaptation des quelques “avantages” dont bénéficient les footballeurs professionnels. Ceux-ci sont volontiers présentés comme des “riches”, au point qu’un économiste s’indignait qu’ils payaient moins d’impôts, à revenu égal, que les médecins. Il est vrai qu’ils bénéficient jusqu’à présent d’une réduction d’impôt, seulement sur la première tranche, d’environ 25.000 euros par an, et d’une réduction de cotisations de sécurité sociale. Personne ne s’est avisé de se demander si ces cadeaux fiscaux n’avaient pas une raison d’être. L’explication est pourtant simple: les sportifs de haut niveau ont en général une carrière brève, qui prend fin le plus souvent vers 35 ans pour les footballeurs. Pendant toute leur carrière professionnelle, ils se retrouvent au taux marginal le plus élevé de l’impôt des personnes physiques tandis qu’après leur retraite prématurée, la plupart voient leurs revenus diminuer de manière drastique. Au total, sur l’ensemble de leur carrière, ils paient ainsi plus d’impôts qu’une personne ayant des revenus comparables, et c’est ce que le système actuel tente de corriger très partiellement. Ce n’est évidemment pas en le supprimant que l’on donnera envie à Lukaku, Debruyne et consorts de revenir en Belgique.

Mais ce serait vraiment bien de donner aussi des avantages fiscaux aux médecins. Si l’on veut que chaque année, ils ne paient pas plus que les footballeurs, on pourrait peut-être envisager de leur accorder une réduction d’impôts. Après avoir, en période de covid, empêché nombre d’entre eux de travailler sous prétexte que leurs patients étaient peut-être malades, ce serait vraiment justice…

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