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Un accord techno-optimiste

Une opinion de Philippe Ledent, Economiste chez ING et chargé de cours invité à l’UCLouvain

Il y a plusieurs manière de lire la note d’un accord gouvernemental. La plus directe, c’est d’y chercher des réponses à des questions particulières, comme le montant de la pension minimum (le texte de l’accord parle bien de 1.500 euros nets pour une carrière complète, page 15). On peut également avoir une analyse de la sémantique utilisée. Si par exemple, en page 10, un paragraphe évoque la lutte contre la surconsommation de soins, pour optimiser et responsabiliser les soins de santé, le même paragraphe se doit de terminer par “la sous-consommation de soins doit aussi être une priorité”. Je laisserai les linguistes décortiquer tout cela, mais on voit bien que l’art de trouver l’équilibre atteint parfois des sommets.

Le nouveau gouvernement semble s’engager clairement dans la voie d’un développement durable compatible avec la croissance économique par l’intermédiaire de l’innovation.

On peut aussi avoir une lecture des choix économiques posés explicitement ou implicitement dans une telle note, au-delà des mesures prises. Je retiendrai ici le choix d’une trajectoire de croissance économique supportée par l’innovation. En page 3 , on peut lire que “non seulement les changements climatiques nous poussent à faire ce choix ( celui de réduire les émissions de 55% en 2030 et la neutralité carbone en 2050, Ndlr) mais le passage à une économie durable implique davantage d’emplois et de nouvelles possibilités de croissance”. Et, un peu plus loin : “Outre les changements de comportement, nous misons sur l’innovation et la technologie pour sauver la planète”.

Ces quelques phrases ne sont pas anodines car le débat sur la manière d’aboutir à un développement durable fait rage. Une vision de frugalité et de décroissance s’oppose à celle d’une “autre” croissance supportée par l’innovation. Jusqu’à présent, il ne me semble pas que ce débat ait été tranché en Belgique. Le nouveau gouvernement semble l’avoir fait et s’engager clairement dans la voie d’un développement durable compatible avec la croissance économique par l’intermédiaire de l’innovation. Ce choix est réitéré dans l’adhésion formelle du nouveau gouvernement aux objectifs de développement durable des Nations unies, dont le huitième consacre la promotion “d’une croissance économique soutenue, inclusive et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous”. Il faut saluer la clarté de ce choix, qui ne sera probablement pas au goût de nombreux groupes de pressions favorisant la décroissance.

La “confiance” dans l’innovation et la technologie, non seulement en matière de développement durable mais aussi dans d’autres domaines tels que les soins de santé, passe nécessairement par des investissements, notamment publics. L’objectif de consacrer 4% du PIB à l’investissement public (contre 2,6% actuellement) est donc logique, et même ambitieux au regard de la moyenne des pays de l’OCDE (3%). En matière d’investissements, la balance semble notamment pencher en faveur du déploiement de la 5G : “Nous veillerons à rapidement assurer les conditions nécessaires pour créer l’adhésion de toutes les parties prenantes à l’introduction de la 5G et au déploiement de la fibre optique” (p. 28). Or, on sait que l’introduction d’un réseau 5G peut véritablement augmenter la croissance potentielle d’une économie car elle ne sert pas simplement à télécharger un film plus rapidement mais elle est une pièce essentielle du déploiement des objets connectés.

Bref, même si l’on peut douter de la concrétisation des objectifs annoncés, l’ambition d’une trajectoire économique résolument positive, fondée sur la croissance économique, l’innovation et la technologie, doit être saluée.

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