Trump ou Biden, un même désespoir plane sur Baltimore

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Quel que soit le vainqueur de la présidentielle américaine en novembre, Demon Lane assure que son quartier délabré dans l’est de Baltimore restera gangréné par les trafics de stupéfiants, les règlements de compte armés, ou les maisons abandonnées livrées aux rats.

Négligée depuis des décennies, cette zone est peuplée majoritairement d’Afro-Américains très pauvres, offrant un contraste saisissant avec des zones résidentielles huppées, aux nouveaux commerces et aux rues sûres, majoritairement habitées par des Blancs, à seulement quelques kilomètres. Baltimore, à la population aux 2/3 noire, est une ville où se constate une ségrégation de facto parmi les plus visibles des Etats-Unis.

“On n’a vu aucune différence avec les trois derniers présidents. Alors on ne verra aucune différence avec le prochain”, affirme Demon Lane, depuis l’entrée de son domicile où il vit avec ses trois enfants et son épouse.

De l’autre côté de sa rue se trouve un amoncellement de déchets. De nombreuses maisons alentour ont été rasées, multipliant les parcelles seulement couvertes d’herbe dans une agglomération qui se vide ainsi depuis des années. Plus bas, derrière un pâté de maisons inoccupées, s’ouvre un endroit que Lane surnomme “crack central”. C’est une plaque tournante de la drogue. Durant les mois les plus chauds de l’année, des fusillades y retentissent en moyenne trois fois par semaine, estime le jeune homme.

“Je n’ai aucun espoir. Le seul espoir que je conserve est en moi-même: ce que je peux faire pour ma famille”, ajoute-t-il.

– “Apartheid urbain” –

Grand port de l’est du pays, Baltimore a vu le fossé de disparités se creuser au sein de ses habitants. Dans certains quartiers de l’est et l’ouest de la ville, peuplés à 90% d’Afro-Américains, le revenu moyen annuel ne dépasse pas 14.000 dollars. Dans d’autres quartiers peuplés de Blancs à 85%, le niveau est de 110.000 dollars par an.

Ce déséquilibre est l’héritage d’un racisme historique.

“Baltimore est l’épicentre de l’apartheid urbain en Amérique”, a jugé le chercheur Lawrence Brown, dans une interview publiée en mai sur YouTube. Il évoque une loi d’urbanisme adoptée en 1910, qui interdisait aux résidents noirs de déménager dans des quartiers blancs, et vice-versa. Même si cette législation a été plus tard annulée par la Cour suprême, d’autres règles imposées ont suivi, destinées à réduire les possibilités pour les Afro-Américains de louer ou d’acheter des biens dans certains quartiers privilégiés.

– “On est les oubliés” –

Les Etats-Unis ont été secoués ces derniers mois par un mouvement historique de dénonciation des injustices subies par les Afro-Américains, à commencer par le racisme et les brutalités policières, un sujet sensible à Baltimore.

Le slogan “Black Lives Matter” (“Les vies noires comptent”) a pris une place importante dans la campagne présidentielle, le président Donald Trump préférant pour sa part insister sur les vies des policiers. Baltimore, dirigée par les démocrates depuis des décennies, est “la pire” des villes américaines, a asséné un jour M. Trump.

Mais, au-delà des témoignages de soutien en direction de la population noire qui se sont récemment multipliés dans le pays, il faudra longtemps avant que cela se traduise dans les faits. “Vous pouvez brandir toutes les bannières +Black Lives Matter+ que vous voulez, si vous êtes blanc vous continuerez de profiter du système”, résume pour l’AFP le journaliste et écrivain Lawrence Lanahan.

A Baltimore, rappelle-t-il, les habitants noirs des classes défavorisées meurent en moyenne 20 ans plus tôt que les habitants blancs les plus riches.

Le taux de chômage est deux fois plus élevé dans ces quartiers noirs –où des écoles ont passé l’hiver sans chauffage– que dans les quartiers blancs les plus cossus. “La richesse suit la blancheur (de peau)”, ajoute M. Lanahan.

Dans le pâté de maisons de Demon Lane, la valeur des habitations a chuté en dessous de 20.000 dollars l’unité. “On reste toujours les oubliés. Ils (les responsables politiques) nous font des promesses… six mois après les choses reprennent leur cours inchangé”, constate Edmond Hargrove, un Afro-Américain de 43 ans.

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