“Trump ne peut pas faire grand-chose sans l’UE”

Donald Tusk et Donald Trump © Xinhua

Washington n’avait guère d’autre choix que de prolonger l’exemption accordée à l’Union européenne sur les taxes sur l’acier et l’aluminium, estiment des experts soulignant le rôle incontournable de cet allié au moment où Washington s’engage dans une difficile négociation commerciale avec Pékin.

Donald “Trump a accordé la prolongation de cette exemption parce qu’il ne peut pas faire grand-chose sans l’UE”, résume Monica De Bolle, spécialiste du commerce international au Peterson Institute for International Economics (PIIE).

Les Etats-Unis ne peuvent faire cavaliers seuls sur l’épineuse question du transfert des technologies et du respect des droits de la propriété intellectuelle en Chine. “Et l’Union européenne le sait très bien”, ajoute Monica De Bolle.

La Maison Blanche a annoncé lundi soir qu’elle consentait à prolonger jusqu’au 1er juin un sursis qui devait initialement expirer mardi. Cette décision a été fraichement accueillie par l’UE car elle prolonge “l’incertitude du marché” sans pour autant résoudre les contentieux.

Cette annonce intervient surtout alors qu’une délégation ministérielle américaine, conduite par le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, doit se rendre dans les prochains jours en Chine pour tenter de “parvenir à un accord” sur le commerce.

Washington accuse Pékin de pratiques commerciales “déloyales” ayant conduit à son colossal déficit avec le géant asiatique (375 milliards de dollars en 2017).

M. Mnuchin, dont ce sera le premier voyage dans ce pays, doit être accompagné du secrétaire au Commerce Wilbur Ross, du représentant américain au Commerce Robert Lighthizer et du conseiller économique de la Maison Blanche Larry Kudlow.

La Chine est depuis fin mars sous le coup de taxes supplémentaires de 25% sur ses exportations d’acier et de 10% sur celles d’aluminium vers les Etats-Unis.

L’administration Trump a en outre menacé de taxer quelque 50 milliards de dollars de produits chinois importés susceptibles de compenser le transfert de technologie “forcé” ou le “vol” de propriété intellectuelle, des pratiques que les Européens dénoncent également.

“L”importance de l’UE va bien au-delà du commerce, de l’acier ou de l’aluminium”, souligne Mme De Bolle, relevant son rôle stratégique, politique et diplomatique. Et l’UE compte utiliser ce levier dans le domaine commercial, opine-t-elle.

En prolongeant l’exemption, “l’administration Trump espère obtenir un certain soutien dans son conflit (commercial) avec la Chine”, renchérit Edward Alden, expert au Council for Foreign Realtions.

“Si les droits de douanes (sur les importations européennes d’acier et aluminium) avaient été mis en oeuvre aujourd’hui, l’UE aurait pris des mesures de rétorsion qui auraient laissé les Etats-Unis plutôt isolés dans leurs tractations avec la Chine”, analyse-t-il.

“Maintenir la pression”

Face aux grandes capitales européennes qui exigeaient mardi une exemption “durable”, “définitive” et “permanente”, condition préalable pour discuter “sereinement” avec Washington, Wilbur Ross a justifié cette prolongation d’exemption par de potentielles avancées dans la résolution des différends entre l’UE et Washington.

Interrogé par CNBC pour savoir pourquoi l’exemption avait été prolongée, M. Ross a répondu: “Parce que nous avons potentiellement des discussions fructueuses sur, d’une manière générale, la réduction des tensions commerciales entre l’Union européenne et nous-mêmes”.

“Nous avons bon espoir que quelque chose de positif sortira de tout cela”, a-t-il ajouté.

Pour Eswar Prasad, qui enseigne la politique commerciale à l’université de Cornell, la prolongation de l’exemption provisoire peut aussi être perçue comme une “tentative de l’administration Trump de maintenir la pression sur l’UE dans le cadre des négociations commerciales”.

Malgré l’apparente inflexibilité de l’UE, Washington semble miser sur une “capitulation rapide de l’Union européenne” sur les exigences américaines de limiter les quotas d’acier et d’aluminium ou d’ouvrir davantage le marché européen aux produits américains, souligne-t-il.

M. Alden ajoute qu’en annonçant parallèlement des accords de principe avec le Brésil, l’Australie et l’Argentine après la finalisation du traité de libre-échange avec la Corée du Sud, Washington parie probablement sur le fait qu’il sera plus difficile pour l’UE de camper sur ses positions.

Pour l’heure, aucun des deux camps ne semble vouloir céder du terrain.

Pour Monica De Bolle, “l’administration Trump est dans une situation difficile avec l’Union européenne. Et elle ne sait que faire”.

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