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Travailler plus longtemps ? Evidemment. Mais pas à n’importe quel prix

Depuis mardi, l’annonce du relèvement de l’âge légal de la pension a fait couler beaucoup d’encre. Une des principales objections formulées par l’opposition est celle-ci : “Il faut travailler sur l’âge réel de départ à la pension plutôt que de relever l’âge légal !”

Cela semble effectivement judicieux, compte tenu du fait que l’âge moyen réel de départ à la pension est de 59 ans en Belgique. Pourquoi s’évertuer dans ce cas à vouloir relever le plafond légal ?

Premièrement parce qu’il s’agit d’un signal fort qui permet de faire comprendre une fois pour toute à la population qu’on ne pourra pas vivre plus longtemps sans travailler plus longtemps. Ajoutez à cela le phénomène démographique du papy-boom et vous faites face à une évidence… Evidence qui aurait pu être anticipée depuis longtemps déjà et dont personne n’a jusqu’ici osé parler en des termes clairs à nos concitoyens.

Deuxièmement, même si nous n’avons pas encore tous les détails de l’accord, il y a de fortes chances pour que ce relèvement ne soit pas un critère unique pour l’accès à la pension : durée de la carrière, pénibilité du travail et périodes assimilées entreront également dans le calcul de l’âge réel de départ à la retraite, ce qui veut dire qu’en moyenne les départs se feront forcément avant 67 ans, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Et si la mesure permet de repousser l’âge réel de départ à la pension d’une, deux ou trois années… eh bien nous pourrons dire que c’est une bonne mesure.

Relever l’âge de la pension à 67 ans est avant tout une mesure de prudence qui vise à parer au scénario le plus pessimiste.

Troisièmement, n’oublions pas que cette mesure n’entrera en vigueur que dans plus de dix ans et progressivement : l’âge légal de départ à la pension sera relevé à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030. Il s’agit donc d’abord et avant tout d’une mesure de prudence qui vise à parer au scénario le plus pessimiste. Avec un peu de chance (et une politique d’emploi volontariste), il sera possible de l’amender avant même qu’elle n’entre en vigueur. En attendant, on ne pourra pas taxer ce gouvernement d’imprévoyance et en cela, il mérite déjà d’être applaudi.

Ceci étant, il va sans dire que cette mesure prise isolément n’a pas beaucoup de sens vu le contexte actuel : non seulement il faudra d’ici 2025 créer suffisamment d’emplois pour réduire le chômage d’une part, et absorber cette main d’oeuvre âgée de l’autre, mais il faudrait aussi, pour l’absorber, la rendre meilleur marché. Car ce n’est un secret pour personne : l’augmentation barémique des salaires en Belgique fait en sorte que les seniors coûtent beaucoup trop cher à leurs employeurs, avec pour résultante un recours massif à la prépension.

En cela, une mesure visant à réduire progressivement (mettons, au-delà de 50 ans) l’augmentation barémique des salaires aurait peut-être été plus judicieuse. Et quand bien même elle ne serait pas envisageable, il faudra de toute façon prévoir de pouvoir réduire son temps de travail en fin de carrière, ce qui présenterait un triple avantage : moindre coût pour l’employeur, meilleure qualité de vie pour le travailleur âgé, et possibilité pour les travailleurs âgés de consacrer du temps à la formation des plus jeunes.

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