Tom Wenseleers (KU Leuven): la Chine paie deux fois le prix de la pandémie du Covid
Tout d’abord, l’économie chinoise a souffert de la politique stricte du “zéro Covid”, et maintenant la Chine doit payer la facture d’un tsunami d’infections après la levée de cette politique. Reste à voir si, finalement, la Chine va prendre le taureau par les cornes…
Début décembre, les rues de Pékin, la capitale chinoise, étaient à nouveau désertes. Le gouvernement a mis une fin assez brutale à sa politique très stricte du “zéro Covid”, ce qui s’est soldé très rapidement par une importante vague d’infections et un nombre croissant de décès. Pourquoi ? Car le virus du covid s’est soudainement retrouvé en liberté parmi une population dont l’immunité collective était quelque peu limitée et la couverture vaccinale relativement faible, en particulier chez les personnes vulnérables de plus de 80 ans. Par crainte d’être contaminés, les Chinois sont donc restés chez eux et se sont confinés volontairement.
Officiellement, il n’y a guère de vague de contaminations en Chine. Selon les autorités, à la fin du mois de décembre, on comptait plusieurs milliers d’infections au Covid par jour et un total de 13 décès. “Les chiffres officiels de la mortalité n’ont pas de sens. Nous aurons une meilleure idée de cette vague d’infections si nous testons les voyageurs en provenance de Chine”, a déclaré Tom Wenseleers, biostatisticien à la KU Leuven.
Parfois, des chiffres officiels plus crédibles s’échappent. Par exemple, The Economist fait référence aux statistiques communiquées par la province de Zhejiang le 25 décembre. À l’époque, la riche province orientale comptait un million de nouvelles infections par jour sur une population de 65 millions d’habitants.
La société de données britannique Airfinity a estimé début décembre que 5.000 Chinois mouraient chaque jour du covid. Le bilan total de ce tsunami d’infections pourrait atteindre 1,5 million de morts. “Ce sont des taux de mortalité réalistes, surtout si l’on considère la faible couverture vaccinale des plus de 80 ans. Il s’agit d’une vague de mortalité importante, même si elle est contenue par la couverture vaccinale limitée en Chine. La Belgique, par exemple, a connu proportionnellement plus de décès”, déclare Tom Wenseleers.
L’économie chinoise en est aussi “infectée”
Entre-temps, le fait que covid circule à nouveau Chine se reflète également dans les indices économiques, qui ne sont pas bons. Tant dans le secteur manufacturier que dans celui des services, la confiance des directeurs d’achats souligne une sérieuse contraction de l’économie.
Dans les services, il s’agit de la plus forte baisse de confiance depuis février 2020. Les effets combinés de la politique du “zéro Covid” et de la vaste vague de contaminations tirent l’économie chinoise vers le bas. “Bien sûr, l’idée, que la Chine ait besoin d’une lourde vague de contaminations au sortir de deux ans de politique de “zéro Covid” pour maîtriser quelque peu le virus, est stupide. La Chine paie donc deux fois pour cette pandémie. Une première fois via la politique du “zéro Covid”, et maintenant une seconde fois via une forte vague d’infections. Cependant, la Chine n’avait plus le choix. La politique du “zéro Covid” était devenue insoutenable, y compris sur le plan économique. Cette politique était beaucoup plus coûteuse que la stratégie de sortie actuelle”, explique Tom Wenseleers.
La question est, bien sûr, de savoir combien de temps l’économie chinoise restera l’otage de ces contaminations et éventuellement de nouvelles vagues à venir. Pendant ce temps, le pays est toujours aux prises avec une crise immobilière chronique qui pèse sur l’activité de la construction et sur le moral des gens. “Cette année, pour la première fois en 40 ans, la croissance de l’économie chinoise sera plus lente que celle de l’économie mondiale”, a déclaré hier Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI.
Combien de vagues d’infections encore?
Certains signes indiquent que la vie “normale” reprend ses droits dans les grandes villes chinoises, notamment parce que la population réalise qu’elle n’a guère d’autre choix. Si cette vague de contaminations est surmontée dans les semaines à venir, et si les consommateurs sont en mesure de dépenser à nouveau pleinement, l’économie pourrait rebondir. “Toutefois, il y a un risque que la Chine ne s’en sorte pas avec le tsunami actuel. La même dynamique que celle que nous avons observée se développe peut-être en Chine, avec de nouveaux variants, dont certains échappent à notre immunité et à nos vaccins, créant ainsi de nouvelles vagues. La Belgique, par exemple, a connu cinq vagues supplémentaires l’année dernière. Toutefois, le pic et la mortalité diminuent à chaque vague “, indique Tom Wenseleers.
Il n’est pas non plus exclu qu’avec cette vague de contaminations, le pire puisse être derrière la Chine. Elle va maintenant se construire une immunité contre cette grande vague d’infections, alors que la Belgique a construit son immunité plus progressivement ces dernières années à travers des vagues multiples mais plus petites. “Il est difficile de prévoir vers combien de vagues annuelles nous nous dirigeons. La prévisibilité augmente, mais le covid n’est pas encore un virus saisonnier, car des variants qui contournent partiellement notre immunité continuent d’apparaître. La pandémie pourrait finir par des vagues de plus en plus petites, surtout si un rappel annuel est administré aux plus de 50 ans”, conclut Tom Wenseleers.
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