Taxer les plus-values, est-ce malin?

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En disant qu’il était prêt à discuter de la taxation des plus-values, le ministre de l’Economie Kris Peeters a ouvert la boîte de Pandore. Et Pandore, comme Jupiter, rend fous ceux qu’elle veut perdre.

Le débat a donc bien évidemment dérapé : on s’est emmêlé les pinceaux en confondant taxation du capital et taxation des revenus de celui-ci et en mettant sur le même pied l’imposition des plus-values à court terme (autrement dit la spéculation), celle sur les plus-values à long terme et la nécessité d’une grande réforme fiscale qui rééquilibrerait la fiscalité des revenus du travail et du capital.

Essayons donc de faire le tri. Taxer les plus-values à court terme, autrement dit la spéculation, ne devrait pas causer de grandes discussions politiques. A priori, il existe un assez large consensus pour pénaliser fiscalement ce comportement qui instille une dose d’instabilité dans un système qui n’en a pas vraiment besoin.

Taxer les plus-values à court terme, autrement dit la spéculation, ne devrait pas causer de grandes discussions politiques.

Taxer les revenus du capital, c’est la question du moment. Concentrons-nous sur la taxation des actions. Les revenus des capitaux investis dans les entreprises, autrement dit les dividendes, sont déjà taxés deux fois. Une fois au travers de l’impôt des sociétés, puis une fois via le précompte mobilier lorsqu’une partie des bénéfices est versée à l’actionnaire. S’il y a une discussion sur le taux qui doit s’appliquer à ces revenus, fort peu remettent en cause la nécessité de les imposer à un certain moment. La véritable question est de savoir à quel niveau de la chaîne la ponction doit intervenir afin de respecter les principes de justice sociale tout en étant efficace. Aussi, on peut se demander, comme le fait Thierry Afschrift dans ce numéro, mais aussi bien d’autres comme le professeur Decoster de la KU Leuven, s’il est malin de taxer ces revenus dès qu’ils apparaissent au niveau des sociétés. Ne serait-il pas préférable, en échange d’un élargissement de la base taxable (autrement dit de la disparition de la série de déductions dont profitent les sociétés) d’abaisser le taux de l’Isoc et de concentrer la fiscalité sur les revenus de l’actionnaire ? Une telle disposition aurait en tout cas le mérite d’attirer davantage d’activités dans le pays, ce qui serait dans l’intérêt général.

Et puis, il y a cette fameuse fiscalité sur les plus-values réalisées à long terme sur ces actions. La première question à se poser est de se demander s’il s’agit vraiment d’un revenu du capital. Dans un récent post sur son blog, Bruno Colmant donne de très utiles éléments de réponse. La valeur d’une action, rappelle-t-il, est fonction de ce que l’on pense qu’elle va rapporter comme revenu dans le futur. Si la valeur d’une action double, c’est que l’on s’attend à ce qu’elle verse deux fois plus de dividendes qu’auparavant et à ce que quelqu’un soit prêt à mettre ce prix. Les plus-values dans ce contexte sont à la faveur non pas d’une opération industrielle créatrice de richesse, mais d’un transfert de capital, d’un actionnaire vers l’autre. Dans ce contexte, si l’on décide de taxer les plus-values, on taxe les dividendes deux fois. Une fois au travers de la plus-value, qui anticipe le versement de dividende, et une autre fois, lorsque ces dividendes seront réellement versés.

Ce long détour était nécessaire pour expliquer pourquoi taxer les plus-values est une mesure qui risque de décourager l’investissement. Car elle s’apparente à une taxe sur le capital, et non pas sur la richesse qu’il génère. Or, ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est justement l’inverse : nous devons inciter l’abondante épargne dont nous disposons à se diriger vers le capital à risque.

On peut donc tout imaginer à l’occasion d’une grande réforme fiscale. On peut envisager de taxer les plus-values à court terme, voire les plus-values sur les obligations et les instruments de dettes. Mais taxer les plus-values sur actions serait donner un très mauvais signal à un moment où il faut mobiliser l’investissement plutôt que le décourager.

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