Taxe carbone en Belgique : possible ou pas ?

Bernard Clerfayt, secrétaire d’Etat à la Fiscalité environnementale, mène des consultations autour d’un projet de taxe carbone, rapporte vendredi “Le Soir”. Il assure ne pas avoir “entendu d’opposition radicale”, même si les obstacles sont nombreux. En France, l’idée a été purement et simplement abandonnée, malgré le volontarisme du président Sarkozy.

Le projet de Bernard Clerfayt, secrétaire d’Etat (MR) à la Fiscalité environnementale, consiste à taxer à hauteur de 17 euros la tonne de CO2, un montant qui augmenterait progressivement pour atteindre 100 euros en 2030. La taxe, qui s’appliquerait aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises, se veut neutre : les premiers bénéficieraient de baisses d’impôts, tandis que les secondes profiteraient d’une baisse des charges patronales sur les salaires.

Du côté syndical, Anne Demelenne, secrétaire générale de la FGTB, se dit “d’accord pour faire quelque chose pour changer les comportements mais pas, comme le veut Clerfayt, pour ramener de l’argent dans le budget. Et il faut d’abord que les solutions soient disponibles en matière de transports en commun et d’économies d’énergies avant de songer à ce qui sear perçu par les bas et moyens revenus comme une sanction !”

Du côté patronal, la Fédération des entreprises de Belgique est elle aussi réservée : “Intellectuellement, l’idée est séduisante mais il y a un projet en préparation au niveau européen, souligne Isabelle Callens, directrice du département économique de la FEB. Nous avons des doutes quant à une démarche isolée de notre pays.”

Pour “ne pas nuire à la compétitivité de nos entreprises”, la France renonce à sa taxe carbone

L’argument d’une implication au niveau européen, avancé par la FEB, est identique à celui qui prévaut chez nos voisins français. Voici peu, en effet, le gouvernement hexagonal a renoncé à l’idée d’une taxe carbone en France, pourtant l’un des chevaux de bataille du président Sarkozy. Raison invoquée par le Premier ministre, François Fillon : “ne pas nuire à la compétitivité” des entreprises françaises.

Une vision partagée par Anne Lapierre, juriste française spécialisée en droit européen, interrogée par nos confrères de L’Expansion.com : “Les entreprises françaises, surtout les PME et PMI, ont été très durement atteintes par la crise économique et financière. Leur ajouter une taxe au moment où elles luttent pour leur survie me paraît difficilement acceptable. D’autant qu’en France, les entreprises sont déjà très taxées.”

Ceci dit, Anne Lapierre doute franchement de l’accouchement, à court terme, d’une législation européenne en la matière : “En tant que juriste spécialisée en droit européen, je suis bien placée pour affirmer que la création d’une taxe carbone européenne ne se fera pas du jour au lendemain, car, en Europe, toute création fiscale est soumise à un vote à l’unanimité. L’Europe ne parvient déjà pas à harmoniser les taux de TVA… Alors, la taxe carbone européenne, il ne faut pas rêver !”

L’argument économique de François Fillon pour renoncer à la taxe carbone ? “Cela s’appelle botter en touche !”

L’argument économique de François Fillon ? “Cela s’appelle botter en touche !, s’insurge de son côté Jacques Le Cacheux, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et auteur de plusieurs études sur le sujet, lui aussi interviewé par L’Expansion.com. Le gouvernement sait très bien qu’actuellement, une taxe carbone européenne n’est pas envisageable. Il faut l’unanimité des membres de l’Union européenne, or il existe de profonds désaccords entre les pays. Le Royaume-Uni est hostile à une quelconque harmonisation de la fiscalité, et les pays de l’Est, notamment la Pologne, ne veulent pas du principe même d’une taxe carbone.”

Quant à l’idée d’instaurer une taxe carbone aux frontières, “il faudrait là aussi l’unanimité et cette unanimité n’existe pas, renchérit Jacques Le Cacheux. Certains pays, notamment l’Allemagne, considèrent qu’une telle taxe reviendrait à instaurer un protectionnisme déguisé. Ils craignent que cela soit considéré comme une déclaration de guerre par les pays émergents et ne veulent pas s’exposer à des représailles qui pénaliseraient leurs exportations.”

Le report de la taxe carbone, dénoncé par Michel Rocard – l’ex-Premier ministre français avait organisé, en juillet 2009, une conférence d’experts sur le sujet – comme “un crime contre l’humanité”, ressemble donc bien à un abandon pur et simple. En ira-t-il autrement chez nous ?

Trends.be

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