Tax shift: les recettes d’Etienne de Callataÿ

Étienne De Callataÿ © Reporters

Voitures de société, précompte immobilier, tax shelter… les cibles de l’économiste sont nombreuses. Elles poursuivent un même but: soutenir une croissance durable et réduire les inégalités.

Les comparaisons internationales le rappellent souvent : la Belgique figure parmi les champions du monde de la pression fiscale. Cela bride-t-il l’activité économique et la croissance dans notre pays ? “Il n’y a pas de lien significatif entre le niveau de l’imposition et la croissance économique”, répond Gaëtan Nicodème, professeur à l’ULB et haut fonctionnaire à la Commission européenne, invité ce mardi midi à une conférence en prélude au congrès des économistes francophones.

Ce qui va être décisif en revanche, c’est la manière dont cet impôt est collecté: certaines taxes sont moins “distortives” pour la croissance que d’autres, dit-il, notamment les taxes sur la consommation, sur l’immobilier et sur les comportements polluants. A l’autre bout de l’échelle, on trouve la fiscalité sur le travail, dont la hauteur est un frein à l’économie et à l’emploi. Un tax shift intelligemment pensé devrait donc diminuer les secondes et augmenter les premières.

Cela peut sembler d’autant plus évident que la faiblesse de la taxation des comportements polluants est ” un des faits marquants de la fiscalité belge “, selon Etienne de Callataÿ (Université de Namur). Il cite pêle-mêle le mazout de chauffage, le diesel et bien entendu les voitures de société, dans le collimateur de toutes les instances internationales mais chéries par les Belges. ” Nous avons le plus grand parc automobile appartenant à des entreprises, confirme Jean-Marc Delporte, le président du comité de direction du SPF Economie. Toutefois, la récente crise chez VW va peut-être aider à prendre la mesure exacte de ce qu’est la pollution automobile… “

Gommer les spécificités belges

Une réforme fiscale ambitieuse devrait être aussi, reprend Etienne de Callataÿ, l’occasion de gommer une série de ” spécificités belges “. Il songe par exemple à un précompte mobilier, ” toujours libératoire alors que les horloges ont tourné “, que l’échange d’informations financières a progressé ; ou à une taxation plus forte du patrimoine mobilier car “la rente et l’entrepreneuriat ne vont pas de pair ” et que ” la croissance ne s’accommode pas de la rente ” ; ou encore à une fiscalité immobilière ” obsolète et remplie de distorsions ” : pourquoi un traitement fiscal différent quand on loue un bien à un particulier ou à une entreprise ? Pourquoi taxer un bien rénové selon un revenu cadastral de 1975 et une maison neuve selon sa valeur actuelle ?

L’économiste s’en prend aussi à certaines niches à l’impôt des sociétés. ” On ne peut pas défendre les intérêts notionnels et se dire pro-européen “, assène-t-il. L’un des objectifs du mécanisme est en effet d’attirer en Belgique les quartiers généraux de grands groupes internationaux, en leur procurant un avantage fiscal spécifique. De Callataÿ étend la remarque à un autre volet de notre fiscalité, très rarement décrié celui-là, à savoir le tax shelter, grâce auquel des films sont tournés en Belgique plutôt que dans d’autres pays européens. “Je m’interroge aussi sur la déductibilité des frais professionnels, ajoute-t-il. Si vous avez un bon produit à vendre, vous ne devez pas inviter au restaurant ou dans les loges d’un club de football pour convaincre les clients. Cette déductibilité est en quelque sorte une prime à l’inefficacité. “

Moins d’inégalités, plus de croissance

Dégager ainsi des recettes pour l’Etat permettrait de réformer l’impôt des personnes physiques, afin d’en accentuer la progressivité en allégeant la fiscalité sur les bas et moyens revenus. Pas pour de pures motivations sociales mais parce qu’il existe ” une corrélation négative entre les inégalités et la croissance “. Accentuer le caractère redistributif de l’impôt favoriserait donc aussi la croissance. ” On peut reparler des voitures de société dans ce contexte car c’est un élément de la redistribution des revenus en Belgique “, plaide Jean-Marc Delporte.

La TVA à l’heure des imprimantes 3D

Tout en dénonçant une série de spécificités fiscales belges, les orateurs ont salué les avancées en matière d’échanges d’informations et de coordination au niveau européen. L’Union européen a jeté les bases d’une taxation commune des entreprises. Mais l’économie avance peut-être plus vite que les réglementations fiscales. ” Certaines bases fiscales ne sont plus domestiques, analyse Gaëtan Nicodème. Il devient difficile de les déterminer, de les contrôler. La fiscalisation du commerce électronique est ainsi un fameux challenge de demain. ” Etienne de Callataÿ se plonge aussi dans le futur avec cette question : ” quel sera l’avenir de notre TVA, harmonisée ou pas, quand chacun pourra utiliser son imprimante 3D ? “.

Le congrès des économistes francophones se tient le 26 novembre à l’Université de Liège, sur le thème de ” La croissance “.

Infos : www.congresdeseconomistes.be

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