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Stop aux RTT !

Le thème de la réduction du temps de travail revient chaque année dans le débat politique. Il s’agirait cependant d’une vision pessimiste de l’économie, acceptant l’idée que le volume d’activité ne cesse de diminuer et qu’il doit être réparti.

Je reste toujours étonné de voir à quel point l’idée d’une réduction du temps de travail sans réduction de salaire (RTT) revient épisodiquement dans le débat politique. A tout le moins, je reste étonné que cette idée soit appuyée par des arguments d’ordre économique. En effet, alors que pour bien d’autres mesures, le ” pour ” et le ” contre ” sont au coude à coude, les RTT ont déjà suffisamment démontré leur inefficacité. Les 35 heures en France en sont probablement l’exemple le plus parlant : elles n’ont en rien redynamisé l’économie, ni même le marché du travail. Franchement, on ne devrait tout simplement plus perdre son temps à parler de cela. Mais alors, pourquoi l’idée revient-elle sans cesse ?

Vision comptable du marché du travail

La RTT part d’un constat simple : le volume d’emplois (en nombre d’heures) à prester pour produire ce que la Belgique produit est trop faible par rapport à la masse de personnes disposées à travailler. Le marché du travail est alors inéquitablement réparti, puisque l’emploi est concentré sur un trop petit nombre de personnes, ce qui exclut le reste de la population. En diminuant le temps de travail par personne, on peut dès lors régler le problème. Evidemment, une baisse du temps de travail sans perte de salaire augmentant drastiquement le coût horaire du travail pour les entreprises, l’une ou l’autre réduction de charge pourrait leur être accordée, grâce notamment aux économies liées à la baisse du chômage. De plus, le temps libéré par les RTT devrait doper le secteur des loisirs notamment, ce qui est aussi bon pour l’économie.

Réalité dynamique

Malheureusement, ces quelques principes intuitifs ne passent pas le cap de la réalité complexe de l’économie. Tout d’abord, le coût en termes de compétitivité pour les entreprises est bien trop important. A l’augmentation du salaire horaire s’ajoutent les coûts liés à une organisation plus compliquée du travail. A moins de poser de gros problèmes au financement de la sécurité sociale, aucune mesure ne pourrait compenser la hausse de coûts. S’en suivraient des fermetures d’entreprises, des délocalisations et une réduction supplémentaire du volume total d’heures prestées… imposant une nouvelle réduction du temps de travail, et ainsi de suite.

Les RTT sont l’expression d’une vision pessimiste de l’économie, acceptant l’idée que le volume d’activité ne cessera de diminuer et qu’il faut dès lors le répartir entre les personnes.

Mais soit, supposons que des mesures inédites et dépassant mon imagination soient prises pour financer une RTT et supposons que lesdites mesures ne provoquent pas la fuite des entrepreneurs. Même dans ce cas, les effets escomptés sur le marché du travail ne seraient pas au rendez-vous. En effet, le marché du travail est loin d’être un réservoir figé et homogène d’heures de travail. C’est un ensemble complexe et dynamique de personnes qui y entrent ou qui en sortent, ayant des âges, des objectifs et des qualifications différentes. C’est cette complexité qui fait, par exemple, que peuvent coexister un nombre important de personnes sans emploi et de nombreux emplois vacants. Il est dès lors très peu probable que les offres d’emplois créées suite à la RTT (ce dont je doute mais soit…) puissent être honorées massivement par les personnes sans emploi, dont on sait malheureusement qu’une part importante n’a pas ou que très peu de qualifications. Cela risque de créer encore plus de tensions sur les salaires des professions très recherchées par les entreprises et/ou des coûts de formation. Dans les deux cas, on en revient à la problématique du coût et donc de la compétitivité.

En somme, les RTT sont un exemple de fausse bonne idée. Mais avec un peu de recul, ils sont surtout l’expression d’une vision pessimiste de l’économie, acceptant l’idée que le volume d’activité ne cessera de diminuer et qu’il faut dès lors le répartir entre les personnes. Les RTT, c’est accepter qu’on a perdu la bataille de l’emploi et de la croissance, qu’on ne sait pas ” faire mieux “. Et pour couronner le tout, c’est tout autant impayable qu’impossible compte tenu des réalités du marché du travail. Quelle que soit notre couleur politique, abandonnons cette voie pour nous concentrer sur la vision optimiste de l’économie (dans laquelle chaque couleur politique peut y trouver des idées, des orientations et des solutions) : celle qui vise à améliorer les qualifications et l’employabilité des personnes, qui révèle les talents de chacun, qui stimule la création d’entreprises, l’innovation et l’ouverture sur le monde, celle qui fait que face à une demande croissante pour les fruits de nos bonnes idées et de nos innovations, il faudra même penser à travailler plus…

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