Sous pression d’Engie, déchirée sur des dossiers sensibles, la Vivaldi est en piteux état

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le gouvernement fédéral d’Alexander De Croo termine l’année en fâcheuse posture, des pensions à l’énergie en passant par la crise de l’accueil, les excuses au Congo ou la fiscalité. L’opposition s’indigne et en profite.

Vivement la trève de Noël, pour autant qu’elle puisse apaiser les esprits. Dans la bouche de tous les partenaires de la majorité fédérale, quel que soient les médias, le même état d’esprit domine: cette coalition de sept partis n’a plus de “coalition” le mot, tant les sujets de friction se multiplient.

Certaines tensions ont des accents à ce point sérieux qu’elles pourraient justifier à elles seules la chute d’une équipe gouvernementale. Une crise larvée, qui ne peut éclater faute de prétendant à une chute gouvernementale, avant un sursaut? Il y a du travail pour déminer, en tout cas.

Pensions: l’intervention du Premier

Prenez la réforme des pensions. Le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), est intervenu en fin de semaine dernière pour activer les choses, en déposant une note touchant à des tabous socialistes, notamment les régimes spéciaux de la fonction publique.

Inutile de dire que le PS, qui a la main dans ce dossier avec Karine Lalieux au ministère des Pensions, fulmine et reproche à De Croo d’être sorti de son rôle: la fonction d’un Premier ministre n’est-elle pas pourtant, aussi, deproposer et d’arbitrer? L’enjeu dépasse ce dossier puisque la Commission européenne menace de suspendre une partie des fonds européens de la relance, mi-janvier, si l’épure présentée n’est pas rigoureuse. Pour l’heure, la promesse d’un “bonus pension”, bienvenue pour doper le travail des fins de carrière, n’est pas compensée financièrement. En clair, la réforme coûte de l’argent… alors que le but est précisément de gérer le coût du vieillissement de la population.

Energie: le nucléaire explosif

Voyez le dossier de l’énergie. Alors que l’on entre dans la dernière ligne droite des négociations pour la prolongation de deux réacteurs nucléaires pour dix ans, au-delà de 2025, Engie met la pression sur le gouvernement. C’est de bonne guerre. Le CEO du producteur d’énergie dénonce la taxation des surprofits, qui vient en plus de la rente nucléaire, et critique les montants revus à la hausse pour le démantèlement des centrales. On parle respectivement d’une taxation de 300 millions en plus du milliard déjà prélevé pour le nucléaire, et d’un surcoût de 3,3 milliards pour le démantèlemùent. Engie veut faire baisser la note avant de dire “oui” à la prolongation, cela semble évident.

Mais au sein de la majorité, cela se tend à différents titres. D’aucuns estiment que l’on ne peut demander à Engie de s’engager sans lui donner un cadre d’avenir clair et tenable. Tandis que les libéraux, s’appuyant sur le rapport d’Elia qui met en garde contre un black-out durant l’hiver 2025-26, réclament toujours le prolongation de cinq réacteurs, une option jugée impossible par les écologistes. Dans ce dossier, une majorité alternative serait désormais possible au parlement autour d’une proposition de loi de la députée MR-MCC, Marie-Christine Marghem, visant à sortir de la loi de sortie de nucléaire, trophée des verts en 2003. Seul son président de parti, Georges-Louis Bouchez, empêche que l’on n’appuie sur le bouton d’un vote qui serait explosif.

Fiscalité: libéraux en ordre dispersés

Scrutez la fiscalité. Alors que la réforme du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem(CD&V), se fait attendre, le premier jet concernant les droits d’auteurs fait des vagues et occasionne pratiquement un tsunami. En substance, en revoyant le système, ne réduit-on pas le possibilité pour le secteur des techs de profiter d’un effet d’aubaine, lui qui utilise cette réglementation pour rémunérer ses codeurs? Ce serait une tuile pour un fleuron de l’avenir.

Le MR, là encore, a donné la mesure du bras de fer en cours: en commission des Finances, deux des siens, et non des moindres, ont voté contre ou se sont abstenus: Marie-Christine Marghem, présidente de la commission, pour le “non”, et Benoît Piedboeuf, chef de groupe, pour l’abstention. Depuis, le président libéral a réaffirmé que le ministre des Finances avait confirmé que le secteur IT serait préservé, mais imaginez ce que seront les discussions sur les nombreuses autres niches fiscales dans le cadre de la réforme au sens large.

Crise de l’accueil et excuses au Congo: la gauche fulmine

Voyez enfin deux dossiers très sensibles pour la gauche: la crise de l’accueil et les excuses au Congo.

Dans le premier cas, les socialiste et les écologistes hurlent depuis des semaines qu’il est “honteux” (dixit la coprésidente Ecolo Rajae Maouane) de laisser dormir dans la rue des demandeurs d’asile en cette période de grand froid. Un motif de rupture potentiel, tant la solidarité gouvernementale n’est pas évidente sur le sujet.

Quant aux excuses à présenter au Congo, le travail de fond réalisé en commission avait fait l’objet d’un relatif consensus, mais il s’est clôturé sans accord parce que certains partis, dont les libéraux et le CD&V, ont refusé que l’on présente des “excuses” au Congo pour les exactions du passé, mais des “regrets sincères et profonds” tels que le Roi Philippe les avaient présentés voici quelques mois.

Groen, ulcéré, a dénoncé une intervention en coulisse du palais – une accusation grave dans notre système constitutionnel.

N’en jetez plus? On n’oubliera pas non plus la crise vécue sur le budget, avec le remplacement d’une secrétaire d’Etat sur fond de tensions entre libéraux, ni les expressions vives sur la forme dans de nombreux autres dossiers.

Personne, au sein de la Vivaldi, n’a intérêt à tirer la prise: l’Open VLD et le CD&V sont au plus bas dans les sondages, le PS retrouve le goût amer des affaires, Ecolo-Groen traverse une passe difficile, le MR risque l’isolement à l’égard de ses partenaires francophones, seul Vooruit a le vent en poupe…

Le résultat de tout cela, c’est décidément un projet peu lisible pour faire barrage aux nationalistes flamands de la N-VA et du Vlaams Belang, sans oublier la gauche radicale du PTB, qui dénoncent ce chaos… tout en jubilant de ce qu’il peut leur rapporter.

Alors, un sursaut, vite?

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