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‘Si Macron échoue, il y aura davantage que l’avenir de la France en jeu’

“L’élection d’Emmanuel Macron est un pari colossal. Sa présidence déterminera l’avenir de la France et de l’Europe”, affirme Marc De Vos, le directeur du think tank Itinera.

Ouf ! En France, au coeur de l’Union européenne, le président au pouvoir ne sera donc pas l’incarnation d’un sombre ressentiment d’extrême droite, moitié xénophobe, moitié anti-européen et antilibéral. Quel soulagement.

Marine Le Pen a presque obtenu le double des voix de son père Jean-Marie en 2002. Les jeunes Français ont principalement voté pour l’extrême droite ou l’extrême gauche. Les partis politiques classiques sont décimés ou déchirés. La classe politique se trouve dans un état collectif de suspicion. Qu’est-ce que cela donnera lors des élections parlementaires en juin ? Qu’est-ce que cela donnera dans cinq ans, lorsque les jeunes et les immigrants pèseront encore plus lourdement dans la balance politique française ?

L’évolution politique française est en retard de quelques générations. Trente ans après son implosion, le communisme y est encore bien vivant et se démarque à peine du populisme d’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon. Thatcher ou Reagan n’ont pas connu ni embrassé la France. Son modèle de société centralisé et bureaucratique, se nourrissant d’un mélange institutionnel d’élites politiques et d’élites des entreprises, est dépassé depuis longtemps déjà. Clinton ou Blair, qui ont concilié socialisme et économie de marché, ont ignoré la France. Dirigisme, nationalisme et protectionnisme restent l’ADN de la politique économique française.

Si Macron échoue, il y aura beaucoup plus que l’avenir de la France en jeu

Avec Macron, les Français ont choisi leur propre version de Barack Obama: un jeune novice en politique, sans track record, sans vision socio-économique claire, élu sur base d’un esperanto politique d”espoir et de changement’. Un vrai outsider aussi, sans parti politique, sans électorat stable et sans mandat clair de l’électeur, qui a autant voté contre Le Pen que pour Macron. C’est vraiment un pari colossal.

La France pèsera lourd. Sur la Belgique, car la Wallonie est la chambre d’écho politique de la France. Ce que le nouveau président à l’Élysée fait ou ne fait pas fera écho à l’Elysette de Namur et donc aussi à la rue de la Loi. La résistance de la Wallonie à la tentation de l’extrême gauche sera en partie déterminée par les futures évolutions à Paris.

La France pèsera également lourdement sur l’Europe, parce que le pays est indispensable pour la restauration d’un axe européen fort. Son malaise économique a réduit la France en suiveuse. Le Royaume-Uni s’en va. L’Italie est sans espoir. L’Europe centrale et l’Europe de l’Est sont agitées. Seule l’Allemagne peut diriger le bateau européen. Sans une renaissance française, l’Union européenne continuera à tourner carré.

Elle pèsera aussi sur notre modèle de société, parce que la France, via sa citoyenneté, a de toute évidence pris le leadership dans la réaffirmation de la citoyenneté comme ciment indispensable dans la grande diversité de nos sociétés. Au cours de la campagne électorale, Macron a opté pour un patriotisme positif comme alternative au nationalisme, à l’extrémisme et au multiculturalisme. Je suis curieux.

Macron réussira-t-il une réforme où, depuis François Mitterrand, tous les présidents français ont échoué ? S’il le pense vraiment, il y aura une période bouillonnante dans un pays complètement divisé régionalement et électoralement. S’il échoue, il y aura bien plus que l’avenir de la France en jeu.

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